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Super Bowl : des Kangourous de Pessac à la prestigieuse université d'Auburn, le Français "Thanos" Jeffrey M'Ba poursuit son rêve de NFL

Ce jeune colosse vendéen de 22 ans, couvé des yeux par les facs américaines et espoir numéro un du pays, pourrait bien, très prochainement, être drafté par une franchise NFL. 

Article rédigé par Julien Lamotte, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Jeffrey M'Ba sous ses nouvelles couleurs de l'université d'Auburn en Alabama.  (Auburn Football)

Dimanche 13 février, c'est le Super Bowl ! Dans quelques années, qui sait, un Français sera peut-être sur la pelouse de l'événement sportif numéro un aux Etats-Unis. Utopique ? Pas du tout. Jeffrey M'Ba semble taillé pour le défi. En attendant, ce grand fan d'Odell Beckham Jr, l'un des deux receveurs stars des Rams, livre à franceinfo: sport son pronostic pour cette année : "Je pense que Los Angeles va gagner. Cincinnati ne pourra pas réaliser un nouveau miracle". Lui, justement, est en train d'en accomplir un. 

Pour le moment, cela ressemble à l'"American Dream" parfait. Le scénario est digne d'Hollywood. Imaginez. Un jeune Français, né au Gabon et ayant grandi en Vendée, découvre à 16 ans le football américain. Coup de foudre immédiat pour ce sport qui correspond parfaitement au physique déjà impressionnant de M'Ba. Très vite, il domine ses adversaires dans les "tranchées", à savoir ces deux lignes qui s'opposent au moment où le jeu prend vie. 

Lui est Defensive Tackle. Sa mission est simple : franchir le rideau de molosses qui lui fait face, gêner au maximum le quarterback qui s'apprête à lancer le ballon et, dans un monde idéal, le sacker (le plaquer avant qu'il ne lance). Il le fait si bien, et si souvent, avec les Hussards de La Roche-sur-Yon, son premier club, qu'il s'exile rapidement au Pôle France de Bordeaux où il devient, avec les Kangourous de Pessac, champion de France en 2018. À l'image de l'emblème de son club, M'Ba fait des bonds de géant. Mais il les fait seul. 

Alors qu'on l'imagine choyé par ses entraîneurs, trop heureux d'avoir mis la main sur une pépite, la réalité est toute autre. "On m'a rapidement promis à l'équipe de France", raconte-t-il.  "J'imaginais un truc incroyable mais très vite j'ai réalisé que les coachs ne m'aideraient pas". Monstre physique à la technique encore un peu frustre, M'Ba se heurte à des staffs "qui étaient dans le déni, qui m'ont rigolé au nez et qui ont même écrit des mails aux universités américaines pour leur dire de ne pas me prendre".

Bornes in the USA

Mais un tel diamant brut ne pouvait évidemment pas rester dans l'écrin bien trop confiné de la ligue française. Commence alors un long périple à travers les Etats-Unis, l'eldorado de tous les joueurs. M'Ba ne va compter ni les kilomètres, multipliant les visites dans les écoles, ni les efforts. Un an plus tard, en 2019, le "lineman" est en effet à Baltimore, dans la prestigieuse Saint Frances Academy, véritable pépinière à talents. 

Cette fois entouré de joueurs d'un tout autre niveau que ceux qu'il affrontait dans l'Hexagone, et après un apprentissage parfois douloureux ("une fois, deux adversaires m'ont traîné sur 20 yards !"), Jeffrey M'Ba continue pourtant de faire des ravages. Il faut dire que ses mensurations (1,98 m pour 144 kg) sont déjà celles d'un joueur pro. Et lui valent ce surnom ô combien révélateur de "Thanos", en référence au surpuissant méchant des films Marvel. "J'aime bien ce surnom", rigole-t-il. "C'est simple, efficace et dans le film il est finalement plutôt gentil. À sa manière". 

À sa manière, forte, le Franco-Gabonais va pourtant dévier, pour la première fois, de sa carrière de météorite. Alors qu'il postule pour la prestigieuse université de Virginia, en NCAA  (l'antichambre de la NFL), le Vendéen est rattrapé par ses anciennes notes sur les bancs d'école française, jugées insuffisantes pour intégrer le programme américain. Il est recalé ! L'histoire aurait pu s'arrêter là. Mais c'est mal connaître la persévérance de M'Ba.

Revenu en France, il cherche d'abord à obtenir un SAT (diplôme pour les expatriés qui leur permet d'accéder aux universités américaines) avant d'opter pour le programme JUCO (Junior College) dont l'organisation sportive sert d'incubateur pour la NCAA. Pas simple de s'y retrouver au milieu de ces acronymes mais, comme sur un terrain, M'Ba va réussir à se frayer un chemin. 

Il parvient ainsi à se faire accepter au Junior College de Kansas où l'attend néanmoins une nouvelle épreuve : le Covid-19, qui entraîne l'annulation de tous les programmes sportifs. Rien à faire face à cet obstacle, même pour Thanos, qui doit prendre son mal en patience et s'entraîner seul. Il n'en revient qu'encore plus fort. Au point d'être considéré, à la fin de la saison, comme l'espoir numéro 1 du pays, tous postes confondus ! Oui, lui le natif de Libreville au Gabon, classé devant tout ce que la nation US compte de futurs quarterbacks. Il en rigole. "C'est énorme, c'est vrai..." 

En toute logique les facs les plus prestigieuses du pays se sont battues pour s'attirer les grâces du prodige. Ce dernier a finalement opté pour les Tigers d'Auburn, célèbre pour avoir récemment révélé le quarterback Cam Newton, sacré meilleur joueur de la NFL et finaliste du Superbowl en 2015. Le poste n'est pas le même mais la voie est toute tracée pour le Frenchy, qui espère une issue plus heureuse (les Panthers de Newton avaient perdu en finale contre les Broncos). 

S'il poursuit sur sa lancée, Jeffrey M'Ba pourrait bien devenir le 2e joueur français, après la référence Richard Tardits, à disputer un match dans la Ligue. D'autres Tricolores ont tenté leur chance mais, généralement confinés dans les équipes d'entraînement, n'ont pas connu la vraie folie de la Ligue comme Tardits, 27 rencontres de NFL au compteur avec les New England Patriots. "J'ai participé à un podcast avec lui il y a quelques temps" se souvient M'Ba. "Le mec est une légende". Une déférence tout à l'honneur de M'Ba qui pourrait, pourtant, marquer beaucoup plus l'histoire de son sport. 

Quand on lui demande ses aspirations, la voix, si posée et presque douce, devient soudainement plus ferme. "J'aimerais être n°1 de draft bien sûr, mais le top 5 serait déjà très bien. Et si ce n'est pas cette saison, ce sera pour la prochaine !". À 22 ans, le Frenchy a encore du temps et ne veut pas brûler les étapes. "Le Super Bowl c'est le rêve de tout joueur mais c'est encore très loin. Avant tout, mon objectif est de jouer en NFL" . Et à la question de savoir s'il a une équipe dans laquelle il aimerait particulièrement évoluer, sa réponse est désarmante de simplicité : "Si possible là où il ne fait pas trop froid". Thanos serait-il frileux ? 

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