Berlin : le bassin de la discorde
Il y a ceux pour qui ce n’est pas un problème. Et les autres. Et c’est ce second groupe qui se fait le plus entendre. Construit au début des années 90 dans un Berlin Est qui s’ouvrait au monde, l’enceinte ressemble à une énorme soucoupe métallique qu’on aurait découvert en faisant des fouilles archéologiques. Un vestige d’une hypothétique invasion extraterrestre. Quasiment enterré et situé juste à côté de la piscine – qui sert pendant la compétition de bassin d’entraînement -, ce vélodrome, où a élu domicile le bassin, divise autant qu’il surprend.
"La piscine paraît toute petite, on croirait un bassin de 25 mètres, souffle Coralie Balmy. C’est bien d’aménager de nouveaux espaces avec de grandes tribunes pour la natation. Cela montre qu’il y a plus en plus d’intérêts. Et pour les nageurs, c’est bien aussi car on se sent vraiment soutenu, il y aura des supporters tricolores je pense…". La nageuse de Mulhouse l’aime bien cet endroit, "c’est une belle piscine", conclut-elle. Un avis pas partagé par tout le monde. Demandez à Florent Manaudou.
Plots, plaques et marches
Le champion olympique du 50m nage libre est un colosse : 1m99, 99kg. Une masse qui en impose, mais qui a aussi ses petits tracas. Soucieux du moindre détail, Manaudou est pointilleux. Quand quelque chose ne lui plaît pas, ça se voit. Et ce petit grain de sable peut dérégler la belle mécanique. "Les impressions ne sont pas très bonnes, concédait-il à la veille de ses débuts en 50m papillon, le bassin n’est pas à la hauteur d’un championnat d’Europe". Qu’est-ce qui pose problème ? "Il y a deux freins principaux, explique Romain Barnier, les plaques pour les dossistes et la distance entre les deux bassins". "C’est dommage de s’entraîner une année entière pour arriver dans un bassin qui n’est pas au niveau, regrette Manaudou". Les plots, qui inquiétaient aussi le sprinteur, – "ça me tracasse, ma force c’est les premiers 15 mètres" dit Manaudou – en revanche "ne sont pas un obstacle" estime l’entraîneur français.
Si les plaques ont été poncées et mises à un niveau "acceptable pour les nageurs" d’après Lionel Horter, la distance, elle, posait encore soucis dimanche, veille de l’ouverture. "Pour un athlète qui a fini sa course, qui récupère ses affaires, qui passe en zone mixte, le trajet entre les deux bassins dure neuf à dix minutes, décrit Barnier. Parfois, il y a 20 minutes entre deux courses donc le nageur n’a même pas le temps de venir et de repartir". Sans compter les 34 marches qui séparent la chambre d’appel du plot de départ. "C’est un site complexe, ce n’est pas loin d’être le pire de ce qu’on a connu" résume le DTN. Des désagréments devant lesquels les Bleus font contre mauvaise fortune bon cœur. "Si on avait été à la place des organisateurs, il y aurait quelques trucs à redire, assure Yannick Agnel, mais on est là pour nager on s’en fiche. Ça sera la même chose pour tout le monde".
Restrictif
L’appréhension était donc de mise chez les nageurs. Et chez le public ? Pour la première course de cet Euro, un 400m entre trois nageurs remporté par le Suisse Febo en 3’53’’54, l’enceinte sonnait un peu creuse. Il faut dire que la course n'avait pas de quoi faire vibrer les foules. Mais l’entrée en lice de la star locale Paul Biedermann aux côtés de Yannick Agnel, a montré tout le potentiel de cette salle avec un public chauffé à blanc. L’élimination surprise des deux stars est le premier couac de la compétition, mais "ce n’est que le début", rassure Danièle, supportrice tricolore venue de Lyon avec son mari Pascal. "On ne va pas se plaindre, il y a des bassins qui se construisent dans le monde entier. On manque de piscine donc cela fait plaisir que l’on donne un peu de cachet à la natation européenne et mondiale".
"Surprenant et original", selon elle, elle craint tout de même que l’endroit n’attire pas autant de spectateurs en raison de l’architecture "forcément restrictive", une partie des tribunes étant aveuglée par l’armature sur lequel repose le bassin. Un bémol de plus donc pour ce bassin finalement amadoué par les Français. Même par les dossistes habitués à se repérer, grâce aux lignes au plafond. "J’étais un peu surpris par ce plafond, mais les plaques qui m’ont fait stressé toute la nuit ne m’ont pas gêné, je n’ai pas fait un mauvais start", reconnaissait Benjamin Stasiulis. "Les organisateurs ont tout de suite réagi aux problèmes qu’on avait soulevé", s'est félicité son compère du dos, Jérémy Stravius. Deuxième et troisième temps des séries du 100m dos, les deux Français ont assuré. Les organisateurs, eux, ont écouté. Pour sauver une idée attrayante sur le papier. Mais complexe à réaliser en réalité.
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