La deuxième carrière d’Agnel
L’annonce avait eu l’effet d’une bombe. Le 18 mai dernier, la Fédération française de natation délivrait un communiqué annonçant la rupture entre Yannick Agnel et Fabrice Pellerin, le départ du nageur pour les Etats-Unis afin "d’aborder les trois prochaines saisons dans les meilleures dispositions." Moins d’un an après son double sacre olympique (200m, relais 4x100m) et à deux mois des Mondiaux de Barcelone, le nouveau prodige de la natation tricolore prenait un nouveau cap.
Six ans à Nîmes, six ans à Nice
Une décision à risques. A Nice, où il était arrivé en provenance de Nîmes, sa ville natale, à l’âge de 14 ans, Yannick Agnel a fait toutes ses classes. Sous la houlette de Fabrice Pellerin, il apprend, progresse, devient triple champion d’Europe juniors en 2009, l’année où il commence à se faire connaître. Au départ, l’intérêt du public se porte sur ce grand échalas de 16 ans, filiforme aux côtés du musclé et champion olympique Alain Bernard, et qui nage en maillot de bain. C’est effectivement une incongruité à l’époque où la course à l’armement fait rage autour des combinaisons en polyuréthane, qui font voler en éclat tous les records du monde. Ce choix du maillot lui évite de se focaliser sur le chrono, privilégiant la technique. S’il échoue à se qualifier en finale du 200m nage libre du championnat de France, il a posé les bases de sa nage.
En 2010, il conquiert le titre national sur 200m nage libre, puis cinq médailles d’or aux championnats d’Europe juniors (100, 200, 400 et deux relais), devenant peu après champion d’Europe du 400m nage libre avec un record de France à la clé, et champion du monde en petit bassin en relais 4x100m (record de France également). Devenu l’attraction des bassins, il se mesure aux Phelps et autres Lochte, sans crainte, jusqu’à ces deux titres olympiques à Londres l’an dernier. C’est son avènement personnel, celui également du club de Nice, avec les médailles de Camille Muffat, son double au féminin.
Avec Bowman, le "scientifique fou"
Mais après un tel sommet, se remettre au travail n’est pas simple. Pour personne. Beaucoup ont eu du mal à repartir vers de nouveaux objectifs. Considérant qu’il était arrivé "à un point de non-retour" avec son entraîneur et ses méthodes. Yannick Agnel a mis le cap vers les USA. Mais pas n’importe où. Pour viser plus haut, il a choisi l’un des meilleurs du monde : Bob Bowman, celui qui a conduit durant seize années le légendaire Michael Phelps. Avec lui, la souffrance est quotidienne, les passe-droits proscrits, les kilomètres interminables. Son surnom de "scientifique fou" ne laisse aucun doute sur son implication et sa rigueur. "J’en ai pris pour mon grade", a-t-il dit, tout en avouant avoir "pris énormément de plaisir à nager ces derniers temps dans un groupe et un cadre assez fabuleux et les temps étaient au rendez-vous." Toutes ces sensations l'ont conduit à revenir sur son choix de ne faire que les relais à Barcelone. "Je me sentais bien. Il y a eu pas mal de charges de travail. J'ai bien souffert, mais j'ai retrouvé l'envie de nager de manière compétitive dans une autre ambiance. Il y a une certaine émulation que j'apprécie."
"Yannick n'a pas de limite"
Roi du 200m à Londres, Yannick Agnel a vu ses rivaux disparaître: les vices-champions olympiques à Londres, le Sud-Coréen Park Tae-hwan et le Chinois Sun Yang, sont absents sur la distance, comme le champion du monde 2009 Paul Biedermann ou encore Michael Phelps. Mais il reste le tenant du titre, Ryan Lochte, ou encore le Russe Danila Izotov, meilleur temps de l'année. "Il va y avoir une grosse performance", assure le Français, qui refuse de voir le chemin de l'or déjà ouvert. "Il va falloir que je sois présent".
Dans le discours, il ne fait pas de ces Mondiaux une priorité: "Ces championnats du monde vont faire partie d'un gros bonus qui va nous permettre avec Bob de voir sur quoi partir, construire et apprendre à mieux nous connaître en situation de compétition. Ce n'est pas sur ces Championnats du monde là qu'il va falloir attendre et juger, entre guillemets, de ce que peut être l'entraînement aux Etats-Unis. Notre objectif à long terme avec Bob, ce n'est pas les Championnats du monde de Barcelone, loin de là. Notre objectif, c'est les Jeux Olympiques de Rio. Donc, on a encore trois ans. Même si on va essayer de faire le mieux possible." Reste qu'entre le discours et la réalité, il y a un fossé. Romain Barnier, entraîneur en chef de l'équipe de France, rappelle l'une des réalités d'Agnel: "Yannick n'a pas de limite."
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