Paris 2024 : après les maltraitances animales de Tokyo, le pentathlon moderne veut tourner la page de l'équitation sur une bonne note
Une cavalière en larmes sur son cheval récalcitrant. Ces images de la pentathlète allemande Annika Schleu lors des Jeux olympiques de Tokyo en 2021 avaient été parmi les plus marquantes de la quinzaine. Alors qu'elle était lancée vers l'or olympique après les deux premières épreuves – escrime et natation – son cheval avait refusé de sauter les obstacles, et parfois même d'avancer.
Frustrée, Annika Schleu avait eu plusieurs gestes violents envers son cheval, lui infligeant des coups d'éperon et de cravache. Son entraîneuse, Kim Raisner, avait également asséné un coup de poing à l'animal. Cette situation "a été mal vécue [au sein de la Fédération internationale], parce qu'on ne frappe pas un cheval, admet Joël Bouzou, vice-président de l'Union internationale de pentathlon moderne (UIPM). La frustration était énorme pour elle, mais cela ne justifie pas son geste".
Si les pentathlètes sont souvent confrontés à un cheval qui refuse de sauter, la réaction de la cavalière allemande est en revanche bien plus rare. Cet événement a en tout cas laissé des traces. "Cela a déclenché le changement d'épreuve pour 2028", se souvient Valentin Belaud, double champion du monde en 2016 et 2019.
Un changement d'épreuve pour les JO 2028
Sur le circuit international, l'équitation sera remplacée par un parcours d'obstacles à pied dès 2025. "J'ai soutenu cette évolution, appuie Valentin Prades, champion d'Europe et vice-champion du monde en 2018, car je considère que le tirage au sort [du cheval 20 minutes avant l'épreuve] est trop injuste."
"Après ce qu'il s'est passé à Tokyo, j'ai pris conscience que ce n'était pas acceptable de jouer quatre ans de préparation olympique sur un tirage au sort."
Valentin Prades, vice-champion du mondeà franceinfo: sport
Il s'agissait même d'une "nécessité absolue", à en croire Joël Bouzou, qui est également président de la Fédération française. "Nous ne remplissions plus les critères du CIO [Comité international olympique] pour le programme olympique : accessibilité, équité, coût, pour les organisations, mais aussi pour la pratique", explique-t-il, tout en précisant que le remplacement de l'équitation était déjà dans les tuyaux depuis plusieurs années.
L'équitation, un handicap pour le développement
A cela s'ajoute ainsi une différence de niveau, comme l'explique le double champion du monde Valentin Belaud. "Le problème du pentathlon aux JO, et notamment de l'équitation, est que beaucoup d'athlètes n'avaient pas le niveau de l'épreuve. Il s'agit d'une épreuve très compliquée, de sauter à 1,20 m plusieurs obstacles, sans connaître son cheval. Il y a des pays émergents où il est plus compliqué que chez nous de pratiquer l'équitation", constate-t-il.
Le vice-président de l'UIPM regrette d'ailleurs ce frein au développement de la discipline. "En Coupe du monde, nous avions seulement six ou sept pays qui pouvaient organiser l'épreuve d'équitation. Celle-ci avait du mal à s'implanter dans de nombreux pays d'Asie du Sud ou d'Afrique par exemple. Avec la nouvelle épreuve, la performance ne dépendra que de l'athlète et les conditions seront les mêmes pour tout le monde", souligne Joël Bouzou.
Ce changement pour la course d'obstacles était donc "inévitable pour l'inclusion d'autres pays dans notre sport, pour une plus grande visibilité et attractivité mondiale, avec moins d'inégalités. Il va renouveler notre sport, afin qu'il évolue avec son temps", confirme Elodie Clouvel, première pentathlète française à obtenir une médaille olympique en individuel (l'argent à Rio en 2016).
Des mesures d'urgence
En attendant les Jeux de Los Angeles en 2028, la fédération internationale a mis en place une série de mesures pour ceux de Paris, afin que l'épreuve d'équitation se déroule dans les meilleures conditions possibles.
Dans un courrier officiel de l'UIPM daté de 2022 que franceinfo: sport a pu consulter, elle évoque un travail "en urgence sur une série de mesures visant à améliorer le bien-être des chevaux dans le pentathlon moderne et à créer une discipline équestre plus sûre pour tous les participants". Ces mesures font suite à "un certain nombre d'incidents survenus dans la section équitation de la finale féminine des Jeux olympiques de Tokyo 2020".
L'UIPM, qui a créé un groupe de travail spécifique sur le sujet, a d'abord modifié les règles de l'épreuve en réduisant la hauteur (de 1,20 m à 1,10 m) et le nombre d'obstacles (de 15 à 12) afin de la rendre plus accessible. "Dans le même temps, on a introduit dans le code d'éthique une partie sur le bien-être animal, sur comment se comporter avec les chevaux. Certaines choses étaient laissées à la bonne volonté des gens. Nous avons donc davantage précisé ce sujet, de manière à ce que les comportements soient complètement encadrés", précise Joël Bouzou.
"Le cheval n'est pas un accessoire comme une épée ou un pistolet avec lequel on peut faire ce que l'on veut", dit-il encore. Des formations en ligne sur ce thème sont désormais obligatoires pour les athlètes, les entraîneurs et les juges afin de les sensibiliser. Des observateurs indépendants de l'UIPM ont aussi été introduits sur toutes les compétitions. "On l'avait déjà, mais on l'a systématisé pour pouvoir corriger les éventuelles défaillances", ajoute le vice-président.
Ces mesures sont la preuve "d'une prise de conscience", assure le directeur technique national de la fédération française, Christian Roudaut. D'après les athlètes, le résultat est concluant. "C'est très satisfaisant, relève Elodie Clouvel. Les épreuves se passent beaucoup mieux et sont plus sûres pour les chevaux."
Le bien-être du cheval sur le devant de la scène
Dans le bulletin d'information technique daté de janvier 2022, adressé aux membres de la fédération, entraîneurs, athlètes, et agents techniques, l'UIPM avait informé des nouvelles mesures et directives applicables à partir de 2022. "Le bien-être du cheval doit toujours être primordial et ne doit jamais être subordonné à d'autres considérations", écrit le document.
Celui-ci précisait également ce qui relève de la maltraitance : "Fouetter ou battre un cheval de manière excessive ; soumettre un cheval à tout type de dispositif de choc électrique, utiliser des éperons de manière excessive ou persistante (...), concourir avec un cheval épuisé, boiteux ou blessé." Autant de situations bien identifiées et désormais interdites. Les sanctions en cas d'actes de violence vont des points de pénalité à la disqualification.
Des tests d'aptitude en amont des compétitions, ou lors de l'échauffement, sont également effectués afin de vérifier le niveau des cavaliers et cavalières. "Si un ou une athlète n'a pas le niveau pour pouvoir utiliser correctement son cheval, n'a pas une bonne adaptation au cheval, les juges prendront la décision de l'arrêter tout de suite afin qu'il ne participe pas à l'épreuve. Cela faisait déjà partie des règles, mais on l'a renforcé, y compris sur l'attention et l'éducation des juges", explique Christian Roudaut. Toutes ces mesures n'ont qu'un objectif : permettre une dernière épreuve sans faux pas à Paris, avant de tourner définitivement la page de l'équitation.
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