"Quand il va au sport, il rigole, il sourit" : les bienfaits de la pratique sportive face à l'autisme
Lever les bras. Se laver les mains. Des actions anodines mais souvent impossibles à réaliser pour un autiste qui présente des problèmes moteurs. La pratique du sport est un levier important pour permettre, à force de persévérance, de rendre ces actions de tous les jours plus abordables. Un petit geste mais une grande victoire pour les personnes atteintes d’autisme. "Je prends des vidéos à chaque séance. De la première où j'essaie de l'accrocher sur une prise à maintenant, où il y va seul avec la corde et il touche le plafond", se réjouit Thouraya. Son fils Mazen, huit ans, a fait de nets progrès depuis qu'il s'est mis à l'escalade.
En France, environ 700 000 personnes sont atteintes de troubles du spectre autistique (TSA). Ces troubles, considérés comme un handicap depuis 1996, sont le résultat d'anomalies du neurodéveloppement et apparaissent généralement avant l’âge de trois ans.
Si toutes les situations sont différentes, les TSA se manifestent habituellement par des altérations au niveau des interactions sociales, des problèmes de communication, des troubles du comportement et des réactions sensorielles particulières. L’autisme ne se soigne pas mais une prise en charge adaptée à la personne permet d’améliorer ses conditions de vie et de mieux l’intégrer au monde qui l’entoure. Parmi ces solutions, la pratique du sport.
Le sport pour maîtriser son corps
On peut observer chez une majorité des personnes atteintes d’autisme, des difficultés de coordination et de motricité fine. Ici, le sport a un rôle à jouer. Plusieurs professionnels de santé s’accordent à dire que la pratique d’une activité physique pour une personne atteinte de troubles du spectre de l'autisme peut engendrer une amélioration au niveau de l‘équilibre, de l’agilité, mais également de la coordination et de la dextérité.
Thouraya, a largement pu constater les progrès de son fils qui, depuis près de deux ans, pratique l’escalade. "Mazen a des problèmes au niveau des articulations et n’a pas de tonus ce qui l’empêche de faire plein de mouvements. Depuis qu’il pratique l’escalade il a fait de grands progrès. Au début par exemple, il n’arrivait pas à sauter ni à descendre les escaliers correctement et maintenant il fait du vélo, et peut escalader le mur jusqu’au plafond. Son corps s’est totalement reconstruit", explique-t-elle.
Si ce genre d’apprentissage prend habituellement du temps pour les personnes atteintes d'autisme, là encore, la pratique du sport a permis d’accélérer le processus. "Il y a toute une série de réflexes qu’il n’a pas ou qu’il n’était pas censé maitriser avant un long apprentissage. Mais avec l’escalade cette maîtrise s’est vite faite ressentir. Sur le mur il se déplace d’une prise à l’autre en plaçant ses pieds et ses jambes", analyse Hervé Brezot, éducateur bénévole qui s’occupe de Mazen au sein de l’Association sportive et gymnique de Bagnolet. Pour le bénévole non spécialisé dans les troubles autistiques, aider Mazen relevait au début d’une mission impossible. Mission accomplie pourtant avec succès, grâce à la formation qu'a pu lui fournir le livre Escalades pour tous.
Une nette diminution des troubles du comportement
En plus de l’aide qu’il peut apporter pour bien maîtriser son corps et le développer, le sport peut aussi jouer un rôle bénéfique sur les troubles du comportement auxquels peuvent être confrontées les personnes avec autisme. Selon Ana Bibay, directrice de l’association Agir et Vivre l’Autisme, la prise en charge par le sport permet "une diminution significative des comportements problèmes et des comportements stéréotypes." En effet, le sport joue un rôle apaisant mais est également source de concentration, ce qui permet de mettre de côté les troubles comportementaux.
"C’est impressionnant la différence entre ce qu’il se passe quand il est dans la piscine et quand il est à l’extérieur"
Un bienfait qui est encore une fois visible chez le petit Mazen. "Il fait des écholalies [fait de répéter systématiquement les derniers mots entendus] mais une fois qu’on arrive à la salle de sport il n’a plus rien, il n’a plus aucun trouble de comportement car c’est un lieu où il est à l’aise", relate Thouraya.
