Quelles mesures pour les clubs au moment du déconfinement ? Entretien avec Philippe Kuentz
Est-ce difficile de penser à la reprise des championnats ?
Philippe Kuentz : "Le football est presque secondaire, il faut se concentrer sur une question prioritaire : continuer à être solidaire. Nous devons rester à la maison tout en continuant à suivre toutes les recommandations. Ceci étant dit, cela ne nous empêche pas de réfléchir pour la suite. C’est important d’avoir des idées, les plus claires possibles sur comment va se passer la reprise le jour où le gouvernement dit feu vert : déconfinement ! Comment ça va se dérouler ? Est-ce qu’il y a des priorités ? Est-ce qu’il y a des zones géographiques ? Est-ce qu’il y a des vagues de déconfinement qui vont être autorisées ? Est-ce qu’il y a des catégories d’âges ou d’autres réflexions qui vont entrer dans la discussion ? C’est toute la difficulté."
"il va falloir faire des tests à l’arrivée, prendre la température de tout le monde"
Quelles seront les premières mesures médicales à prendre en cas de reprise ?
P.K: "L’approche tournera d’abord autour d’examens cliniques. Cela se concentrera sur l’arrivée des joueurs au club, dans le centre d’entraînement. C’est l’accueil de ces joueurs qui doit être au centre de toutes les attentions, on doit de suite avoir une idée très précise de leur situation à chacun. On ne va pas accueillir de la même façon un joueur qui a été touché et un autre qui n’a pas été infecté ou susceptible d’être contaminé par le Covid-19. Donc il va falloir faire des tests à l’arrivée, prendre la température de tout le monde. Essayez d’avoir une cartographie complète des personnes qui vont se croiser parce que ça reste un microcosme. A partir de là, on va pouvoir élaborer des stratégies de reprises, faire des groupes et préserver les uns et les autres. Rien ne serait pire que de reprendre en ayant un cluster (NDLR : un groupe d’individus contaminés)."
"il faut prévoir des zones dans lesquelles on ne se croise pas"
Cela passera donc par un dépistage systématique ?
P.K : "Je crois qu’on ne va pas pouvoir s’en passer. On ne va pas prendre le risque qu’un joueur contaminé rentre dans le groupe et contamine ceux qui ne l’étaient pas. Et qui risque également lors d’un match, de contaminer des joueurs du club adverse. Ce sont des questions qui nous préoccupent. Il y a beaucoup de réflexions qui sont en cours sur ces aspects-là."
Les infrastructures devront-elles être décontaminées ?
P.K : "Absolument. Il faut réorganiser tout ça. Il faut prévoir des zones dans lesquelles on ne se croise pas. Il faut prévoir, bien sûr, ces examens dans l’idée que les joueurs doivent arriver à l’extérieur de la structure, dans des laboratoires. Et ce n’est qu’après avoir eu des résultats et une visibilité qu’on pourra petit à petit organiser la vie dans le club."
Que la saison reprenne ou pas, comment va-t-on aborder la préparation physique ?
P.K : "C’est une autre situation. Une fois que tout le monde est rentré, il s’agit de reprendre les entraînements. Quelles sont les conditions de reprise ? Le niveau d’entraînement proposé ? Combien de temps doit-on faire un réentraînement après un tel arrêt. On peut dire que cela dépend de la durée de l’arrêt. Plus le temps du confinement est long, plus le temps de retrouver les automatismes sera long. Il y a une possibilité que les clubs jouent deux fois par semaine pour rattraper le temps perdu."
"on peut aller très bien pendant le confinement et connaître un contrecoup psychologique quelques semaines plus tard"
Quelles sont les dispositions qu’il faut prendre à l’heure actuelle ?
P.K : "Pour les joueurs, c’est clair : on suit les consignes. On essaye, si c’est possible, de garder un minimum d’activité. Je crois qu’il faut faire attention à l’alimentation vu qu’il y a moins d’énergie dépensée. Les footballeurs doivent faire attention au sommeil et à gérer le stress. On a tendance à être beaucoup sur les écrans et les téléphones, il faut être vigilant."
Il faudra enfin penser aux souffrances psychologiques à évaluer...
P.K : "Oui, c’est quelque chose de très important. Dans l’urgence, on n’en parle pas trop. Mais c’est effectivement un souci que nous connaissons et que nous avons vécu avec d’autres épidémies comme la grippe aviaire. Nous avons conscience qu’il y a une souffrance qui s’installe et qui touche les gens les plus fragiles. Nous savons qu’elle va être proportionnelle à des critères comme la durée du confinement, l’information qui est donnée ou les contre-informations. C’est cet ensemble qui jette un trouble et il peut y avoir des syndromes post-traumatiques à distance. Là c’est un autre souci : on peut aller très bien pendant le confinement et connaître un contrecoup psychologique quelques semaines plus tard."
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