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Qui sont les supporters de football féminin?

Onze millions de téléspectateurs pour le premier match des Bleues dans cette Coupe du Monde. Dix millions pour leur deuxième prestation. Il y a quatre ans, l’audience de leur premier match en Coupe du Monde face à l’Angleterre atteignait péniblement les 1,5 million de téléspectateurs, alors qu’il était également diffusé par une grande chaîne nationale. D’où viennent ces millions de nouveaux suiveurs ? Qui regarde le football féminin aujourd’hui ?
Article rédigé par Guillaume Poisson
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
 

"Nous avons voyagé longtemps, en famille pour venir voir ce Mondial" en famille. Giovani est ce qu’on pourrait appeler le stéréotype du supporter de football de Coupe du Monde. Venu tout droit de Los Angeles avec ses deux enfants, il va écumer les stades français pour soutenir son équipe, les Etats-Unis. Le tout dans cette fameuse « ambiance bon enfant », cette « atmosphère familiale » qui lui permet, à lui et à tant d’autres pères et mères de famille, de go leur progéniture de tribune en tribune sans craindre pour leur survie. Loin des insultes et des fumigènes des stades de foot ordinaires donc. Est-ce vraiment là les seules raisons pour lesquelles le million de spectateurs de la Coupe du Monde 2019 de football féminin se déplacent ? 

 

« Des gens qui veulent revivre l’émotion de la victoire de 2018 » 

D’après le sociologue et spécialiste du supporteurisme, Nicolas Hourcade, le public de ce mondial répond en effet aux canons des grandes compétitions internationales. « Il y a une très forte proximité entre le public d’une coupe du monde masculine et celui d’une coupe du monde féminine. Ce sont des supporters de tous âges, venus en famille, plus fair-play, moins engagés que ceux qui suivent régulièrement le foot » En réalité, même si les records d’affluence tombent les uns après les autres dans le football féminin, le noyau des suiveurs très réguliers reste réduit. « Ils sont quelques centaines, ou tout juste quelques milliers à être régulièrement dans le stade pour le foot féminin » estime Hourcade.

Pour autant, il ne faudrait pas sous-estimer l’effet Coupe du Monde 2019 que l’on vit actuellement. Les 11 millions de téléspectateurs devant le match d’ouverture sont loin d’être anodins. Il y avait deux fois moins de téléspectateurs devant le France-Turquie des garçons quelques jours après, soit un écart « exceptionnel », d’après Hourcade, en faveur des féminines. 

Et eux ne viennent pas seulement pour amener les enfants s’amuser devant un match. « La Coupe du Monde 2018 aura son effet sur la volonté des Français à aller soutenir les Bleues, analyse Hourcade. Une étude a démontré que les Allemands avaient suivi en masse la Coupe du Monde féminine en 2011 car ils avaient envie de revivre les émotions du parcours des garçons lors de la Coupe du Monde 2006. Les Français ont aimé vivre la finale et demi-finale de 2018. C’est cette communion collective particulière qu’ils ont envie de retrouver. Une bonne partie du public aura envie de revivre ça » 

Tout sauf les mecs 

Pour autant, il existe quelques irréductibles du foot féminin. Des passionnés de football qui, le plus souvent, se sont détachés de l’ambiance parfois tendue du football masculin pour se tourner vers celle des filles, qu’ils estiment plus inclusive et détendue. Dominique, membre de l’association France Ang’Elles, en fait partie. "Je ne rejette pas le foot masculin. Mais je ne me reconnaîtrais pas parmi les supporters de foot masculins. Ici (à France Ang’Elles) on cherche à éviter l’aspect identitaire et hostile. On se déplace et on essaye de nouer des relations avec les supporters adverses, à sympathiser. Ça c’est impossible chez les mecs"

  (MUSTAFA YALCIN / ANADOLU AGENCY)

Pour Nicolas Hourcade, il s’agit certes d’une minorité, mais qui existe bel et bien dans les stades : « Il y a effectivement une petite partie du public qui s’est détournée de l’ambiance du foot masculin. Certains se sont tournés vers d’autres sports comme le rugby ou le basket. D’autres, les grands passionnés de foot, se sont reportés sur le foot féminin » Mais les matches de filles sont-ils vraiment exempts de dérives de supporters ? 

Popularité et radicalité

Les ultras des clubs de football, pas les seuls responsables mais tout de même souvent à l’origine des dérives pointées du doigt par certains supporters, ne suivent traditionnellement pas le foot féminin. Mais depuis 2010, la donne change petit à petit. "A l’époque, les ultras du PSG ne pouvaient plus aller voir l’équipe masculine car ils étaient interdits de stade. Alors certains sont allés voir les matches de l’équipe féminine. Et ça leur a beaucoup plu" Résultat ? La sanction passée, un petit groupe d’ultras a pris l’habitude de venir soutenir l’équipe des filles.

Et cela a été de plus en plus le cas, à tel point qu’il y a eu quelques débordements lors du dernier match PSG-Lyon en championnat d’après plusieurs supporters. "La question qui se pose est claire : si le football féminin se développe, peut-il y avoir un soutien radical comme chez les hommes ?" se demande Hourcade. Dominique craint en tout cas de ne plus retrouver un jour ce qui fait aujourd’hui le sel du foot féminin : "Pour le moment l’ambiance est très cool, mais sur le long terme, je ne suis pas sûr qu’on puisse la préserver. Avec la médiatisation, certains supporters masculins vont venir, avec leur culture" Regrette-t-il pour autant le succès de la Coupe du Monde ? "Non, je souhaite vraiment que le foot féminin prospère. Quitte à ce que les stades perdent un peu de leur ambiance bon enfant"

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