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Rio 2016 : Florent Manaudou, l'ado "rondouillard" devenu champion olympique

Qualifié pour la grande finale du 50 mètres nage libre ce vendredi, Florent Manaudou peut être le premier nageur français à conserver son titre olympique acquis à Londres quatre ans plus tôt. Au sein d’une natation tricolore qui patauge à Rio, le Marseillais est le dernier espoir de ramener un titre. Portrait.
Article rédigé par franceinfo
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Il est apparu en pleine lumière un soir d’août 2012. Dans le bassin olympique de Londres, le monde le découvre. Un mètre 99 sous la toise, 99kg, c’est un colosse au sourire ravageur. "Clark Kent", s’amuse Alexandre Boyon, journaliste spécialiste de la natation à Francetv Sport. En 2012, Florent Manaudou est un outsider, au mieux, avant le départ de la finale olympique du 50 mètres nage libre. Il en sera le vainqueur surprise. "Le voir gagner avec autant de maîtrise, partir devant, y rester, s'imposer en 21’’32, c’était surprenant, raconte le commentateur. Ce n’était pas inespéré, c’était inattendu". Après Londres, à 21 ans, Manadou rentre dans le grand monde. Il avait un nom, il se fait un prénom.

Petit dernier de la fratrie, il reprend le flambeau laissé par Laure. Une anomalie dans l’histoire du sport français. Combien de familles peuvent se targuer de compter deux champions olympiques ? Pas beaucoup. Si ce titre, le premier de Florent dans sa carrière, a surpris tout le monde, le père Jean-Luc, lui, savait. "Sa trajectoire ne nous a pas surpris. On savait qu’il allait être très grand - en taille - parce que sa mère et moi sommes grands (Jean-Luc mesure 1,96m, Olga 1,78m). Il était très à l’aise dans l’eau. On l’a encouragé, nous lui avons toujours dit qu’il serait le meilleur quand il aurait atteint sa taille d’adulte". "Rondouillard, mais déjà avec ses mêmes fossettes", dixit Boyon, quand il était adolescent, jamais loin de sa sœur lorsqu'elle arpentait les bassins, il avait tout pour devenir un champion. "On lui a toujours dit, précise le paternel, il était peut-être encore plus complet que Laure, capable de tout nager. On était convaincu qu’il ferait une grande carrière".

Héritage familial

La fratrie Manaudou est indissociable. Nicolas, l’aîné, 30 ans, aujourd’hui entraîneur l’ASPTTT Marseille, Laure, 29 ans, et donc Florent, le petit dernier. Quand il gagne l’or olympique, c’est Laure qui pleure. Au bord du bassin londonien, elle sème la sécurité pour aller l’enlacer. "C’est une image forte, observe Boyon, ça rajoute au romanesque de la famille". Indissociable peut-être mais difficile à comparer. Tous les deux ont vu leur vie changer en un quart de seconde après leur sacre olympique. Pour Laure, la suite a été compliquée. Florent, lui, semble extérieur à tout ça. Comme indifférent à tout ce qui lui arrive, détaché. Ça glisse sur lui, comme lui dans l’eau. Alexandre Boyon, qui connaît bien la famille, fait un lien entre le père et le fils, "deux blocs énormément solides". Le petit ado rondouillard est devenu un homme, mais il ne s’est jamais séparé de "sa fraîcheur et de sa capacité à avoir du recul sur ce qu’il fait", analyse Jacques Favre, le Directeur Technique National. "Il fait très vite la synthèse des événements, sa force est là. Il fait partie de cette génération qui maîtrise la communication, les réseaux, il adopte toujours la bonne distance aux choses", poursuit-il. La relation compliquée entre sa grande sœur et les médias l’a sûrement vacciné. Alexandre Boyon juge juste que "c’est sa nature".

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Si l’histoire personnelle de Laure l’a peut-être aidé à se construire, son ADN Manaudou tient une part non négligeable dans sa carrière. Lui, comme Laure, ne sont pas réputés pour leur équilibre alimentaire. Frédérick Bousquet raconte qu’à l’époque de sa colocation avec Dorian Gandin, autre nageur marseillais, ils avaient installé un petit réfrigérateur, où s’empilaient les sodas, près du canapé pour éviter d’avoir à se lever durant leurs parties de jeux vidéo. "Ils n’ont pas les mêmes chromosomes", lance Alain Bernard, champion olympique du 100m à Pékin. En 2014, après la razzia à l’Euro de Berlin, Romain Barnier, son entraîneur y allait de sa confidence : "Il a ce niveau qui lui permet de faire les choses avec facilité. Un exemple, il enchaîne les courses facilement car il a le corps d’un Manaudou, il récupère facilement. Une nuit suffit quand Fabien (Gilot, ndlr) en a besoin de deux", admirait Barnier.

