Berlin : Florent Manaudou, une semaine en or massif
Elle avait débuté sur un air maussade, mais la semaine de Florent Manaudou a fini en apothéose par une victoire canon en 50m nage libre (21''32). Une quatrième médaille d'or en sept jours. Un bilan énorme qui balaye les inquiétudes qui pointaient la semaine dernière. Le garçon est méticuleux. Amoureux du détail, cela lui empoisonne parfois l’existence. Avant d’entrer dans le premier championnat d’Europe de sa carrière, à 23 ans, il partageait ses angoisses liées au bassin. "Les impressions ne sont pas bonnes. On n’a pas un bassin à la hauteur d’un championnat d’Europe. C’est dommage de s’entraîner une année entière pour ça", déclarait-il. Sept jours plus tard, les appréhensions du début ont laissé place à une inexorable marche en avant vers un triomphe. C’est bien simple, Florent Manaudou a tout écrasé sur son passage.
Vidéo : la victoire de Florent Manaudou sur 50m nage libre
Il a parfois partagé la lumière, avec ses coéquipiers du relais 4x100m nage libre - un deuxième titre en relais pour lui après Barcelone l’an dernier - ou plus rare, avec le Biélorusse Yauhen Tsurkin sur 50m papillon. Mais pour le 100m vendredi soir et le 50m dimanche, il était bien seul devant les autres. En s’imposant en finale en 47’’98 sur la distance reine, il est passé pour la première fois de sa vie sous la barre symbolique des 48 secondes. Mission remplie lui qui avait annoncé cet objectif en préambule de cet Euro. Et enfin une Marseillaise tout seul sur le podium. "Ca fait plaisir d’avoir un titre au bout, j’y suis allé avec mes trippes. Je voulais nager sous les 48 depuis longtemps, mais j’ai toujours le record du monde en tête (46’’91 réalisé en combinaison par Cesar Cielho en 2009). C’est une première étape", révélait-il. Deux jours plus tard, il a montré qu'il avait une faculté exceptionnelle pour récupérer. Avec son 21''32, il signe tout simplement le meilleur chrono de l'année, sept centièmes plus vite que le Brésilien César Cielho.
Vidéo : le podium partagé du 50m papillon
Gérer la pression
A 23 ans, il a déjà sept médailles d’or en compétitions internationales. Son titre olympique à 21 ans à Londres l’a fait basculer dans une autre dimension. A Berlin, Florent était attendu pour alimenter l’armoire à médaille. Parfois un peu trop au goût du père Jean-Luc. Même si l’or dans la famille Manaudou, on connaît, on se méfie toujours un peu de son impact. "La presse fait de Florent le favori des courses, estime-t-il, ce n’est pas une bonne chose pour la sérénité. Ca lui met la pression. Les plots ? C’était une contrariété, mais c’était aussi pour repousser la pression je pense. Il ne faut pas en faire un leader, ni une star, c’est encore trop tôt. Et même jamais en fait". Protecteur jusqu’au bout le paternel. Pourtant quand on voit l’aisance dans l’eau, l’impression visuelle de puissance et la facilité, on ne voit pas trop où la pression a pu le déranger. Le principal l’intéressé en convenait d’ailleurs après son 100m : "je pensais que ça allait être un peu plus compliqué que ça. Je pensais que j’aurai plus de pression, mais en fait j’ai pris beaucoup de plaisir".
