"Nous allons devoir faire très, très attention" : Les sportifs de haut niveau positifs au covid-19 sous haute surveillance
"Bonjour tout le monde, je voulais vous annoncer que j’ai été testé positif au Covid-19. Je veux être certain que toute personne ayant été en contact avec moi ces derniers jours se fasse tester ! Je suis vraiment désolé pour le mal que j’ai pu faire !" L’annonce vient du tennisman Borna Coric. Comme ses compères Grigor Dimitrov, Novak Djokovic, ou encore Blaise Matuidi ou Rudy Gobert, Coric n'a pas caché son contrôle positif. Nous en savons peu en revanche sur ce qui suit pour ces athlètes de haut niveau : comment vont-ils récupérer ? Se rétabliront-il vraiment ? Dans la presse américaine, quelques athlètes ont témoigné : ils ont été globalement surpris par la violence, et surtout, par les traces laissées par le virus. Leurs capacités physiques, et donc, leur performance sur le terrain, en ont subi les conséquences. En France, les clubs en sont encore aux balbutiements des protocoles sanitaires censés cibler ceux qui ont besoin d’un suivi poussé. Hormis Rudy Gobert récemment, aucun sportif n'a vraiment évoqué son quotidien et son rétablissement. Mais tous les professionnels du secteur interrogés se rejoignent sur un élément : plus encore que pour la population générale, les sportifs touchés par le covid doivent être surveillés de très près en raison de leur pratique intense d’une activité physique.
A l’Insep, comme ailleurs, on est très vague sur l’ampleur des cas positifs. Le médecin du sport Sébastien Le Garrec reconnaît qu’il y a "un certain nombre" de pensionnaires touchés. "Mais aucun n’a eu de forme grave du virus. Les symptômes ont été très mineurs. De ceux qu’on a vu jusqu’ici, personne n’a eu de toux ou de syndrome respiratoire aigu, par exemple." Les pensionnaires n’étant pas encore tous rentrés au centre, en raison de la suspension de la plupart des saisons sportives, ces informations ne sont que partielles.
Masse musculaire et fatigue chronique
Il faut avant tout distinguer les sportifs ayant contracté une forme grave du virus, de ceux n’ayant pas de symptôme ou très peu. "Les sportifs de haut niveau sont en général plutôt jeunes, pas plus de 35 ans, or on sait que la formes graves se retrouvent beaucoup plus dans les tranches d’âge supérieur. Ça se confirme avec les premières données que nous avons recueillies à l’Insep : aucun de nos pensionnaires testés jusqu’ici n’a contracté de forme grave". En France, ils sont encore peu nombreux à avoir évoqué la manière dont ils ont vécu le virus. Il faut dire que les saisons sportives, souvent suspendues, n’ont pas encore toutes redémarré : "Seule une partie de nos pensionnaires est de retour. Nous n’en sommes qu’au début des protocoles de détection. Nous en saurons beaucoup plus sur la manière dont les sportifs touchés ont vécu leur maladie et leur rétablissement d’ici septembre prochain", précise Sébastien Le Garrec.
Rudy Gobert s’est, lui, exprimé cette semaine dans l’Equipe sur ces "expériences". "Je sentais comme des fourmis dans mes orteils, et je me demandais ce que ça pouvait être. Il y a eu pas mal de petits trucs comme ça. Deux semaines après, j’ai couru dans la montagne, ça a été, mais je sentais une petite inflammation dans mes poumons, très légère. Mais ces derniers mois, j’ai expérimenté des choses que je n’avais jamais expérimentées avant. C’était une période bizarre, difficile."
Dans le New York Times, quelques sportifs de haut niveau – pas tous professionnels – ont témoigné. Ben O’Donnell, un triathlète de 38 ans qui se préparait pour le prochain Ironman, a perdu 35 kilos de masse musculaire en quelques semaines. Il est passé en soins intensifs après avoir contracté une forme sévère du virus. "Les spécialistes disent que je ne pourrais peut-être jamais retrouver mes capacités pulmonaires d’avant", a-t-il indiqué. De retour chez lui, il se déplaçait à l’aide d’un déambulateur il y a encore quelques semaines. Mais l’homme n’a pas perdu l’espoir de participer à la course d’endurance : il reprend son entraînement en douceur, un ou deux kilomètres de marche par jour, là où, avant sa maladie, il s’infligeait 3 séances de running, 3 séances de vélo, et 3 séances de nage par semaine.
