QUE SONT-ELLES DEVENUES. Pionnière du football féminin, Marinette Pichon s'épanouit comme coach au Canada
Il y a un peu moins de deux ans, Marinette Pichon a eu des envies d’ailleurs. Cette envie de découvrir d'autres pays et d’autres cultures a toujours été présente en elle. Alors en 2019, l'ancienne attaquante des Bleues a franchi le pas et posé ses valises avec sa famille au Québec. "Nous vivons sur l'île Perrot, à une trentaine de minutes de Montréal. Le cadre de vie est fantastique. La vie est paisible et douce”, confie-t-elle.
Depuis l’annonce de sa retraite sportive en 2007, celle qui a longtemps détenu le record de 81 buts en équipe de France (une marque portée récemment à 86 par Eugénie Le Sommer) a multiplié les expériences. Après avoir obtenu un diplôme de manager de clubs professionnels avec le Centre de droit et d'économie du sport de Limoges (CDES), elle est devenue directrice générale de Juvisy, en D1. Elle a ensuite développé son académie de football puis a rejoint le conseil départemental de l'Essonne. Mais en 2019, l’appel de l’étranger a été plus fort.
Aujourd’hui, l’ancienne internationale aux 112 sélections s’épanouit avec sa famille au Québec. “Depuis mon expérience aux États-Unis (elle a été la première joueuse française à devenir professionnelle dans le club de Philadelphia Charge), j'ai toujours été attirée par l'étranger. Avec ma femme, nous avions la possibilité de choisir ce qu'on voulait faire et nous avons décidé de vivre à l'étranger. Nous avons fait des recherches sur les pays francophones pour que l'on soit le plus à l'aise. On s'est arrêté sur le Canada. Et j'ai postulé à trois offres d’emplois, dont ce poste à l’Association régionale de soccer (ARS) du Lac-Saint-Louis”, se rappelle-t-elle.
"Vous êtes bien LA Marinette Pichon ?”
À l’époque, le directeur général de l’institution, Georges Tissot, toujours en poste, a eu du mal à y croire. “Quand j’ai vu que Marinette Pichon avait postulé à une de nos offres, je me suis dit : 'il doit y avoir une erreur'”, rigole aujourd’hui le Marseillais d’origine, installé au Québec depuis 18 ans. Donc je l’appelle, et je lui dis 'vous êtes bien LA Marinette Pichon ?"et elle m'a répondu :'Oui, oui, je suis bien Marinette Pichon'. L’offre en question était déjà pourvue, mais elle était tellement déterminée et motivée, que je ne pouvais pas la laisser filer.”
Quelques semaines après, Georges Tissot lui propose donc un poste bâti sur mesure, d’entraîneure aux sports études (le Pôle espoirs) et entraîneure adjointe de la sélection régionale féminine. “C’est un plaisir de travailler avec elle. Elle a de nombreuses compétences qui vont au-delà du jeu. Elle a un très bon coaching, un très bon contact avec les jeunes, elle a ça dans le sang”, poursuit-il, conquis. “On a beaucoup échangé avec Georges Tissot, et il a vu que notre projet était réfléchi, et qu'on avait vraiment envie de franchir le pas en famille”, confirme Marinette Pichon.
2019 le grand départ
Après des repérages en mars 2019, la famille s’envole donc, direction le “Pays des Caribous”. Rapidement, l’ancienne footballeuse prend ses marques. “Après un an de tutorat, j'ai eu la chance cette année de pouvoir évoluer par moi-même avec un groupe en gestion totale”, se félicite-t-elle. “Je voulais voir ce que j’étais capable de faire en tant qu’entraîneure”, affirme la Française. Le pari a été gagnant. En plus de son poste d’entraîneure, elle s’est également vu confier d’autres missions, dont la gestion des partenariats ou encore le repérage des talents au sein des 14 clubs de l’ARS.
L’expérience est encore plus enrichissante dans ce pays où le soccer est encore peu développé. Cette différence de culture, Marinette Pichon l’a ressentie. “Il y a moins cette culture européenne qu’on peut avoir en France. Il y a beaucoup de licenciés et de clubs. La masse est beaucoup plus importante, et il y a une volonté de développer le soccer tant chez les garçons que chez les filles, constate-t-elle. Le ministère est très impliqué dans le programme de sport études par exemple. Et plus généralement, l'activité ici est vraiment au cœur de tous les foyers. Que ce soit du sport extérieur, entre avril à septembre/octobre, où les sports de glace, ça fait vraiment partie de la culture.”
“Je voulais voir ce que j’étais capable de faire en tant qu’entraîneure”
“Sur l’aspect professionnel, c’est une véritable mixité des cultures. Je travaille avec des personnes d'origine italienne, mexicaine, haïtienne, française, libanais, iranienne. C'est un vrai échange culturel, tant sur la méthode de travail que sur les relations humaines”, explique Marinette Pichon. Sur l’aspect personnel aussi, elle ne regrette pas son choix. “Pour nous, ça a été de se dire est-ce qu'aujourd'hui, nous sommes capables de partir et faire nos preuves dans un pays où nous ne sommes pas connues ? On voulait aussi s'éloigner un peu du tumulte de la vie parisienne, où nous avions une vie à 100 km/h. Ici je prends le petit-déjeuner et le dîner avec ma famille, on est ensemble les week-ends. Je voulais retrouver la stabilité et l'ancrage familial”, confie-t-elle, ravie.
Le cadre de vie du Canada fait rêver de nombreux Français. Et Marinette Pichon savoure ces plaisirs du quotidien. Parmi ses activités fétiches, elle adore marcher dans la neige tout en contemplant les paysages, faire des batailles de boules de neige avec son fils, profiter des stations de ski, ou encore dévaler les pentes sur un tube gonflable (de grosses bouées qui glissent sur la neige, une activité très prisée au Canada). “On s'est bien adapté à la culture canadienne. Ce cadre de vie est vraiment top. Il faut juste supporter le froid", s’amuse-t-elle. “Nous sommes arrivés avec des préjugés, en se demandant comment nous allions faire l'hiver... En fait, tout le monde vit dehors ici. On met les manteaux, on se couvre bien et c’est parti.”
“Nous sommes bien ici. Nous n'avons pas envie de rentrer en France”
Marinette Pichon a pris goût à ce cadre de vie idyllique. Au point, que le retour en France ne soit pas au programme. La famille a même déposé une demande de résidence permanente. “Nous sommes bien ici. Que ce soit ma femme, mon fils, ou moi, nous n'avons pas envie de rentrer. Notre avenir est ici. Surtout que le soccer est en plein développement, et qu'il y a la Coupe du monde 2026 qui arrive. Je travaille dessus avec un comité au sein de Soccer Québec", précise-t-elle. En effet, la 23e édition de la Coupe du monde masculine a été attribuée à une candidature conjointe des États-Unis, du Mexique et du Canada, qui sera donc automatiquement qualifié.
Alors, emmener l’équipe canadienne dans cette Coupe de monde sera-t-il le prochain défi de la championne française ? “Bien sûr que rentrer dans la sphère de l'élite, ce serait pour moi une reconnaissance et un partage d'expertise intéressant à faire. Maintenant ça ne fait qu’un an et demi que je suis ici”, reconnaît-t-elle modestement.
Pour Georges Tissot, son avenir est peut-être écrit en France. “Je sais qu'un jour on la perdra, et j’espère qu’elle retrouvera la France, car la France ne peut pas se priver de Marinette. Et j'aime rêver que l’équipe de France féminine devienne championne du monde avec Marinette à ses commandes”.
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