Rio 2016 : Florent Manaudou, une médaille d'argent au goût amer qui pose question
Dévastée, en larmes, Laure Manaudou est incapable de contenir sa tristesse depuis son poste de commentateur. Son frère, Florent Manaudou, vient d’échouer pour un centième dans sa quête de deuxième titre olympique sur 50m nage libre. Il termine deuxième (21’’41) derrière Anthony Ervin (21’’40). Le contraste avec la joie et le bonheur, qui se lisaient sur son visage en 2012 à Londres, est saisissant. Laure (et l’or) ne sont plus autour du cou de Florent. Et il faut l’accepter.
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Devant les micros qui se tendent, le Marseillais essaye de contenir une déception qu’on devine immense. Il sait qu’il vaut mieux que 21’’41, son chrono des demies (21’’32) le prouve. "Je pense mériter mieux, je me suis bien senti sur le 4x100, en série et en demie aussi, assure-t-il, j’étais meilleur hier (jeudi en demi-finale, ndlr) qu’aujourd’hui (vendredi, ndlr). C’est l’inverse d’il y a quatre ans".
Trop haut, trop tôt ?
Perdre. Une notion pas évidente pour lui. Son père, Jean-Luc, rappelait que dans la famille, "quand on pratique un sport, c’est pour gagner". Cette finale, il la voulait vraiment. Pour boucler la boucle. Mais une mauvaise reprise de nage aux 15 mètres – "je suis trop au-dessus de l’eau" - qui l’empêche de créer de la vitesse est venue casser la dynamique. "Je me suis mis à cogiter", souffle-t-il. Et la vitesse de pointe d’Anthony Ervin a fait le reste. Les raisons techniques sont limpides. Mais quand on creuse un peu sous le discours, on trouve aussi d'autres failles. D'ordre mental, elles sont infimes, mais elles ont peut-être fait la différence. "Ça a été le réel problème de cette année olympique, témoigne son entraîneur Romain Barnier. Il s’était fixé l’objectif de gagner toutes les courses sur 50m en petit et grand bassin. En début de saison, ça a été plus difficile de se projeter à nouveau dans la défense du titre olympique. Il n’avait plus ce moteur et il a fallu en créer un nouveau. Il est peut-être là, le centième. Si ça avait été le même moteur qu’à Kazan (Mondiaux 2015, ndlr), on aurait peut-être vu une meilleure performance. Il aurait été guidé. Mais c’est difficile, on ne crée pas des rêves et des envies en cinq minutes… C’est ce qui le faisait avancer, c’est revenu sur la fin (de la préparation, ndlr), mais peut-être un peu trop tard pour remporter ce deuxième titre olympique".
Et si le problème de Florent Manaudou, qui compte quand même trois médailles olympiques (or et argent sur 50m nage libre et argent sur 4x100m nage libre), était d’avoir été trop haut, trop tôt? "Quand on gagne à 21 ans le titre olympique, c’est compliqué de se remobiliser derrière. Quand on fait 15 ans de natation, qu’on veut décrocher le titre et qu’on y parvient assez tôt, c’est dur de revenir", concède-t-il. L’imminence des Jeux avait rallumé la flamme mais cette orgie d’or sur 50m (titre olympique, titre mondial grand et petit bassin, titre européen grand et petit bassin, titre national grand et petit bassin) avait peut-être (trop ?) rassasié la bête. On ne saura jamais à quel point ça a joué, mais ce qui est sûr c’est que la défaite faisait mal.
"Colosse fragile"
L’armure s’est fendue ce vendredi soir dans les travées de la piscine olympique. Le sourire Colgate avait disparu. Les yeux erraient dans le vague, la voix se faisait moins forte, hésitante, Florent Manaudou était triste. Tout simplement. Les larmes sont montées sans jamais réellement couler. "Oui tout se bouscule, prononce-t-il entre deux sanglots ravalés. C’est dur, mais il faut vivre avec. C’est un des moments les plus durs de ma carrière, oui. Mais il y en a tellement qui aimerait décrocher une médaille d’argent olympique, je pense notamment à Camille (Lacourt, ndlr)...". "C’est un colosse fragile, analyse Romain Barnier, il cache beaucoup de choses. Je l’ai déjà vu ému dans la défaite. Rien qu’à l’entraînement. Il n’y a pas de larmes, mais c’est le même niveau de frustration qu’il éprouve pour lui-même". L’entraîneur marseillais énumère ces moments compliqués : les Mondiaux de Barcelone 2013, les championnats de France petit bassin à Angers cet hiver… Il espère quand même que "le plaisir et la fierté" remplaceront l’amertume et la frustration immédiates de cette seconde médaille individuelle aux JO.
Et maintenant ?
A 25 ans, Florent Manaudou est au carrefour de sa carrière de nageur de haut-niveau. S’il avait touché l’or une deuxième fois, la suite aurait sûrement été plus simple à décider. Là, il "va être compliqué de faire les bons choix", estime-t-il. Arrêter ? Faire un break plus ou moins long ? Changer de sport comme il l’a laissé sous-entendre ? Dans sa tête, tout est flou. "Franchement, je n’en sais rien, lâche-t-il, j’ai toujours vécu au jour le jour, je veux prendre trois mois de break et après si je veux continuer à nager, je reprendrai. Mes choix sont guidés par mes envies et pour l’instant j’ai envie de faire la fête". Une réponse honnête, sincère qui aura eu le mérite de faire rire l’Américain Nathan Adrian, troisième du 50m, assis à côté de lui en conférence de presse.
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Romain Barnier ne veut surtout pas lui forcer la main. Ça serait la pire des choses. Trop de couples d’entraîneur-nageur ont explosé sous la contrainte. "Je n’ai ni bon espoir qu’il continue, ni crainte qu’il arrête, je veux qu’il fasse ses choix, tranche l’entraîneur. S’il s’arrête six mois, on l’accueillera, si c’est un an aussi. S’il va s’entraîner ailleurs, on le supportera. S’il change de sport, on l’encouragera. S’il fait du cinéma, on le regardera". Champion olympique pour la deuxième fois de sa carrière, 16 ans après Sydney, Anthony Ervin a prouvé qu’on pouvait s’arrêter et revenir au sommet. Michael Phelps aussi. "Il faudrait que je me fasse plein de tatouages et que je devienne rockeur", sourit Manaudou en faisant référence à Ervin. Nageur arrivé au sommet très tôt (champion olympique à 19 ans), idole de jeunesse de Manaudou, Ervin, 35 ans, s’est perdu en route (drogues, ennuis avec la police) avant de retrouver le goût à la natation et les sommets. Florent Manaudou n’a pas encore épousé totalement cette trajectoire. Le Français avouera avant de quitter la scène qu'il n'était pas mécontent de tourner le dos à ces Jeux de Rio où il a dû encaisser la pression médiatique. Une autre faille? Peut-être... En tout cas, lui, comme sa soeur, était difficilement consolable vendredi soir.
VIDEO. La tristesse et l'émotion de sa soeur Laure depuis la cabine commentateurs
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