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Pour ses 100 ans, le CS Sedan à la recherche d'un nouveau souffle

Ce 2 novembre 2019, le Club Sportif Sedan Ardennes fête ses 100 ans. Un bel anniversaire pour le CSSA, mais un peu terni par la situation sportive du club, coincé en National 2 (N2) suite à une liquidation judiciaire en 2013. Depuis, les Sangliers sortent doucement de leur forêt et remontent la pente pour retrouver le monde professionnel. Un objectif sportif, mais pas seulement, pour une ville et un département dont le CSSA a longtemps été un fleuron et un moteur économique.
Article rédigé par Adrien Hémard Dohain
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 9 min
  (DENIS CHARLET / AFP)

"Quand on dit qu’on est Sedanais, immédiatement on nous renvoie au football, pas au château fort qui est pourtant le plus grand d’Europe. Le CSSA est un outil identitaire qui dépasse le cadre sportif", pose d’entrée le maire socialiste de la ville, Didier Herbillon. Dans les Ardennes, la simple mention du CS Sedan suffit pour donner le sourire aux habitants. Pour Julien Fernandez, le directeur sportif du club : "C’est plus qu’un emblème et une fierté, c’est l’une des plus belles images des Ardennes". Marc Dubois, son président, appuie : "Il y a une identité territoriale très forte. On a un stade de 23 000 places dans une ville de 16 000 habitants : ça résume tout. Le club, c’est la vitrine des Ardennes". "L’orgueil" même pour Marc Barreaud, historien sedanais.

Sedan, l’orgueil des Ardennes

Le fait est que ces dernières décennies, le CS Sedan a fait plus pour la renommée des Ardennes que tout autre entité ou évènement local. En témoigne David Calais, journaliste à l’Ardennais mais lyonnais d’origine : "Je n’avais jamais entendu parler de Charleville-Mézières, j’étais persuadé que la plus grande ville ardennaise, c’était Sedan". Cette renommée, le club l’a acquise via plusieurs épopées en Coupe de France, notamment celles victorieuses de 1956 et 1961, mais aussi grâce aux finales de 1965, 1999 et 2005. "En 1999 et 2005, on était plus de 25 000 Ardennais au Stade de France. C’était la Sedan-mania" se souvient Julio, patron du Sporting Bar accolé au stade. "C’est très difficile de trouver quelqu’un du coin qui n’était pas au stade de France ces jours-là", confirme David Calais.

 

Au jeu des comparaisons, Sedan a été au début du siècle ce que l’En Avant Guingamp était ces dernières années : un club d’une petite ville, bien installé en Ligue 1, capable d’atteindre des sommets en coupe et même de se hisser en coupe d’Europe. Un vent de fraîcheur dans le foot français. A l’époque, Pascal Rémy suivait le club pour plusieurs journaux dont l’Equipe, il se souvient : "Le CSSA faisait briller ce département qui a tant souffert. Toute la presse nationale en parlait". L’historien Marc Barreaud complète : "Mieux que n’importe quelle campagne de pub hors de prix, ces succès ont donné une image extrêmement positive à cette petite ville des Ardennes, ville martyre en 1870, 1914 et 1940, et frappée de plein fouet par la désertification, la désindustrialisation et le chômage".

Avec ses 17 000 habitants - contre 50 000 pour la voisine Charleville-Mézières -, son taux de chômage qui frôle les 30% et ses usines fermées, la ville de Sedan ne respire pas la vitalité économique. "Le tableau n’est pas si noir que cela, on est loin du cliché de la diagonale du vide. On vit quand même dans une agglomération de 130 000 habitants", relativise le maire. Dans ce contexte, le CSSA devient bien plus qu’un club de foot. "C’est un outil exceptionnel qu’on soutient, via des subventions et l’entretien du stade, qu’on loue gratuitement au club" précise l’élu. En tout, cela représente plus de 700 000 euros à l’année pour la mairie. "Mais l’engagement de la ville est soutenu par tous les habitants. Les municipales arrivent : aucun autre candidat n’oserait remettre en question la gestion du stade", affirme Didier Herbillon.