Barnier-Manaudou, la connexion

Romain Barnier, l’homme qui l’a façonné. Celui qui sait mieux que personne comment fonctionne le nageur. "Il parle à sa raison et pas au cœur. Romain, c’est un affectif, analyse Jacques Favre, donc il pourrait jouer là-dessus. Il le fait avec Fabien (Gilot, ndlr) notamment. Mais avec Flo, il faut parler à sa tête". Les décisions prises, sur lesquelles on revient – un coup je fais le 100m, un coup non – tout ça ressemble à de l’amateurisme ou des caprices. Jacques Favre dément : "Certaines peuvent ressembler à des coups de tête, mais c’est peut-être simplement des choses qui n’ont pas été dites, mal comprises ou mal interprétées. Intelligemment, Florent est capable de s’y engouffrer. Il a l’intelligence de toujours jouer avec les limites, purement sportives. Son détachement ne doit pas être confondu avec de la négligence, c’est quelqu’un de très sérieux, précis et méticuleux".

VIDEO. Natation : Florent Manaudou en route vers le doublé sur 50m

Barnier, le passionné avec Manaudou, le calme. "Un bon attelage, résume Boyon, Romain Barnier a une bonne psychologie de ses nageurs. Il les gère bien et avec Manaudou, il doit se dire qu’il tient une pépite, c’est le seul champion olympique du groupe". Un palmarès qui lui offre un statut de star du sport français. Les sponsors le demandent. Unilever, le groupe qui détient la marque Williams en a fait sa tête d’affiche. Emilie Vantajol, chef de groupe déodorants au sein de la marque, assure que l’homme est "très professionnel, disponible, accessible". Elle raconte que lors des tournages publicitaires, il "voulait garder le contact avec l’eau". "Une heure avant le tournage prévu à 8 heures, il était dans le bassin", insiste-t-elle. Une version qui tord le cou à cette réputation de dilettante qui a pu lui coller à la peau. "Michel Rousseau (ancien consultant de Francetv Sport, ndlr) dirait de lui que c’est un sprinteur, il fait quand il a envie", précise Alexandre Boyon.

La victoire ou rien

Ce garçon, "discret et réservé, comme son frère et sa sœur", dixit le paternel, a découvert la natation les dimanches en famille. S’il a longuement hésité avec le handball jusqu’à ses 15 ans, abandonnant même la natation durant un an, elle n’était jamais très loin. "Nous avons passé beaucoup de notre temps libre pour la natation et les résultats sont là, note Jean-Luc Manaudou. En vacances, nous choisissions nos campings en fonction de la présence ou non d’une piscine. On l’a accompagné, 20 ans de nos vies ont tourné autour de la natation".

Le travail et le talent ont fait le reste. Les anecdotes sur sa capacité à briller dans tout ce qu’il entreprend sont légion. "Frédérick Bousquet dit qu’il est écoeurant, lance Alexandre Boyon. Tu le vois danser, c’est Michael Jackson, alors qu’il mesure 2 mètres et pèse 100kg. Au tennis, tu lui mets une raquette entre les mains, il sait jouer. Au handball, au volley, il est super fort. Dans tout ce qu’il fait, il est doué". Chez lui, gagner est une seconde nature. Lorsqu’il participe à un jeu c’est pour le remporter et c’est sans doute pour ça qu’il a été soulagé de sa non-qualification sur le 100 mètres durant les France à Montpellier. Il sentait que ses chances de faire le doublé étaient faibles. Même lors d’un simple "questions pour un champion" au siège d’Unilever à Rueil-Malmaison, impossible de perdre. "On avait organisé ça pour lui, on avait prévu des questions sur la marque, il était au taquet", se souvient Emilie Vantajol. Une soif de vaincre héritée de la famille Manaudou. "Dans la famille, on a tous fait du sport et quand on pratique, c’est pour gagner. Il veut performer. Gagner. Partout. Tout le temps", insiste son père. Nouvel exemple ce vendredi soir ?

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