"Il en va de la crédibilité de notre sport" : le retour des nageurs russes et biélorusses scruté aux Mondiaux de natation à Budapest

Article rédigé par Jérôme Val
Radio France
Publié Mis à jour
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Le nageur russe Miron Lifintsev réagit après avoir remporté l'or lors de la finale du 100 m dos aux Mondiaux de natation à Budapest (Hongrie). (ROBERT HEGEDUS / MTI)
Les championnats du monde de natation en petit bassin à Budapest (Hongrie), marquent la présence massive des athlètes russes et biélorusses dans une grande compétition internationale. Tous ces nageurs sont alignés sous bannière neutre et cette réhabilitation ne suscite aucun remous. Les Russes ont décroché deux titres mercredi.

"Il fallait bien qu’ils reviennent à un moment donné !" Comme la majorité des nageurs à Budapest (Hongrie), le dossiste français Mewen Tomac est loin d’être surpris de retrouver des Russes à ses côtés sur les plots de départ. 

Pour cette première grande compétition de natation depuis la ferveur des Jeux olympiques de Paris cet été, 28 se sont qualifiés, 5 Biélorusses ont fait de même. "Je n’ai pas trop de curiosité à les voir, ça ne me dérange pas trop", poursuit l’Amiénois.

"NAA" ou "NAB"

La fédération internationale avait autorisé leur retour au début de l’année à l’occasion des mondiaux organisés en février au Qatar (où aucun Russe n’était engagé). Il n’y en avait qu’un seul dans le bassin de Paris La Défense Arena lors des JO (trois Biélorusses étaient présents). Cette fois, la délégation russe est massive et pour la première fois, des relais ont été autorisés : les relais russes du 4x100 m féminin et masculin ont terminé à la 4e place au premier de la compétition mardi. "Cela fait partie du processus de réintégration, assure d’emblée Brent Nowicki, le directeur exécutif de World Aquatics. Pour arriver à cet objectif, il faut faire sauter les obstacles les uns après les autres et leur permettre d’être en équipe, c’était une priorité."

Une charte finalisée le 18 novembre a été adoptée spécialement pour ces athlètes qui concourent sous statut neutre et qui sont référencés sous deux codes : "NAA" pour les Biélorusses, "NAB" pour les Russes. Le drapeau russe ou biélorusse ne peut être hissé dans la piscine, leur hymne ne peut être joué (c’est celui de la fédération internationale qui résonnera dans le bassin de la Duna Arena de Budapest en cas de victoire). Ils doivent également porter un uniforme neutre et ont interdiction de s’exprimer en zone mixte devant la presse.

De nouveaux adversaires qui intriguent

Reste un point sensible : le respect des règles mondiales de l’anti-dopage. "Les athlètes des pays neutres apparaissent en troisième position des pays les plus testés, veut rassurer Brent Nowicki, de World Aquatics. On parle au minimum de quatre tests mais certains athlètes en ont eu sept ou huit. Ils ont donc été rigoureusement testés, et pas seulement en prévision de cette compétition. Le protocole a été mis en place avec l'ITA (International Testing Agency) et les mesures de tests ont été pleinement respectées. On peut être confiants."

Parmi les Russes engagés en Hongrie (un pays où la fédération internationale installera son siège dans les prochains mois), il y a une majorité de jeunes nageurs qui ne sont presque jamais sortis de leur pays et dont on ne connaît pas vraiment le potentiel. Parmi eux : Ilia Borodin, 21 ans, ancien rival de Léon Marchand sur le 400 m 4 nages chez les juniors ou encore Miron Lifintsev qui, au printemps dernier, a battu le record du monde junior du 100 m dos. "Je trouve ça cool, ce sont des nouveaux adversaires", analyse Yohann Ndoye-Brouard, spécialiste du dos. J’ai envie de voir comment ils nagent, à quelle vitesse ils nagent ou s’ils sont bons en coulées. Je suis intrigué de voir comment ils vont se comporter parce que c’est facile, entre guillemets, de nager vite chez soi mais une fois qu’on est dans la confrontation internationale, ça peut devenir compliqué."

"Il en va de la crédibilité de notre sport"

Presque trois ans après le début de l’invasion russe en Ukraine, ce retour semble faire l’unanimité, veut-on croire du côté de la fédération internationale. "Nous n’avons reçu aucune plainte de quiconque, aucune méfiance sur ce système et la façon dont il a été mis en œuvre, assume Brent Nowicki à franceinfo. C’est la grande réussite de ce processus."

D’ailleurs, c’est difficile de trouver un autre son de cloche sur les bords du bassin de la Duna Arena de Budapest. "Quand des athlètes, qui, a priori, ne sont pas concernés par les décisions de leur gouvernement, ne peuvent pas s’exprimer, ça ne me ravit pas, martèle l’entraîneur de l’équipe de France, Denis Auguin. Je trouve ça très dur pour des athlètes qui s’entraînent autant que les nôtres et on leur dit non parce que ton gouvernement a décidé ça." Le directeur technique national de la Fédération française, Julien Issoulié, approuve lui aussi cette mesure tout en faisant preuve de nuance : "J’espère qu’ils respectent tout ce qui a été décidé, en termes de surveillance médicale surtout. Il en va de la crédibilité de notre sport."

"Je pense que la majorité de ces athlètes sont de vrais sportifs."  

Julien Issoulié, directeur technique national de la Fédération française

à franceinfo

Mercredi soir, au deuxième jour de la compétition, un Russe a remporté un premier titre : Miron Lifintsev, 18 ans, sur le 100 m dos en battant le record du monde junior. Quelques minutes plus tard, c’était au tour du relais du 4x50 m 4 nages mixte. Les nageurs sont montés sur le podium (qui représente en miniature le Pont des Chaînes qui enjambe le Danube) pour recevoir leur médaille d’or, sans un mot, sans le drapeau russe et sans l’hymne de leur pays.    

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