Nouveaux acteurs, abonnements plus chers, Ligue 1 au rabais... La Super Ligue va-t-elle bouleverser les droits TV ?
Dans la nuit du dimanche 18 avril au lundi 19 avril, douze grands clubs européens ont annoncé la création de leur propre compétition, la Super Ligue. Maître de conférence à l'Université Paris-Saclay et auteur d’une thèse sur les droits télévisuels, Antoine Feuillet émet quelques hypothèses sur la question de la diffusion de la compétition.
♦ Quels acteurs pourraient se positionner ?
S'il est encore tôt pour discuter de l'attribution des droits TV sans connaître la totalité du plateau des équipes et son format, la création d'une Super Ligue est susceptible d'attirer de nombreux acteurs médiatiques. Certains posent déjà leurs pions. "Visiblement, DAZN - la plateforme de streaming sportif, ndlr - serait prête à acheter les droits pour 3,5 milliards d’euros. Mais on peut imaginer que ça aille au-delà. On parle aussi de certains lots réservés aux plateformes de streaming. Le Financial Time a évoqué Amazon, Facebook ou encore Disney". précise Antoine Feuillet. Toutefois, la plateforme a indiqué que "ni DAZN, ni (son propriétaire, le milliardaire) Len Blavatnik ne sont de quelque manière engagés ou intéressés pour entrer en discussions concernant le lancement d’une Super Ligue". De son côté, Amazon a déclaré dans un communiqué n'être impliqué dans aucune discussion : "Nous pensons que la dramaturgie et la beauté du football européen proviennent de la capacité du club Abu à réussir grâce à ses performances sur le terrain." Plusieurs scénarios pourraient donc être envisagés.
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À première vue, la Super Ligue est un modèle de compétition qui se rapproche beaucoup de ce qui se fait aux Etats-Unis. Les droits TV de la Ligue professionnelle de football américain (NFL), par exemple, avoisinent les 10 milliards de dollars par an. Pour cela, la compétition multiplie les accords de diffusions avec des chaines américaines locales, ainsi qu’Amazon. La Super Ligue pourrait très bien s’en inspirer. "Cette compétition est presque calquée sur la NBA. On peut donc tout à fait imaginer plusieurs types de lots où on va devoir s’abonner à différents modes de distribution", anticipe Antoine Feuillet.
♦ Pourquoi les supporters seraient-ils lésés ?
Cela n’a échappé à personne : le foot est privatisé depuis plusieurs années. "On est sur une pente qui nuit au consommateur depuis pas mal d’années. Ce n’est pas la Super Ligue qui enclencherait le phénomène", nuance Antoine Feuillet. Que l’on vive en France, en Italie, en Angleterre ou en Espagne, suivre le football est devenu un véritable casse-tête pour le téléspectateur… et un luxe. Il faut cumuler les abonnements à différentes chaînes et cela a bien évidemment un coût pour le consommateur. Et qui dit nouvelle ligue, dit plus de foot, plus de matches, donc plus d’argent à devoir dépenser. "Si on a un produit qui est considéré comme une Super Ligue, c’est-à-dire davantage valorisé que la champions league, ça voudrait dire que les droits seraient supérieurs et donc vendus plus chers auprès des consommateurs via différents médias."
♦ Pourquoi les petits clubs seraient-ils les premières victimes ?
"Les médias ont des ressources limitées. Il y aurait donc un choix à faire entre plusieurs produits, dont la Ligue des Champions, la Super Ligue et les championnats nationaux", fait remarquer le spécialiste. Il évoque un effet de "vase communicant" : "Si les acteurs médiatiques se positionnent sur les droits de la Super Ligue, la Ligue des Champions et les compétitions nationales risquent d’en pâtir". Une telle configuration entraînerait une baisse de revenus évident pour la Champions League et les championnats nationaux. Une nouvelle fois, les petits clubs risqueraient d’être les premiers impactés : "Il est compliqué d’anticiper tout ça. Mais si les clubs créent cette Super Ligue et privatisent le football, une chose est sûre : cela se fera au profit des gros clubs et au détriment des petits", explique le maître de conférence.
♦ Un fiasco à la Mediapro peut-il se renouveler ?
En France, l’affaire Mediapro n’a pas encore totalement disparu des esprits. En mai 2018, le groupe sino-espagnol avait remporté la diffusion de la Ligue 1 et de la Ligue 2 (entre 2020 et 2024), en échange d’un montant de près de 800 millions d'euros. Toutefois, il n’avait pas été en mesure d’honorer ses versements. Pour la Super Ligue, DAZN prévoirait de faire une offre à hauteur de 3,5 milliards d’euros. Mais la plateforme numérique pourrait-elle réellement sortir de ses caisses une telle somme ? "C’est difficile à dire, reconnaît Antoine Feuillet. DAZN a subi de plein fouet la crise de la Covid-19 et n’est pas un acteur extrêmement solide économiquement. Il ne fait pas plus de revenus que Mediapro. Ce n’est pas rassurant de ce point de vue là, mais on est sur un produit qui est différent de la Ligue 1. Potentiellement, il serait plus facile de rentabiliser la Super Ligue."
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