Sedan et le football ouvrier

A l’instar d’autres ex-villes ouvrières, à Sedan le foot domine tout le reste. Pour Claude Lambert, supporter emblématique qui rêve d’ouvrir un musée sur le sport ardennais : "Le CSSA fait partie des vrais clubs populaires, au sens propre du terme, comme Lens, Saint-Etienne ou Valenciennes, des clubs de bassins ouvriers, où le sport est un échappatoire". A l’image du RC Lens, le club a d’ailleurs longtemps été celui des ouvriers. Lors de sa première période faste d’après-guerre, le CS Sedan développe même le football ouvrier. Florian Chrétien, supporter actif sur Sedan Working Football, raconte : "Les joueurs étaient des ouvriers des draperies sedanaises. Ils s’entraînaient le matin puis allaient bosser, puis revenaient s’entraîner le soir. Et ils ont gagné deux coupes et réalisé de belles épopées comme ça !". La vie du club était rythmée par l’usine. Dès cette époque dorée, le public sedanais a développé un sentiment d’appartenance et d’identification à ses joueurs. "Ils n’étaient pas 11 sur le terrain mais tout un département", conclu Claude Lambert.

 

Cela fait maintenant longtemps que les joueurs ne sont plus ouvriers. Mais l’ADN du CSSA repose toujours sur ces valeurs. "Pour jouer ici, un joueur doit connaître le club, son histoire et celle des Ardennes. Tous les joueurs, peu importe d’où ils arrivent, on leur parle du football ouvrier. C’est important. Ici, il y a peut-être un peu moins de soleil et de richesses qu’ailleurs, mais il y a des valeurs fortes : l’humilité, le travail, le courage, l’abnégation", prévient le directeur sportif Julien Fernandez. "Avec les cadres, on le rappelle souvent aux jeunes. Des gens se mettent minables la semaine pour venir nous voir jouer le week-end, on doit se mettre minable sur le terrain", confirme Aziz Dahchour, capitaine des Vert et Rouge.

Alors, depuis sa liquidation judiciaire en 2013 et sa rétrogradation en National 3, le CS Sedan laisse un vide dans le département. "Il y a bien les Flammes de Charleville (équipe féminine de basketball, ndlr) qui tournent bien, qui jouent la Coupe d’Europe. Mais, même si elles sont bien suivies, ça n’atteindra jamais l’engouement du foot", compare David Calais. Si le club a retrouvé la National en deux saisons, la vraie-fausse arrivée d’un prince saoudien a miné le club, qui a rechuté en National 2 en 2017. "A ce moment là, on a tout changé au club. Le but depuis, c’était de trouver un modèle économique viable pour ramener le club à sa place : dans le monde professionnel", explique le président Marc Dubois. C'est ce dernier qui avait sauvé le club en 2013, après avoir compté en vain sur le prince saoudien Fahad Al Saud.

Sedan, un club pro chez les amateurs

Coincé en quatrième division (N2) depuis trois ans, le CS Sedan Ardennes fait figure d’ovni dans son championnat, malgré la présence du SC Bastia, autre ex-club professionnel à la dérive. "Evidemment, c’est beaucoup moins verrouillé qu’un club pro, mais c’est la seule différence. Sinon, dans le journal, on traite le CS Sedan comme une équipe de Ligue 2. On fait des pages complètes dès qu’ils jouent, des papiers d’angles etc. Normalement tu ne fais pas ça pour un club de N2, mais là c’est Sedan", explique David Calais, journaliste au quotidien local l’Ardennais. Toujours installés au centre d’entraînement du château de Montvillers, les Sedanais sont au club à temps plein, s’entraînent tous les jours et jouent au stade Louis-Duguauguez (23 000 places). Autrement dit, au quotidien, Sedan n’a d’amateur que le statut.

