Natation : Les stars de la natation boudent-elles les mondiaux en petit bassin?
Le saviez-vous? En ce moment se déroulent les championnats du monde de natation en petit bassin. La compétition qui a vu Florent Manaudou établir son record du monde sur 400m (à Angers en 2012). Cette année, la délégation française n’est composée que de huit nageurs. Seuls Mehdy Metella et Fantine Lesaffre ont fait le déplacement parmi les “leaders” français. Charlotte Bonnet, Jérémy Stravius ou Marie Wattel ont passé leur tour. À l’international, des grands noms comme Katie Ledecky, Adam Peaty ou encore Sarah Sjostrom n’y sont pas. Pourquoi tant d’absents ?
Le petit bassin en quête de prestige
Les mondiaux de petit bassin sont historiquement moins prisés que leur équivalent, en grand bassin. Même si certaines pointures y ont réalisé leurs plus grands exploits, comme exposé plus haut, il est moins fréquent de voir les grandes stars de la natation mondiale y briller. Pour l’illustrer, nous avons comparé les palmarès des deux compétitions depuis la première édition des mondiaux petit bassin, en 1993. Résultat : sur 22 mondiaux, seuls 14% des médaillés d'or depuis 1993 - date de la première édition des mondiaux en petit bassin - l'ont été à la fois en grand et petit bassin. Par exemple, sur les 34 champions du monde en grand bassin de l'année 2001, seuls Roman Sludnov (100m brasse) et Yana Klochkova (400 4 nages) l'ont également été en petit bassin, l'année précédente. Tous les autres ne sont pas parvenus à réitérer leur performance du grand bassin, ou alors ont choisi de ne pas se déplacer. De même, sur les 17 records du monde en grand bassin, seuls trois nageurs détiennent aussi le record de la distance en petit bassin : Paul Biedermann sur 200m nage libre, Kliment Kolesnikov sur 50m dos et Ryan Lochte en 200m 4 nages. Il est donc évident que ce ne sont pas systématiquement les mêmes nageurs qui performent en petit et grand bassin. Mais est-ce pour autant synonyme de manque de prestige pour le petit bassin?
En France, "seules les compétitions en grand bassin débouchent sur des primes fédérales" d'après Richard Martinez, directeur de la natation course à la Direction technique nationale. "Ce n'est pas la raison principale qui explique qu'un nageur viendra ou ne viendra pas. Mais c'est un paramètre à prendre en compte, c'est sûr" confirme-t-il. Et il suffit de voir la couverture télévision de l’édition 2018 (aucune chaîne française ne diffuse la compétition) pour constater le manque de visibilité de l’événement. Les sponsors sont logiquement moins enclins à inciter leurs nageurs à se déplacer à l’autre bout du monde. “Il est clair qu’il y a une hiérarchie dans l’esprit des nageurs et des entraîneurs entre petit bassin et grand bassin. Déjà, par le simple fait que les Jeux Olympiques se disputent seulement en grand bassin” analyse Richard Martinez. La compétition la plus importante aux yeux des nageurs ne comporte donc que des épreuves en grand bassin. D’où le fait que certains nageurs choisissent de privilégier l’entraînement à la confrontation officielle dans des bassins dont la taille est différente de celles des Jeux. Et la taille du bassin n'est pas anodine, en termes techniques.
Plus de plongées, plus de virages, et des nageurs différents
La nage en petit bassin requiert d’autres qualités, et ne fait pas vraiment travailler les mêmes éléments physiques et physiologiques. La plongée, par exemple, est beaucoup plus fréquente en petit bassin. “En raison du nombre plus important de virages, les nageurs passent beaucoup plus de temps sous l’eau qu’en grand bassin. Les nageurs qui ont des capacités techniques sub-aquatiques développées sont donc privilégiés” Les remous de l'eau sont également beaucoup plus importants. Les nageurs modernes ne sont en revanche plus vraiment tributaires des caractéristiques de la piscine, d'après Richard Martinez : “La natation moderne homogénéise tout ça. Généralement les grands champions de grand bassin peuvent très bien performer en petit bassin” À la manière d’un Paul Biedermann, recordman du monde du 200m en grand et petit bassin la même année (2009).
D’autres, comme Michael Phelps - qui n’a gagné qu’un titre mondial en petit bassin, contre 26 en grand bassin - ont fait le choix assumé de ne participer globalement qu’aux compétitions de grand bassin. Derrière ces choix de calendrier, une stratégie bien peaufinée.
Le petit bassin, tremplin vers le grand?
Mehdy Metella est cette semaine en Chine, et ce n’est pas seulement pour remplir son devoir de leader de l’équipe de France. Cela s’inscrit dans une stratégie au long terme. “Ces championnats du monde sont un moyen de se mettre derrière un plot et d’associer à l’idée de faire une course une émotion, un sentiment. C’est ça qu’on essaye de construire en vue des Jeux? De trouver le bon état d’esprit face à une concurrence” explique Julien Jacquier, son entraîneur, à l’Equipe.
A l’inverse, si Charlotte Bonnet et Jérémy Stravius ont choisi de zapper le rendez-vous chinois, c’est pour mieux se préparer en vue des mondiaux en grand bassin de 2019. Deux stratégies différentes, deux calendriers diamétralement opposés. “Chaque nageur fait son choix, nous n’obligeons personne à participer à ces mondiaux. Et clairement, le fait qu’ils se tiennent un peu plus de six mois avant les prochains mondiaux grand bassin change la donne” Le problème, c'est que c'est le cas à chaque édition, puisque les mondiaux sont organisés tous les deux ans alternativement : les années paires pour le petit bassin, impaires pour le grand bassin. "La différence par rapport à 2016, affirme Richard Martinez, c'est qu'une bonne partie de la délégation française des Jeux voulaient terminer leur carrière cette année-là. Et donc participer à une dernière compétition, aux mondiaux petit bassin" Certains s’en servent donc pour clore une belle année, ou rehausser une saison en demi-teinte. D’autres pour se mesurer aux concurrents, pour enchaîner les compétitions ou pour faire fructifier la forme d'une vie (comme Florent Manaudou quand il est venu battre le record du monde du 50m en 2014). Sans parler de ceux qui font l’impasse, pour mieux cibler les prochains mondiaux ou Jeux Olympiques. Dans tous les cas, les compétitions de petit bassin peinent à constituer, auprès des champions, un vrai rendez-vous incontournable.
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