Mondiaux de natation : dans le sillage de Léon Marchand, le roi Popovici a pris le bouillon
Roi déchu, roi déçu. Le regard vide, les épaules tombantes, David Popovici faisait peine à voir à la sortie du bassin. Seul avec ses doutes. Le phénomène de la natation mondiale, révélé au grand public par ses titres mondiaux à Budapest sur 100 et 200 m l'an passé, a connu sa première vraie grande désillusion au Japon. Le goût de l'échec s'est mélangé au chlore dans sa bouche. À tout juste 18 ans, le Roumain a tout le temps d'apprendre et de rebondir. Mais il va falloir faire vite car les Jeux approchent et les prétendants au trône ont déjà grignoté du terrain. Parmi eux, Kyle Chalmers, sacré sur la course reine du 100 m, et bien sûr Léon Marchand, nouveau boss des bassins.
David et Goliath
S'ils ne concourent pas sur les mêmes distances, le Français et le Roumain ont pourtant vu leurs trajectoires se croiser à Fukuoka. Celle du Goliath Marchand, tout sourire et déjà triple médaillé d'or, contrastait terriblement avec la pâle figure du filiforme David. À 21 ans, le Français a pour lui cette maturité que son rival éloigné ne possède pas encore. Surtout, Marchand a connu une progression linéaire, au contraire du natif de Bucarest, propulsé au rang de "nouvel Alexander Popov" dès son plus jeune âge. Son talent inné, sa glisse irréelle dans l'eau, soutiennent cette comparaison. Mais le mental peut-être moins.
L'avenir dira si ces Mondiaux n'étaient qu'un simple coup d'épée dans l'eau pour Popovici ou si le mal est plus profond. Comme beaucoup de nageurs, et particulièrement les sprinteurs, la mécanique cérébrale semble fragile. Caleb Dressel, l'ex-empereur du 100 m, a lui aussi traversé une zone de turbulences psychologiques et rien ne dit qu'il sera de retour pour les JO. Mais l'espoir de rédemption demeure : Kyle Chalmers, médaillé d'or aux JO de 2016 qui a connu une sévère dépression après la gloire de Rio, a su revenir des limbes pour s'imposer sur la distance mythique à Fukuoka.
Une course que Popovici a piteusement terminée à la 6e place, en 47''43. À l'agonie dans les 50 derniers mètres et très loin de son propre record du monde (46''86). Premier homme à faire tomber la marque, enveloppée de polyuréthane, du Brésilien César Cielo en 2009, David Popovici est brutalement retombé dans le rang. Quatrième du 200 m, avec, là encore, un finish cataclysmique, il n'avait qu'une explication à fournir. "J'ai besoin de m'entraîner plus", soufflait-il, "et surtout d'être plus cohérent". Une façon détournée d'avouer qu'à force de courir plusieurs lièvres, il avait fini par se perdre.
Le jeune homme, qui a passé ses examens de fin d'études en même temps qu'il se préparait pour ces Mondiaux, a appris à ses dépens qu'à l'impossible nul n'était tenu. Même lui. "J'ai besoin de temps pour moi, de me vider la tête et de réfléchir à cette année très bizarre." Il lui reste un an pour redevenir l'incroyable nageur qu'il était et montrer au monde, et à Léon Marchand, qu'il est toujours le roi de la natation mondiale. Pour l'heure, il est juste soulagé que le calvaire de Fukuoka soit derrière lui et que "tout soit fini". Comme un mauvais rêve.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.