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Quel effet aura la crise du coronavirus sur les rachats des clubs français par les investisseurs étrangers ?

Dans l’actualité récente, les annonces de rachat de clubs professionnels français, dans le football en particulier mais aussi dans le rugby, sont nombreuses. Mais face aux difficultés financières que subissent les clubs suite à la crise du coronavirus, il est possible selon des spécialistes en économie du sport, que de nombreux clubs soient à vendre prochainement. Malheureusement, en face, les potentiels acheteurs pourraient ne pas se bousculer au portillon.
Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
  (ALEXANDRE MARCHI, /NCY / MAXPPP)

Ces dernières semaines, ils ont été nombreux à annoncer le potentiel rachat de leur club ou à tenir informé de l’état du dossier. Certains rachats ont été actés, comme Bordeaux il y a déjà un an et demi, d’autres sont en cours de rachat mais les procédures stagnent comme à Toulouse, à Troyes ou à Nancy. D’autres, enfin, ne sont qu’au stade de rumeurs, comme l’OM, où les bruits courent qu’un milliardaire saoudien serait intéressé. Si le foot est largement convoité par les investisseurs étrangers, le rugby aussi, dans une moindre mesure, intéresse les fortunes étrangères. Après le rachat du Stade Français par l’homme d’affaires allemand Hans-Peter Wild il y a trois ans, Béziers pourrait également passer sous pavillon étranger, puisque des investisseurs des émiratis ont fait connaître leur intérêt. 

Mais alors que la pandémie du coronavirus a tout bousculé sur son passage, quelles seront les conséquences d’une telle crise sur les rachats de clubs ? La situation économique de la France s’est considérablement fragilisée, et les clubs professionnels français ne sont pas épargnés. Surtout, beaucoup d’entre eux étaient déjà en difficultés financières avant le covid-19. La crise sanitaire n'a fait qu'accentuer leur fragilité financière.

De mauvaises situations financières
accentuées par la crise du covid

Alors verrons-nous se multiplier les rachats des clubs français dans les prochains mois ? La réponse n’est pas si simple. “Le covid peut avoir un effet dans le sens où de nombreux clubs français vont perdre de l'argent, et vont être en déficit. S’ils le sont de manière générale, cela sera pire cette année. Même s'ils ont un peu été aidés par des aménagements fiscaux notamment, ce n’est pas suffisant”, souligne Jean-François Brocard, maître de conférences en sciences économiques à l’Université de Limoges, et chercheur au Centre de droit et d'économie du sport (CDES). 

“De plus en plus de clubs vont chercher à vendre mais ce n'est pas pour autant que les deals vont se faire” 

Une situation financière qui peut donc amener de nombreux clubs à vouloir vendre. “Le sport professionnel est structurellement déficitaire que ce soit le foot, le basket ou le rugby. Donc il faut quelqu'un qui puisse remettre au pot régulièrement. Or si l'activité principale de l'actionnaire décline compte-tenu de la crise, il aura donc plus de mal à renflouer les caisses. Ainsi, la crise du covid va augmenter la nécessité de certains clubs à vouloir vendre”, analyse Mickaël Terrien, maître de conférence en économie du sport à l'Université de Lille.

Plus de clubs sur le marché donc mais pour quel(s) investisseur(s) ? Car la crise n’a épargné personne. “De plus en plus de clubs vont chercher à vendre mais ce n'est pas pour autant que les deals vont se faire. On le voit : quand un club est vraiment en difficultés financières, les accords traînent à se concrétiser”, précise le spécialiste. Et si beaucoup veulent racheter, ajoute le maître de conférence, ils sont peu nombreux à trouver les financements nécessaires. D’autant plus qu’ils doivent compter dans l'addition le coût supplémentaire pour faire face à la crise. Ce qui pourrait en décourager plus d’un. 

“Ce n’est pas impossible que quelques clubs soient à vendre. Toulouse l’est déjà, la situation des Girondins n’est pas très bonne, à Saint-Etienne on sait que c'est compliqué, Monaco perd beaucoup d'argent, et à Lille, on ne sait pas si ça va tenir longtemps. Les modèles économiques de certains clubs sont un peu fragiles, et le sont encore plus avec la crise”, développe Jean-François Brocard, chercheur au Centre de droit et d'économie du sport (CDES). Et il ajoute : “Vendre un club aujourd’hui, c’est vendre au mauvais moment, même si c'est rare de vendre quand tout va bien. Aujourd’hui, nous avons plutôt des clubs qui vont mal, donc forcément, on les vend moins bien, parce qu’il n’y a pas beaucoup d'actifs de joueurs et peu d'acheteurs en face.” 

Des prix à la baisse ?

S’il est encore trop tôt pour le dire, il est aussi possible que les prix des clubs baissent, toujours suite aux conséquences de la crise sanitaire du covid. “On a vu augmenter le prix de rachat des clubs suite à l’explosion des droits tv et des indemnités de transfert", souligne Mickaël Terrien. "Avec la crise actuelle, il ne serait pas surprenant que ces prix de rachat baissent. D’abord, parce que les indemnités de transferts vont diminuer, tout comme le nombre de transferts. Ensuite, parce que les clubs se rendent comptent qu’ils ont accepté les modalités de Médiapro dans les nouveaux droits TV sans garantie financière, et cela pourrait inquiéter les potentiels acheteurs.”

Beaucoup de bruits, mais peu d’affaires conclues

Mais si les annonces de rachats sont nombreuses, les négociations allant à leur terme le sont beaucoup moins. Des effets d’annonces largement véhiculés, mais qui n’aboutissent que trop peu souvent. “Il y a beaucoup de bruit de rachat mais dans les faits, ils ont rarement lieu", constate Mickaël Terrien, maître de conférence en économie du sport à l'Université de Lille. "D’ailleurs, nous verrons avec le club de Béziers. Actuellement, aucun nom n’a filtré sur l’acheteur, ce qui me laisse penser que la partie est mal engagée.” Selon lui, les effets d’annonce sont donc à nuancer. “La seule véritable vague de rachat que l'on a constatée dans le football professionnel français était lors de la saison 2016-2017, où il y a eu sept rachats. Sinon la tendance est assez stable, avec 2,4 rachats par an. Finalement, il y a très peu de rachats qui ont eu lieu dans le milieu professionnel.” 

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