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Mondiaux de biathlon : désormais spectateur, Martin Fourcade ne ressent "aucun manque"

Martin Fourcade est présent aux championnats du monde de biathlon qui se déroulent en ce moment à Pokljuka en Slovénie. Retraité depuis la fin de la saison dernière, il assiste aux épreuves dans un nouveau rôle pour lui, celui de spectateur. 

Article rédigé par Jérôme Val, franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le biathlète Martin Fourcade est présent sur le site des Championnats du monde à Pokljuka (Slovénie). (JEROME VAL/ FRANCE INFO)

Pour leur deuxième semaine, les Championnats du monde de biathlon, à Pokljuka en Slovénie, accueillent un invité de marque : Martin Fourcade. Le sportif français le plus titré revient sur le circuit pour la première fois depuis sa retraite sportive en mars dernier. Il assiste mercredi 17 février à l’épreuve de l'individuel chez les hommes. Martin Fourcade  avait remporté le titre l’an dernier aux Mondiaux en Italie. Il s’est confié à franceinfo.   

francinfo : Vous n’avez pas pu revenir sur le circuit depuis le début de la saison à cause de la pandémie. Vous aviez des fourmis dans les jambes pour rendre visite à vos anciens coéquipiers ici en Slovénie ?  

Martin Fourcade : Oui, un an après mon dernier titre, c’est un plaisir d’être là et de côtoyer à nouveau la caravane du biathlon. Ça a été une petite frustration sur ce début de saison de ne pas être en mesure de voir ça de plus près. J’y suis enfin parvenu avec mon équipementier et en tant que représentant de la commission des athlètes de l’IBU (fédération internationale).  

Vous auriez même pu vous aligner sur l’épreuve de l’individuel de ce mercredi. Une place vous est réservée en tant que champion en titre. Est-ce que ça vous a titillé de rechausser les skis ?  

Dire que je n’y ai pas pensé, c’est faux. Forcément, quand on a un quota qui vous est réservé, on y pense mais je crois que ça serait renier la bonne décision que j’ai prise et qui s’est imposée à moi à la fin de l’hiver dernier. Donc prendre le départ mercredi, ce serait me donner tort. 

"Je suis tellement épanoui dans cette nouvelle vie que je n’ai pas envie de me donner tort."

Martin Fourcade

à franceinfo

Vous parlez de bonne décision prise à l’époque. Avez-vous eu néanmoins quelques regrets depuis un an ?  

Non, il n’y a pas un seul moment où je me suis vu remettre en cause ce choix. Bien sûr que j’aurais pu continuer et que j’aurais pu être performant. Je crois que je l’ai été jusqu’à ma dernière course en Finlande où j’ai réussi à m’imposer. Il n’y avait pas de raison de ne pas pouvoir prolonger cette dynamique au moins jusqu’aux Jeux olympiques de Pékin. À titre personnel, je sentais que j’étais allé au bout de mon voyage, que j’avais fait le tour de cette magnifique histoire et que je quittais le biathlon en l’aimant encore plus. J’avais envie de partir en paix avec cette tranche de ma vie qui a été magnifique.  

Le site des Championnats du monde de biathlon à Pokljuka en Slovénie (JEROME VAL / FRANCE INFO)

On évoque souvent la petite mort au moment de la retraite des sportifs de haut niveau. Avez-vous ressenti un manque ?  

Le manque physique, je ne l’ai pas du tout d’autant plus que je fais beaucoup de sport au quotidien. La seule perturbation, elle est identitaire parce qu’aujourd’hui, je fais plusieurs choses avec mes partenaires, dans le monde de l’olympisme (Paris 2024 notamment), j’organise un festival à Annecy, j’ai sorti un livre. Je suis très occupé professionnellement mais c’est plus difficile de se définir.

"Pendant dix ans, j’ai été athlète, les gens me reconnaissaient en tant que sportif. Je n’ai plus cette identité-là. Et c’est la seule chose un peu compliquée : arriver à se trouver une nouvelle identité. On est quelque chose d’autre."

Martin Fourcade

à franceinfo

Au moment de votre départ, il y a eu des interrogations sur ce que deviendraient les performances de l’équipe de France sans vous. Avez-vous eu des craintes ?  

Aucune et c’est ce qui m’a aidé à partir. J’ai dit au groupe que je partais sereinement parce que je savais qu’il n’avait plus besoin de moi pour remporter un relais. C’est une vraie victoire pour moi. Bien sûr qu’il y a une comparaison qui va être faite encore pendant un moment. J’ai beaucoup dominé et les attentes sont importantes de la part du public et des médias. Un héritage, c’est avant tout quelque chose de positif.  

Justement, lors de son nouveau titre dimanche sur la poursuite, Emilien Jacquelin vous a rendu hommage ainsi qu’à Raphaël Poirée.  

Ça me fait chaud au cœur, ça me touche. En plus j’ai un lien privilégié avec Emilien. Je suis super heureux de le voir performer. J’ai fait du biathlon pour moi-même mais ça a été un bonheur de voir grandir mon sport en même temps. Voir le sport pour lequel j’ai beaucoup donné être plus reconnu me satisfait : il y a encore une flamme.  

Quand vous voyez Emilien Jacquelin à 25 ans avec six médailles mondiales, vous vous reconnaissez dans son parcours ?  

On a des styles et des tempéraments différents. Emilien fait des mondiaux remarquables l’an passé et cette saison, un début de compétition magnifique. Il a sa propre histoire et je n’ai pas du tout envie de m’imposer et de m’aventurer sur des comparaisons hasardeuses.  

Vous dîtes ne pas vouloir vous imposer mais vous gardez un œil sur cette équipe de France.  

Bien sûr mais dans un grand respect du staff pour qui j’ai trop d’admiration et d’affection pour venir court-circuiter quoi que ce soit. Pour avoir été athlète, je sais qu’on a aussi besoin de ces moments d’échanges où on arrive à se libérer un peu. Ce n’est pas facile de le faire avec son entraîneur ou avec ses adversaires. J’ai la chance d’avoir une position assez neutre dans toute cette histoire. J’ai juste envie de leur réussite et ça facilite le contact, les échanges et les confidences.  

À quoi ressemble la vie de Martin Fourcade aujourd’hui ?  

C’est riche, c’est complet et la vie de papa prend aussi beaucoup plus de temps qu’avant et c’est avec grand plaisir. C’est une ouverture d’esprit et une richesse de pouvoir explorer plusieurs univers. C’est ce que j’attendais.  

Cela veut dire que vous avez tiré un trait sur une éventuelle reconversion en tant qu’entraîneur ?  

Il ne faut pas dire jamais mais ce n’est pas une aspiration que j’ai. J’ai eu l’immense bonheur d’avoir des entraîneurs exceptionnels qui ont tellement donné pour moi que je connais cette responsabilité et je ne suis pas sûr d’être prêt à la porter.

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