A 27 ans, Tsang Yee-Ting était en pleine forme et se préparait pour se qualifier pour les JO de Tokyo en karaté. Mais le coronavirus a frappé la karatéka hong-kongaise, et dans sa forme la plus sévère. "Marcher était devenu un enfer pour moi", témoigne la jeune femme, qui ne figurait pourtant pas dans la population dite à risque. Sa carrière s’est même inscrite en pointillés pendant un certain temps. "J’ai eu toutes sortes de pensées... Evidemment que j’étais inquiète, le karaté, c’est ma vie". Elle se dit désormais "totalement" remise.
Atteinte cardiaque
En France, dans les structures et clubs interrogés, il n’y a eu pour l’instant aucun cas de cette envergure. Mais les médecins se disent "extrêmement vigilants", même envers ceux qui n’ont pas eu de symptôme apparent ou des symptômes légers. Pour les sportifs testés positifs à l’Insep, un protocole spécifique a été mis en place. Ils doivent réaliser une échographie cardiaque. "D’après les premières études, il apparaît que ce covid à un tropisme particulier pour le coeur. Il peut donc y avoir, dans certains cas, des traces laissées au coeur ou aux poumons", explique Sébastien Le Garrec.
Si l’échographie cardiaque donne le moindre signe inquiétant, l’athlète passe ensuite une épreuve d’effort et une IRM cardiaque, car "l’échographie n’est pas fiable à 100 %". Si certains sportifs ont dû aller jusqu’à l’IRM cardiaque, Sébastien Le Garrec assure qu’il n’y a pas eu de cas grave. "C’était simplement pour s’assurer que tout allait bien, et à ma connaissance, il n’y a pour l’instant pas eu d’atteinte cardiaque notable parmi nos pensionnaires". Il n’empêche que le risque est présent. Et, plus encore que pour la population générale, les sportifs de haut niveau doivent être vigilants car une activité physique intense peut amener à des accidents cardiaques en cas de fragilité,"voire à une mort subite dans le pire des cas", précise le docteur Le Garrec, tout en martelant qu’à l’Insep aucun athlète n’en est là.
La vigilance est également de mise pour Jean-Jacques Amprino, médecin du sport au club de football de Bourg-en-Bresse en National, ancien praticien de l’Olympique Lyonnais. "En médecine du sport, toute infection virale est susceptible d’aller chatouiller le coeur, et dans le pire des cas, entraîner une myocardie (une insuffisance cardiaque, ndlr). Même pour une grippe banale, dans les semaines qui suivent, on vérifie le coeur, et on fait une reprise très progressive. Après un covid, il est certain qu’un joueur doit avoir un examen cardiovasculaire complet. Il faut donc aller au-delà de la radiographie simple : faire un examen cardiovasculaire et un scanner pulmonaire." Dans son club, aucun cas positif n'est répertorié pour le moment.
La vigilance cardiaque auprès des sportifs de haut niveau n’est pas nouvelle en matière de virologie: parmi les 10 règles d’or de la cardiologie du sport régulièrement mises en avant par le Club des cardiologues du sport, figure la contre-indication du sport intense dans le sillage d’un virus. C'est la raison pour laquelle les staffs médicaux des structures professionnelles sont aux aguets ces dernières semaines, et le seront encore dans les mois à venir, même sans cas grave. L'information, délicate à gérer, filtre d'ailleurs très peu. Les clubs du FC Grenoble en rugby (Pro D2), et de l'USAM Nîmes Gard en handball, ont tous annoncé avoir des cas positifs dans leur effectif et leur staff. Aucun n'a répondu à nos sollicitations.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.