Vidéo : la finale du 100m nage libre
Sur ce 100m, cette épreuve qu’il redoutait tant, il se l’était mise lui-même cette pression. "Je lui avais dit qu’il était obligatoire de faire le 100m, raconte Barnier. Il était tiraillé. Ses principes d’éducation font que quand il s’engage sur une chose, il doit le faire à fond. S’il ne le fait pas, c’est un drame, ce ne serait pas un homme. Il a mis du temps à comprendre qu’il ne pouvait faire que les deux 50 (nage libre et papillon, ndlr). Au départ, il ne voulait pas le faire. Très bien. Puis le lendemain, il était revenu sur sa décision. Très bien aussi". Romain Barnier, qui gère la bête au quotidien, n’a décidé "de ne plus avoir de migraine avec lui". Pour l’instant ça marche puisque les résultats suivent. Il devrait peut-être donner la recette aux parents qui eux sont toujours stressés. "On ne s’y fait pas du tout. C’est encore plus fort qu’avec Laure où on avait le temps de voir la construction de la course puisque les distances étaient plus longues", détaille Jean-Luc. Présents à Berlin depuis dimanche, le père et la mère ont vécu cette semaine en spectateurs. "On a toujours fait comme ça. Il faut le laisser dans sa bulle, ajoute-il. Là on s’est vu parce que sa carte était bloquée mais c’est tout. Il n’a pas besoin d’être rassurer et hormis du mauvais stress, je ne vois pas trop ce qu’on pourrait lui apporter en passant du temps avec lui". De toute façon, il le dit lui-même, la famille n’est pas réputée pour montrer ses émotions. "On n’est pas très expansif, mais il sait qu’on est content", sourit le père.
Gilot et Barnier en garde-fou
Avec Florent Manaudou, tout va très vite. Champion olympique à 21 ans, champion du monde à 22 et déjà quadruple champion d’Europe à 23. Et pourtant, il arrive encore à surprendre. "Son 100m était impressionnant. Il passe sous les 48 secondes, il maîtrise ses émotions sur une discipline qu’il connaît peu et que tout le monde regarde", s’étonne son père. Même Romain Barnier, qui lui mène parfois la vie dure, avait des compliments à la bouche. "Les consignes sont respectées à la lettre peu importe la pression. Ca, c’est extraordinaire. Du moment où il vous quitte jusqu’à la course, il reste d’une lucidité incroyable. Son départ raté à Barcelone lui a servi. A Berlin, on a réussi a effacé son 100m de Rome (il avait nagé en 48’’41 en 2013, son record personnel avant cet Euro, ndlr) qui avait parasité sa préparation. Il n’avait plus jamais retrouvé ces sensations", commente-t-il. L’entraîneur de l’équipe de France le dirige depuis trois ans maintenant. C’est à lui de l’amener vers les sommets auxquels il est prédestiné. Il en a le talent et les capacités physiques. "Il a ce niveau qui lui permet de faire les choses avec facilité. Un exemple, il enchaîne les courses facilement car il a le corps d’un Manaudou, il récupère facilement. Une nuit suffit quand Fabien (Gilot, ndlr) en a besoin de deux", admire Barnier.
Vidéo : la préparation de Manaudou avant les championnats d'Europe
Tant d’aisance peut malheureusement jouer des tours et l’entraîneur comme Fabien Gilot, son capitaine, sont là pour veiller. "Quand ça allait un peu moins bien, je lui ai dis de ne pas lâcher. Il est le genre d’athlète à pouvoir ramener trois, quatre, cinq médailles d’or dans les grands championnats. S’il a l’occasion de le faire un jour, il faut qu’il fonce", assure Gilot. "Le problème, enchaîne Barnier, c’est qu’il y en cinq, six, sept ou huit comme lui". Voilà pourquoi il ne le lâche pas. "J’essaie de lui faire comprendre. Parfois il est un peu cancre sur certains aspects de sa préparation quand les autres font tout bien. C’est un mot fort, il ne va pas aimer, mais je ne vais pas lui faire de cadeaux". Conscient qu’une discipline de fer peut provoquer l’overdose, Barnier le ménage désormais un peu plus : "je progresse, car je lui dis plus quand il fait bien, mais il y a de la marge partout". En s'imposant sur le 50m, "la course la plus importante" selon Barnier, il l'oblige à le féliciter. Au moins un petit peu.
Vidéo : la réaction de Florent Manaudou après la victoire sur 50m nage libre
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