Hervé Brezot, qui fait aussi découvrir la natation à Mazen, a remarqué le comportement beaucoup plus serein du garçon quand il fait du sport. "C’est impressionnant la différence entre ce qu’il se passe quand il est dans la piscine et quand il est à l’extérieur, où il va revenir dans une attitude de communication biaisée avec une absence de regard vers la personne avec qui il est censé communiquer", note-t-il.
Le sport facilite l’intégration sociale
L’inclusion est primordiale pour les personnes atteintes de troubles autistiques. Sentir leur appartenance à un groupe leur permet de prendre confiance en eux en ayant moins peur du regard des autres. Nicolas, père de Zacharie, 9 ans, a remarqué à quel point il était important pour son fils d’avoir "une vie normale comme les autres enfants". Cette vie ordinaire passe principalement par le fait que tous les dimanches, Zacharie joue au football au sein du club du CO Vincennes. Mêlé à d’autres enfants sans trouble autistique, il a pu se socialiser et s'épanouir.
"Quand je suis avec lui et qu’on escalade je ne ressens pas que je suis avec un enfant handicapé"
Il en est de même pour Mazen. La pratique de l’escalade l’a "complètement libéré alors qu’il est non verbal. Maintenant il n’hésite pas à dire quelques mots", explique sa maman. Hervé Brezot a aussi pu constater la progression : "il y a eu une évolution impressionnante sur le plan social. Au début il n’avait aucune communication, tout passait à travers de la maman. Maintenant il me regarde, il m’appelle par mon nom, je lui donne des consignes qu’il arrive à appliquer, sa maman n’est plus obligatoirement présente".
De grands progrès effectués de la part de l’enfant qui permettent également de contribuer à son bonheur, ce qui réjouit sa maman. "Je le sens plus heureux, confie-t-elle. Quand il va au sport, il rigole, il sourit, on voit qu’il est content. Moi aussi, je le suis car l’escalade est devenue un plaisir que je partage avec mon fils. Quand je suis avec lui et qu’on escalade, je ne ressens pas que je suis avec un enfant handicapé."
Pas de place à la différence
Pour favoriser l’inclusion, il est primordial que l’enfant en question ne se sente pas différent des autres. "Il est traité comme les autres enfants. Ils arrivent avec leur survêtement, vont aux vestiaires puis reviennent tous ensemble. Le club a très bien compris, et j’en suis ravi, que ce dont ont besoin ces enfants [atteints d’autisme], c’est de ne pas être stigmatisé ou discriminé parce qu’ils ont un handicap", ajoute Nicolas, le papa de Zacharie.
De son côté, Ana Bibay se réjouit de voir des adolescents qui ont pratiqué la course sur tapis dans des centres spécialisés, capables de faire ces mêmes activités dans des salles de sport du quartier et donc de s'intégrer. "Ils prennent leur carte d’abonnement, ils y vont, se changent, se douchent, disent bonjour aux gens… tout cela à énormément de valeur pour eux et montre que l’enseignement du sport a permis d’appréhender tout autour, un panel d’enseignements différents", se réjouit-elle.
Vers quelles pratiques se diriger ?
Si aucun sport n’est contre-indiqué pour les personnes autistes, certains restent plus bénéfiques et accessibles que d’autres. "En général, ce sont davantage des sports individuels que sur des sports collectifs. Il faut une activité avec des règles facilement identifiables", selon Ana Bibay. Le vélo, la natation, la course à pied ou l’équitation peuvent par exemple convenir à une personne atteinte de troubles du spectre autistique mais il est important de bien prendre en compte les préférences de la personne qui sont identifiables via son comportement ainsi que ses capacités physiques et motrices.
Certaines personnes s’épanouiront plus dans les sports collectifs, forts générateurs de liens sociaux, comme le football, le basket ou le rugby. Encore une fois toute l’importance réside dans le fait de développer une approche personnalisée pour que l'individu puisse au mieux acquérir tous les bienfaits de la pratique sportive.
Thouraya, qui au début ne pensait pas pouvoir trouver une activité physique pour son fils, rappelle que tout est une question de volonté et de persévérance : "au début ça parait très compliqué, mais il faut persister, expliquer et être patient pour voir des avancées. Les progrès de Mazen montrent que c’est possible, qu’il suffit de savoir comment faire et de suivre son instinct de parent. (…) Aujourd’hui je pourrais faire l’impasse sur une prise en charge médicale mais je n’arrêterai pour rien une séance de sport."
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