Berlin : Fabien Gilot, le capitaine qui a entretenu la flamme bleue
Tony d’Amato. Un nom qui résonne chez les amoureux de sport. Le personnage joué par Al Pacino dans L’enfer du dimanche a été une source d’inspiration pour Fabien Gilot. Une scène en particulier, son discours dans les vestiaires des Sharks, qui quand on lui en parle, fait encore dresser les poils de Frédéric Bousquet, partenaire de longue date du capitaine de l’équipe de France. "C’est LE film référence. Il revient à chaque fois en compétition. Les entraîneurs de Marseille s’en sont servis en réunion pré-championnat de France. A la fin de la réunion, après les discours ils nous passent cette scène (celle dans les vestiaires, ndlr)… On était gonflé à bloc. Rien que d’en reparler, j’en ai des frissons". Des propos qui font écho aux nageurs tricolores qui ont tous fait référence à un moment où à un autre au discours de Fabien Gilot avant la compétition. "Entre lui et Romain, je ne sais pas lequel m’a le plus plu, mais c’était très motivant, souffle Charlotte Bonnet, ils ont toujours le don de nous mettre bien dans la compétition. En me couchant, je tremblais presque. Ils nous ont donné la pêche".
Vidéo : le discours d'Al Pacino dans L'Enfer du dimanche
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Un petit retour en arrière s’impose. A la veille de l’Euro, l’équipe de France est en proie aux doutes. Entre les absences de leaders et le niveau de la relève, des questions se posent. Mais Gilot va prendre la parole devant le groupe. Pour le rassurer, lui donner confiance. "Il faut s’adapter aux absences, dit-il en substance. L’équipe est compétente. Puis j’aime aussi que les anciens vont devoir assumer leur rôle, plus qu’avant pour tenir l’équipe". Les responsabilités, le nageur de Marseille, aime ça et a toujours su les prendre. Avant d’offrir le premier titre aux Bleus lundi dernier avec le relais 4x100m nage libre, c’est encore lui qui se mouille. Face au groupe, il trouve les mots qui sonnent, les mots qui résonnent encore dans les têtes bleues. "Notre capitaine a été énorme avant la course. Il m’a foutu la chair de poule. On avait gagné avant la course, il nous a fait croire qu’on était les meilleurs", résumait Jérémy Stravius.
Vidéo : la victoire des Français sur le relas 4x100
Savoir parler
Son message, Gilot le fait passer par deux vecteurs. Sa longévité et son palmarès au plus haut niveau d’abord. Dix ans qu’il est là à amasser des titres olympiques (4x100m nage libre à Londres), mondiaux (4x100m nage libre et 4x100 4 nages à Barcelone) et cette médaille d’argent, enfin, la première en individuel sur 100m nage libre derrière l’ami Manaudou. "C’est une satisfaction énorme… Je suis fier de ne pas avoir lâché. Savoir se battre pour les médailles, ça prouve ma force de caractère", a-t-il dit. Ce caractère qu’on imagine inspirant pour ses camarades tricolores. Au moins autant que ses mots. "Il sait très bien s’exprimer, c’est indéniable, admire Bousquet. Il a pris des cours de média training. Il s’inspire aussi des discours de Claude Onesta (sélectionneur de l’équipe de France de handball, ndlr). C’est vrai qu’en conférence de presse, ou en zone mixte, les phrases, fluides, font mouche : "pour avoir plus de chances de gagner, il faut avoir fait toutes les erreurs possibles et ça s’appelle l’expérience", "la difficulté du sprint, c’est d’être le plus fort et le plus puissant possible tout en étant le plus relâché possible. La ligne entre les deux est infime".
La puissance du discours, celui qui vous transcende un individu ou un collectif est une des marottes de Fabien Gilot. Il croit à la valeur des mots. "Les jours où ca ne va pas, c’est que la tête ne suit pas. Parfois il suffit de croiser un coach un athlète et d’avoir une discussion qui te transforme comme par magie. Tu as l’impression d’être au fond du trou, tu parles 10 minutes avec quelqu’un et tu deviens superman juste après. C’est la magie du sport. C’est ce qui me passionne, la magie du mental au service du sport". Autre point important, Gilot ne triche pas. "Il est tellement honnête qu’il ne dira pas quelque chose qu’il ne pense pas", admet Bousquet.
L’amoureux du collectif
Elocution, persuasion mais aussi observation. Sa troupe, notamment en relais, le Marseillais la connaît bien. Très bien même. Là encore, Bousquet estime qu’il a cette faculté de "savoir observer, analyser et comprendre les gens". L’avant-finale du 4x100m nage libre de Berlin est là pour en témoigner. "Il sait quoi dire à quel moment", selon Metella. "Depuis des années, il observe et connaît la personnalité de chacun. Sans être forcément dans l’intimité ou être au quotidien avec eux, mais il arrive, avec des moments d’histoire commune, à cerner chacun d’eux", raconte Bousquet. Le capitaine prend soin de son groupe et sait mettre en valeur les autres. Après les éloges de ses compagnons relayeurs lundi soir, il n’était pas loin d’être gêné. "Je suis honoré, ils sont gentils, mais ce n’est pas moi qui nage", souriait-il. Après sa médaille d’argent sur la distance-reine, là aussi, il gardait le sourire. "On voulait faire un et deux, peu importe l’ordre avant la course", lançait-il. Vraiment ? Le compétiteur qu’il est n’aurait pas aimé gagner ? "Si, j’aurai aimé la gagné, je suis content de prendre une médaille individuelle… mais je bande plus les relais".
Vidéo : la demi-finale du 50m nage libre de Fabien Gilot
On y revient toujours. Ce relais avec qui il remportait sa première médaille internationale il y a 11 ans maintenant (3e des Mondiaux de Barcelone au 4x100m nage libre). Ce dimanche, il devrait tenir sa place dans le dernier de la semaine, le relais 4x100 4 nages. "Probablement en série, pas en finale" précise-t-il sans que la stratégie n’est encore été fixée. Eliminé en demie du 50m samedi soir, contrairement à Florent Manaudou, il laisserait ainsi l’autre Marseillais s’économiser un peu avant le finale. Et puis laisser sa place en finale ? Evidemment. "Les athlètes se sont mis au service du collectif. Avant il y avait peut-être des jalousies mais maintenant on est aussi content de voir gagner les autres", rappelait-il en début de semaine. Sincérité, humilité, deux qualités utiles pour un capitaine.
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