Natation aux JO de Paris 2024 : comment Florent Manaudou a radicalement changé son hygiène de vie pour se préparer à un ultime défi
Le "gorille" s'apprête à hurler une dernière fois. C'est ainsi qu'il aime se surnommer. Et c'est la raison pour laquelle la silhouette du plus grand primate est dessinée sur son triceps gauche, un tatouage qui en dit long sur l'homme et le nageur. Florent Manaudou, également porte-drapeau de la délégation française ne lâche rien lorsqu'il est lancé dans un projet."Il est en mission olympique et je ne l'ai jamais vu aussi en forme", nous glisse d'emblée son coach et ami de longue date, Quentin Coton. Le capitaine de l'équipe de France de natation vit ses derniers Jeux olympiques avec un seul objectif en tête : une quatrième médaille autour du cou sur sa distance fétiche, le 50 m nage libre. Il a nagé sa série, jeudi 1er août, en 21"54, terminant 3e temps des qualifiés.
Pour y parvenir, et encore plus aujourd'hui du haut de ses 33 printemps, il a fallu changer beaucoup de choses. Notamment côté "hygiène de vie", et il l'avoue lui-même "sur le plan alimentaire". Il l'a toujours assumé, le Marseillais d'adoption "aime beaucoup manger". Pour cette occasion exceptionnelle des Jeux à Paris, il est ainsi passé par une véritable "privation", selon ses dires, nécessaire pour lui permettre d'être "plus affûté que jamais".
Une préparation loin de l'Hexagone
"Ma saison s'est découpée en plusieurs parties : d'abord du plaisir de septembre à décembre [2023] et alors ça, je l'ai bien fait !" lance-t-il particulièrement amusé. Car Florent Manaudou a passé trois à quatre mois à faire ce que bon lui semble avant de démarrer sa véritable phase de préparation aussi physique que mentale. Traduisez ici : il a profité niveau burgers et pizzas, son péché mignon, et s'est octroyé, entre ses entraînements et les compétitions, quelques apéritifs entre copains.
Tout ça, bien sûr, en restant performant puisqu'il est allé "chercher une médaille, même trois" aux championnats d'Europe en petit bassin d'Otopeni, en Roumanie (du 5 au 10 décembre 2023). Une bonne manière de se préparer, dans la tête, aux douze travaux d'Hercule qui l'attendaient par la suite. Car c'est plus ou moins ce qui s'est enclenché dès le mois de janvier, avec une première escale en Australie.
"Cette deuxième phase consistait à me faire redevenir très athlétique. Ca a été beaucoup plus court que ce que je pensais car je faisais déjà des très bons entraînements depuis trois ou quatre semaines donc je suis rentré un peu plus tôt."
Florent Manaudou, triple médaillé olympique du 50 m nage libreà franceinfo: sport
Des bonnes dispositions confirmées à son retour à la compétition, en France, à l'occasion du Giant Open de Saint-Germain-en-Laye (mars 2024), avec un joli chrono sur 50 m nage libre (21''98) et une victoire devant Maxime Grousset (22''05). Parfait pour relancer la machine et passer à la deuxième phase de la préparation. "Les stages en Afrique du Sud m’ont ensuite permis d’être un petit peu au calme, poursuit Florent Manaudou, plus solennel d'un seul coup. Me permettant de penser à moi, et donc pas forcément aux gens qui me rappellent que c’est Paris 2024 tous les jours quand on sort dans la rue."
"Un défi personnel, avant d'être sportif"
Car, même si le grand gaillard a une expérience et un palmarès qui lui permettent d'appréhender ces Jeux de Paris comme "un vrai bonus", l'aspect psychologique a été au centre de cette rude préparation. "Qu'il gagne une médaille de plus ou pas, cela ne changera rien à la personne et au nageur exceptionnel qu'il est, avance son préparateur mental, Thomas Sammut, par ailleurs auteur de Les 25 règles d'or de la préparation mentale (Solar), préfacé par un autre de ses clients bien connu : Léon Marchand. En revanche, ce dernier défi est personnel avant d'être sportif. Et tout ce qu'il n'a pas pu libérer pendant des années, il y est parvenu aujourd'hui." Parce qu'il s'est fait violence pour tenir ses objectifs.
