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Quentin Bigot : marteau de son sport

On aurait tendance à l’oublier mais Quentin Bigot est avec Pascal Martinot-Lagarde le seul athlète français qui a brillé sur la piste de Doha en octobre dernier. En cette année «normalement» olympique, le vice-champion du monde en titre n’a pu se préparer normalement. Lundi dernier il a enfin retiré son marteau du clou, ça fait du bien de dérouiller la machine.
Article rédigé par franceinfo
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  (DYLAN MARTINEZ / X00177)

Pendant cette parenthèse pas vraiment enchantée, la vie ne s’est pas totalement arrêtée au Stade Dezavelle : "Les arbres au fond du terrain ont poussé et la tribune en construction du stade du FC Metz a bien avancé". Quentin Bigot a repris les choses en main, "des marteaux plus légers de 5 et 6 kilos pour retrouver le feeling sans risquer de se blesser. Ça fait du bien de retrouver un cadre un peu plus professionnel". Deux mois et demi que lui et son coach n’avaient plus mis les pieds sur leur terrain de jeu préféré.

"Avec Pierre-Jean Vazel, mon entraîneur on s’est dit qu’on était en jachère, d’une certaine manière, ça permettait de se régénérer car depuis 2016, date de mon retour à la compétition, je ne m’étais pas vraiment mis au vert". Quentin Bigot a la sagesse des lanceurs. Celui que l’on catalogue volontiers dans la catégorie "gros nounours" a un pourtant un caractère aussi trempé que l’acier de son engin qu’il lance à près de 80 mètres. Pendant la crise sanitaire - encore plus que d’habitude - il a fallu se débrouiller. "Le stade était fermé, je m’entends bien avec la ville de Metz mais je ne pouvais pas y aller, j’ai envoyé un mail, ils ne m’ont pas répondu pourtant j’avais la clé, ça m’a un petit peu déçu. Bon maintenant ça s’arrange depuis le 1er juin, je peux me réentrainer".

Comme un lion sans cage

Entre-temps, il est allé faire des moulinets dans l’ancien champ de moutons de ses grands-parents : "J’y avais coulé une dalle de béton il y a quelques années avec mon père, mais ça change pas mal de choses. Il n’y a pas de repères visuels, pas de grilles autour de toi, c’est un peu comme un nageur qui aurait perdu ses lignes d’eau et qui allait s’entraîner en mer". Quentin Bigot est comme un lion sans cage, le perfectionniste s’approprie donc de nouveaux espaces pour travailler sa gestuelle. 4 tours et demi sur un plateau de fortune, près de 30 lancers par séance, le prix à payer pour envoyer sa sphère cylindrique de 7 kilos 250 le plus loin possible. Le champion cultive son côté nature avant que des petites bêtes ne viennent perturber ses tocs de lanceur : "Au début ça allait et très vite, j’avais 4/5 tiques sur moi quand je rentrais de l’entraînement. Comme le champ n’était pas loin des bois, il y avait un risque d’attraper la maladie de Lyme du coup, je n’allais plus m’entraîner qu’une fois par semaine et je me couvrais des pieds à la tête pour me protéger".

 

Des plaisirs simples

Le garçon est à l’image de sa discipline, humble et discret. Alors que certains sprinters peuvent amasser des milliers d’euros dans les meetings, lui travaille pour gagner sa vie. Pas une contrainte. Conduire des trains de frêt lui permet d’assouvir sa deuxième passion, façon agréable de prévoir l’avenir afin de ne pas se retrouver sur une voie de garage. Ça tombe bien, le sien est encore rempli de matériel de musculation qu’il a pu rapatrier dans sa voiture juste avant le confinement. Il avoue avoir perdu du poids pendant cette période, bonheurs de la vie, sa compagne elle en a pris pour la plus belle des raisons "Nous attendons notre premier enfant, c’est pour décembre… " On le sent heureux et ému, pas besoin d’en rajouter. Ce qu’il y a de bien avec la pudeur, c’est que tout est dans le non-dit.

Reprise surprise

Normalement, il devrait reprendre la compétition fin août du côté de Budapest, avant la Coupe de France début septembre et les championnats de France dans la foulée à Albi. Mais ça, c’est en théorie : "Le plus dur finalement est de ne pas savoir quand on va reprendre. Ca serait bien de pouvoir quand même jauger son niveau. J’ai perdu de la masse graisseuse et également de la force, mais je sais qu’en trois semaines je peux récupérer très vite. Ce qui est dur, c’est de rester dans sa bulle. Dans un premier temps, on nous a dit qu’on annulait le stage en Afrique du Sud, puis qu’il n’y aurait peut-être pas les JO, qu’ils étaient repoussés d’une année et ensuite on supprime les championnats d’Europe de Paris. Ne pas connaître la date butoir, c’était plus compliqué pour moi que pendant ma suspension (Ndlr : il a été suspendu deux ans entre 2014 et 2016 suite à un contrôle positif aux stéroïdes anabolisants) Là au moins, je savais quand j’allais reprendre. Même si ce n’était pas pour les mêmes raisons, ça a eu les mêmes conséquences. Avec du recul, ne pas faire de compétitions pendant ces 2 années, ça m’a peut-être servi à gérer cette période, je vois pas mal d’athlètes qui sont pas désemparés aujourd’hui".

Se servir de ses erreurs pour relativiser, grandir et transmettre, le nouveau leitmotiv de Quentin Bigot. Le lanceur a déjà programmé son plan de route pour les trois prochaines années : Jeux de Tokyo en 2021, Mondiaux en 2022 et 2023 et JO de Paris. Le champion de 27 ans a accroché le bon wagon l’année dernière, pas question de s’arrêter en si bon chemin.

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