Natation : Michael Phelps fait son come-back ? Plus facile à dire qu'à faire
Michael Phelps dispute les championnats américains après deux ans d'arrêt. Un exercice périlleux, où les plus grands se sont cassé les dents.
"J'ai essayé de jouer au golf, j'ai pris 15 kg, mais quelque chose me manquait." Lors de la conférence de presse précédant son retour, fin avril, le nageur Michael Phelps, 22 médailles olympiques au compteur, n'a pas trouvé d'autre justification. Phelps a replongé, au sens strict comme au figuré. Il a retrouvé l'envie de nager pour disputer les JO de Rio de Janeiro en août 2016. Première étape : les championnats des Etats-Unis, du 6 au 10 août. On imagine qu'il s'est renseigné sur les cas précédents de come-back, qui sont loin de s'être tous soldés par une réussite.
L'incroyable réussite de Dara Torres
Le mètre-étalon du come-back réussi, c'est Dara Torres. La championne américaine a commencé sa carrière aux Jeux de Los Angeles en 1984... pour la finir aux Jeux de Pékin, vingt-quatre ans plus tard. Entre deux, elle a manqué les Jeux d'Atlanta en 1996 pour cause de retraite (de 1992 à 1999) et ceux d'Athènes en 2004 pour devenir maman. Et à chaque fois, après des années loin des bassins, elle écrase la concurrence : cinq médailles aux Jeux de Sydney en 2000, trois à Pékin en 2008... à 41 ans.
Son secret ? "Elle est complètement folle", résume son coach de toujours, Michael Lohberg, dans Sports Illustrated*. Dara Torres ne s'en cache pas. "On a posé Tessa sur ma poitrine, juste après sa naissance, raconte la nageuse dans Women's Health. Le docteur entre dans la chambre, me demande comment je vais. Je lui demande d'entrée : 'Quand est-ce que je peux reprendre la natation ?' Il croit à une blague. Il me dit que je peux reprendre les exercices d'aérobie dans six semaines. Je réplique : 'Ce n'est pas possible, j'ai un meeting de natation dans trois semaines !'" Dix jours après avoir accouché, elle était de retour en salle de musculation.
Les trois médailles d'argent de Dara Torres à Pékin se sont transformées en poule aux œufs d'or pour la championne. Comme le relève le New York Times, le tarif de ses discours de motivation est passé de 10 000 à 50 000 dollars pour deux heures, avec un agenda plein sur plusieurs mois. "La devise de ma vie, c'est un peu : 'il n'y a pas de limite d'âge pour les rêves'", confie Torres à ESPN. Petit bémol à cette très belle histoire : Dara Torres a loupé la qualification pour les Jeux de Londres de 2012 en échouant d'une seconde aux championnats des Etats-Unis. Cette fois, celle que ses équipières appelaient "Maman" a vraiment raccroché le bonnet de bain.
L'échec cuisant de Mark Spitz
Sa moustache a fait trembler le monde, en août 1972. Pendant la première semaine des Jeux de Munich, on ne parle que de Mark Spitz, l'homme qui remporte sept médailles d'or en sept épreuves olympiques. Spitz devient aussitôt une vedette : les annonceurs se bousculent et son nom est évoqué pour reprendre le rôle de James Bond, laissé en jachère par Sean Connery. Lors des championnats soviétiques de 1973, tous les nageurs russes arborent une moustache, convaincus que c'est dans cet appendice pileux que réside le secret de Spitz. Le nageur américain, lui, a déjà pris sa retraite. A l'époque, les carrières sont courtes. Un des collègues de Spitz, Gary Hall, qui a poussé sa carrière jusqu'à l'âge canonique de 25 ans, était surnommé "le vieil homme et la mer", référence au roman d'Hemingway.
