Berlin : le relais, le collectif au service du succès
Le début de journée avait été à l’image du temps berlinois, maussade. L’élimination, pas si surprise que ça, de Yannick Agnel sur 400m avait enfoncé un peu plus une équipe de France déjà pas très gaillarde avant cet Euro. Agnel avait annoncé lui-même que ses souvenirs sur 400 remontaient à "l’ère préhistorique". Même s’il est encore trop tôt pour dire que ses performances sur cette distance vont finir comme les dinosaures, cet échec avait mis un coup au moral. Un choc avec une certaine résonnance puisque les entraîneurs français ont fait le choix de ne pas l’aligner sur le relais. Ce fameux 4x100 qui gagne partout où il s’aligne. A Berlin, un homme a changé mais le résultat est resté le même : l’or. Et facilement en plus.
"C’est formidable, je le garderai en mémoire. Ce n’est pas inattendu mais…", Jérémy Stravius, superbe dernier relayeur (47’99) résistant et écœurant la terreur russe Morozov, n’était pas loin d’être surpris. Avant d’avancer une explication : le discours de capitaine Fabien. Fabien Gilot, encore lui, l’âme de ce relais. "On avait gagné avant la course, annonce Stravius, mentalement on était au dessus d’eux. Il (Fabien, ndlr) nous a dit qu’on était les meilleurs et on y a cru". Ils l’ont à nouveau prouvé. En résistant à Morozov, l’Amiénois a donné une bonne claque aux complexes que pouvaient nourrir les sprinteurs français et aussi des idées à Florent Manaudou. Le Marseillais, qui a eu à peine 20 minutes pour récupérer de sa qualification en finale du 50m papillon, mais qui a tout donné une nouvelle fois. Tellement qu’il a joué les prolongations à la récupération, laissant les trois autres exprimé leur joie face aux médias.
Déjà avant la course
L’assurance et la confiance, voilà ce qui transpirait des discours après le triomphe. "Si je suis devant aux 50 (mètres, ndlr), je sais que j’ai un meilleur deuxième 50 que Morozov et Filippo Magnini, même si on le connaît il peut sortir un deuxième 50 de feu. Avec ma deuxième coulée, il ne pouvait pratiquement plus rien m’arriver. J’ai vu aussi dès ma première sortie après mon départ que j’avais déjà une belle avance, ça m’a permis de nager plus relâcher, ça m’a mis en confiance", détaille Stravius. "Les trois derniers relayeurs font tous moins de 48 secondes, Mehdy fait une grosse course. On n’avait pas montré jusqu’ici des 100m extraordinaires. On ne peut pas sortir ce genre de chronos si on n’est pas tous ensemble", ajoute-t-il donnant un peu plus, si c’est possible, une dimension collective à ce succès en y associant les absents, Grégory Mallet, Clément Mignon – qui ont nagé en série – et Yannick Agnel. "Je l’associe, même s’il n’a pas nagé, Greg (Mallet, ndlr) et Clément (Mignon, ndlr) aussi qui ont fait le job ce matin".
Metella, la bourde et l’or
L’information de l’absence d’Agnel avait fuité dans l’après-midi. La faute à qui ? A Mehdy Metella, le petit nouveau de ce relais qui s’était laissé aller à un tweet – retiré depuis – où il annonçait sa convocation. Un épisode fâcheux, sur le coup, mais finalement drôle quand tout finit bien. "J’étais furieux contre moi. C’est une boulette", sourit-il. Une erreur de jeunesse sans conséquence qui pimente le récit. Mais qui ne change rien à l’affaire, à la fin, c’est la France qui gagne.
Le tweet de Mehdy Metella
Voir sur Twitter
Pourtant Mehdy Metella pour sa première grande finale avait la pression. "Tu te dis que toute la France et les DOM-TOM te regardent, t’as pas intérêt à lâcher", raconte-t-il. D’autant plus qu’il était le premier à s’élancer. Une grosse responsabilité. "Sur le 4x100, si tu n’es pas bon dès le premier 100m, les autres auront du mal à rattraper le coup", analyse-t-il. Rassuré par Fabien Gilot qui sait "quoi dire et à quel moment", le nageur de Marseille a mis les Bleus sur les bons rails.
Exemplaire Gilot
Manaudou dispensé de zone mixte, il n’en manquait qu’un seul. Celui, si l’on croit les paroles des Bleus, grâce à qui tout est possible. Des compliments qui feraient presque rougir le capitaine qui a désormais tout gagné avec ce relais. "Tant mieux, je suis honoré qu’ils disent cela, s’excuserait presque, un Gilot humble et habité par son sport et le collectif. Je suis passionné par ces gens qui en quelques mots peuvent changer l’état d’esprit d’une équipe, j’essaye de faire pareil". Cette équipe justement est presque la sienne. "Je commence à tous les connaître par cœur désormais. J’essaye d’appuyer sur le bon bouton qui va les transcender avant de monter sur le plot". En bon capitaine, il a eu un petit mot pour chacun de ses coéquipiers. Metella ? "Mehdy ? Tu sens le jeune qui a la passion du 4x100, qui veut en être depuis un moment. Je sais que dans ces cas-là, tu pars un peu trop crispé. Medhy, c’est le hip-hop américain, c’est la danse… je lui ai mis ça dans la tête avant, ‘amuse-toi’". Manaudou ? "Flo (Manaudou, ndlr), je le connais par cœur, on s’entraîne toute l’année ensemble, il suffit d’habituer sur le bon bouton pour qu’il change. Lequel ? L’orgueil, c’est Superman. Et lui, comme tous les autres d’ailleurs, aucun ne veut planter le relais, personne ne veut être le maillon faible". Et enfin Stravius. "Jérémy ? On en a fait quelques-unes ensemble, maintenant seulement avec des regards ça suffit, je lui dis deux mots et ça suffit".
Prenant conscience qu’il avait peut-être trop tiré la couverture à lui, Gilot a tout de suite rectifié : "Ce n’est pas moi qui fais le relais, ils sont gentils hein, mais ce sont eux qui nagent". "Il ne faut pas sous-estimer la force du collectif", rappelle-t-il une nouvelle fois. Ce collectif, décrié avant la compétition vis-à-vis duquel la méfiance régnait, qui a répondu présent au meilleur des moments. Les Bleus peuvent être rassurés, les valeurs sûres le sont toujours. Et pour Yannick Agnel, le 200m arrive à grands pas…
Vidéo : le relais victorieux des Bleus
Vidéo : les réactions des Bleus après leur victoire
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