Après une saison compliquée, la ferveur autour de l’équipe perdure, ravivée par le début de saison exceptionnel du CSSA en championnat (9 matchs, 9 victoires, 12 buts inscrits, 0 concédé). "L’équipe actuelle plaît aux gens. La ferveur revient, les festivités du centenaire en septembre y ont aussi contribué", selon Claude Lambert. Florian Chrétien confirme : "Les joueurs se dépouillent sur le terrain, ce ne sont pas les meilleurs du monde mais ils ne lâchent pas un centimètre". Club de tous les Ardennais, le CS Sedan mobilise toujours au-delà des frontières : "Le club est très soutenu par les Belges, la Belgique n’est qu’à quelques kilomètres. Il y a aussi des Luxembourgeois", explique le maire de la ville. Plusieurs groupes d’ultras continuent d’animer les tribunes et de suivre le club à l’extérieur. "Qui peut se vanter de cela en N2 ?", se targue l’entraîneur Sébastien Tambouret, avant de préciser : "Cela nous donne une force incroyable". Une ferveur de longue date, que Claude Lambert illustre à lui tout seul avec son projet de musée.

Dans un championnat très disputé, avec un seul strapontin pour la montée en National, la lutte est féroce entre les clubs. "Toutes les agglomérations veulent un club de foot professionnel, parce que ça draine un aspect économique hyper important. Or, on fait face à des clubs parisiens avec plus de moyens car issus de bassins au tissu économique plus dense", analyse Julien Fernandez. Pour le directeur sportif, au delà des moyens financiers du club, il est donc parfois difficile d’attirer des joueurs : "Il n’y a pas beaucoup d’emplois pour les proches des joueurs, et géographiquement, Sedan est moins attirant que Bastia. On a une institution mais on manque d’appuis et de soutiens". Pour le maire, le lien entre la situation économique de la région et les difficultés du club est "évident". Il détaille : "Un club a besoin de fonds très considérables, le sponsoring est un élément majeur. Or, le département est en perte de vitesse économique, donc tout le monde fait attention au budget".

Sedan, le monde pro ou rien

Pour Marc Dubois, président du CSSA et chef d’entreprise dans les complexes de santé-tourisme, il a donc fallu trouver un modèle économique qui donne au club les moyens de ses ambitions. Il détaille : "Dans la partie inutilisée du Château, on développe ‘‘MySens’’, un complexe qui mêle santé préventive et bilan sportif pour le haut niveau et pour le grand public. Tout cela tourne autour du CSSA. Sans le club, on n’aurait pas fait ça à Sedan. Le but du projet c’est d’attirer des partenaires internationaux que le niveau actuel du club n’attire pas". Sportivement, le club s’inspire des réussites d’Amiens et de Strasbourg : "Comme eux, on veut retrouver le monde professionnel le plus vite possible. L’objectif, c’est de se pérenniser en Ligue 2".

Si la situation économique de la région pénalise le club, le CSSA pourrait à l’inverse faire du bien à l’économie locale en cas de retour au plus haut niveau. Cela ne fait même aucun doute pour le maire : "Tout le monde en profiterait, au delà les bars, restaurants, hôtels : par exemple les stations essence, agences immobilières ou agences d’intérims. Quand ils étaient en Ligue 1, à la mairie on avait estimé à 9 millions d’euros les retombées globales pour la ville sur une saison. Pour une petite commune comme Sedan, 15 000 personnes au stade tous les 15 jours, c’est énorme". Un point de vue partagé par les commerçants sedanais.

D’un point de vue sportif, Sedan et ses 70 saisons dans le monde professionnel mériteraient d’y revenir. "On fait partie du paysage professionnel comme Sochaux, Auxerre et tous ces clubs qu’on a tendance à oublier", estime Florian Chrétien, avant d’ajouter : "On a aussi notre côté sympathique. Sedan, c’est comme Guingamp :  tu te dis “qu’est-ce qu’ils foutent là?” et tu t’y attaches". Pour l’histoire donc, mais aussi pour le présent d’une région qui compte sur son club. "Le foot peut être un catalyseur, un vecteur pour faire comprendre qu’il n’y a pas de fatalité à être Ardennais, qu’ici aussi, on peut réussir", aux yeux du président Marc Dubois. "Ce qui se joue, c’est bien plus que du foot", confesse l’entraîneur du CSSA, Sébastien Tambouret. "L’objectif Ligue 2, il concerne tout le monde, du club aux Ardennais, et c’est tous ensemble qu’on y arrivera". Ce qui serait un beau cadeau, pour un centenaire à la recherche d’un nouveau souffle.

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