En 1989, on retrouve Mark Spitz, qui mène une brillante carrière dans les affaires entre deux interventions en entreprise grassement payées. Le magnat du documentaire sportif Bud Greenspan lui fait miroiter un improbable come-back aux Jeux de Barcelone, vingt ans après sa razzia munichoise. A la clé : un million de dollars si Spitz décroche son ticket pour les JO. Le champion vend l'annonce de son retour à un magazine, monnaye ses meetings de préparation aux chaînes de télé américaines, et fait monter la mayonnaise à coups de punchlines bien senties. A la télévision, il lâche : "Au lieu de devenir un couch potato [un légume], je me lève et je me bouge", "le retour dans les bassins, c'est comme une lune de miel". A People : "Dieu m'a donné le corps pour exceller dans les sports aquatiques." A Sports Illustrated : "J'ai l'impression d'être un jouet laissé dans un placard qu'on vient de sortir et de remonter."
Après avoir gardé le mystère sur ses chronos lors de ses entraînements, le masque tombe lors des meetings de préparation. Il s'agit plus de duels contre les nageurs américains du moment, avec à chaque fois des dizaines de milliers de dollars en jeu. A chaque fois, Spitz est lâché par son adversaire. Incapable de s'approcher à moins de deux secondes des minima pour participer aux championnats nationaux, il jette l'éponge. Mais son moral va bien, merci pour lui. "Je suis l'homme de 42 ans le plus en forme du monde", se console-t-il dans le Los Angeles Times. Avant de reconnaître qu'entre ses 32 et ses 37 ans, il a "perdu ce que tout le monde finit par perdre à un moment donné : la vitesse". Il existe une autre explication à cet échec, dénichée par Sports Illustrated : après en avoir parlé avec sa femme pendant des années, il a fini par raser sa célébrissime moustache le jour de la Saint-Valentin 1988.
La descente aux enfers pour Ian Thorpe
La "Thorpille" a quitté les bassins en 2006, après une carrière riche de cinq titres olympiques et le statut de plus grande star de la natation australienne. Carrière réussie... mais come-back raté, dès le début. En 2011, Thorpe annonce son retour et son intention de se qualifier pour les Jeux de Londres. Mais la presse parle autant du retour du plus grand sportif australien que du contrat - à sept chiffres d'après le Daily Telegraph australien - qui lie Thorpe à la société Virgin Blue, dont le logo apparaît partout lors de la conférence de presse.
Le défi sportif de Thorpe échoue. Mais le nageur australien ne se démonte pas, et claironne qu'il fera tout pour participer aux Jeux de Rio, en 2016. Même quand il jette l'éponge, à cause de blessures récurrentes à l'épaule, les médias n'ont d'yeux que pour son livre où il multiplie les révélations. Il y confie sa cure pour soigner son addiction à l'alcool - "entre 2002 et 2004, la seule solution que j'avais pour m'endormir, c'était de me saouler" -, ainsi que sa lutte contre la dépression et les idées suicidaires. "Il y a eu des jours dans ma vie qui me font frémir, désormais", écrit-il.
Après avoir raté son retour, il rate son coming-out, qui a lieu en direct sur la chaîne de télévision Channel 10. Une belle initiative... à 380 000 euros : le montant du contrat entre Thorpe et la chaîne, qui prévoit que le champion commente les épreuves de natation des Jeux du Commonwealth et révèle en exclusivité ce qui n'était qu'une rumeur tenace. "Le message de l'interview est dégradé par le fait qu'il est inclus dans un contrat lucratif, fustige le journaliste du Sydney Morning Herald Andrew Webster. La nouvelle arrive aussi après des informations alarmistes sur la situation financière de Thorpe..."
Ce n'est pas la première fois que le coming-out de Thorpe est influencé par des enjeux financiers. Alors qu'il envisageait de révéler son homosexualité avant les Jeux de Sydney (2000), son agent l'en a dissuadé en organisant un rendez-vous avec Mark Tewksbury. Ce nageur canadien a perdu un contrat publicitaire "à six chiffres" en révélant son homosexualité après les Jeux de Barcelone, raconte le Sydney Morning Herald. Son histoire a convaincu Thorpe de taire le sujet... pendant quatorze ans. Sa défense, sur Channel 10, arrive un peu tard : "Je ne savais pas que l'Australie était prête à avoir un champion gay."
* Tous les liens de cet article sont en anglais.
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