"Quand on est sur la Côte d'Azur au mois de juin, avec tous mes amis quasiment qui ne sont plus nageurs, on a des barbecues, on va boire des bières, des choses comme ça."
Florent Manaudouà franceinfo: sport
Or en juin, Florent Manaudou a misé sur la Turquie, dernière étape avant les championnats de France disputés mi-juin à Chartres, et qualificatifs pour Paris. "C'était un stage d’affûtage. Quand on est en affûtage, qu’on baisse le kilométrage [dans l’eau] et qu’on baisse l’intensité [à l'entraînement], on commence à avoir un peu plus d’énergie, donc on a envie d’aller un peu à droite à gauche" avance, subtilement, le pensionnaire du Centre des Nageurs de Marseille qui a trouvé dans cette destination le bon moyen d'esquiver les tentations.
La dernière ligne droite consistait à perdre pas moins de dix kilos entre le mois de mars et le début des Jeux olympiques pour descendre sous la barre fatidique des 100 kg. Un but atteint le matin même du media day donné par l'équipe de France olympique, à Vichy, le 17 juillet. "Je suis content, et je peux vous le dire car ce matin je pesais 99,7 kg, donc vous êtes arrivés la bonne journée, c'était un de mes derniers objectifs et ça arrive au bon moment". Autant dire qu'il a fallu faire de sacrées concessions. "C'était un peu de la privation effectivement, avouait-il avant son entrée en lice à Chartres. Je me suis rendu compte que c’était plus la quantité de nourriture que je mangeais, plutôt que la qualité qui me faisait défaut. Je ne mangeais pas forcément mal, mais je mangeais trop. Parce que j’aime manger, c’est un plaisir pour moi ! [rires]".
"Il a bu un Perrier !"
Une nouvelle manière de vivre pour Florent Manaudou, loin d'être un cadeau sur le papier, mais rondement menée avec la carotte olympique au bout du bout. "Il sait très bien ce qu'il avait à faire, c'est un athlète exceptionnel, d'une expérience incroyable, ne tarit pas d'éloges Quentin Coton au sujet de celui qu'il accompagne au bord des bassins depuis 2022. J’ai l’impression qu’il coche toutes les cases qu’un athlète qui a des objectifs aussi élevés doit cocher." Un avis que partage Thomas Sammut. "De lui-même, de manière très naturelle, sans restriction incroyable à finir par manger trois légumes par jour, il a fait des efforts sains. Et finalement, ça a fonctionné car il a su lâcher son corps. C'est la période de sa vie où il prend le plus de plaisir en tant que nageur."
"Dans l’eau il fait toujours les choses très bien, en étant focus, mais c’est surtout autour qu’il a vraiment 'step up', ajoute Quentin Coton. On est sortis voir des matchs de la Coupe du monde, et bien lui, il a bu un Perrier !" Une véritable résolution pour le sprinteur tricolore, plus focus que jamais sur son but ultime. "Il a un objectif et c’est lui l’acteur principal" d'un projet qui doit le propulser une quatrième fois sur la boîte olympique, un record absolu dans l'histoire de la natation.
"Il n'a pas bu de bières, et les tapas, c'est resté très light, alors que normalement, bon... (il rit beaucoup) Quand on est à la table de Flo, d'habitude on ne mange pas beaucoup ! Mais là on en avait un peu plus !"
Quentin Coton, entraîneur et ami de Florent Manaudouà franceinfo: sport
Aussi brutal physiquement qu'émotionnellement, aussi magnifique que punitif, le 50 m nage libre est sans pitié. Florent Manaudou le sait, lui qui devra se frayer un sillage dans la jungle du sprint mondial et prendre le dessus sur la terreur floridienne Caeleb Dressel, champion olympique en titre. Mais la star américaine et ses rivaux sont prévenus : "Gare au gorille" !
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