Réfugiés, SDF, exclus... Ovale citoyen ne veut laisser personne sur la touche grâce au rugby
Le rugby est réputé pour être un sport de valeurs. Solidarité, entraide et esprit d’équipe sont les maitres mots de la discipline. Des principes qu’Ovale Citoyen a tenu à mettre au premier plan en créant une équipe réunissant des hommes et des femmes en difficulté issus de tous horizons. En plus de la pratique physique, le sport peut aussi jouer un rôle sociétal, selon cette association qui se charge de l’intégration sociale de ses bénéficiaires à travers le rugby.
L’importance d’un retour aux origines
Créé en 2018, ce projet est naturellement venu à l’esprit de Jean-François Puech et de ses deux co-fondateurs. Lassés par le système actuel mettant l’argent au centre de toutes démarches, les trois anciens rugbymans souhaitaient "rendre à la discipline ce qu’elle leur avait donné".
"Nous sommes trois anciens joueurs de rugby de village, une version dans laquelle tout le monde pouvait jouer quelque soit son origine sociale, son statut. Le rugby servait de lien social et d’intégrateur professionnel. On s’est demandés comment rendre au rugby ce qu’il nous avait donné", se souvient, le directeur d'Ovale Citoyen Jean-François Puech.
En faisant le tour des squats de Bordeaux, il s’est rendu compte que certains jeunes qui vivaient là avaient des physiques de rugbymans. L’idée est alors devenue concrète et les premiers bénéficiaires sont arrivés. Ils leur montrent des ballons et des vidéos de rugby. "Au premier entrainement, grande surprise, on se trouve avec 70 personnes", se souvient-il.
Le rugby pour favoriser l’intégration de chacun
Qu’ils soient demandeurs d’asiles, réfugiés, jeunes sortants du milieu carcéral ou encore SDF, ils peuvent tous bénéficier de l’aide de l’association qui mise sur l’importance d’une vraie mixité sociale et lutte contre l’exclusion.
"C’est une belle aventure et ce qu’on veut c’est redonner une image de dignité et de valeur humaine aux gens qui font du sport avec nous."
Si l’objectif principal à sa création était uniquement la pratique du rugby, Ovale Citoyen propose aujourd’hui son aide dans différents domaines pour gérer au mieux l’intégration de ses joueurs à la société. "Avec l’arrivée des premières problématiques, de santé, juridique ou de travail, on a essayé de pousser la roue un peu plus loin et on a mis en place des aides juridiques et administratives," explique "Jeff", comme le surnomment ses joueurs. Les matches joués peuvent également déboucher sur une proposition d’embauche. "Un entrepreneur du bâtiment contre qui on jouait nous a dit qu’il cherchait un maçon et qu’il était prêt à former un de nos joueurs… Ça a été notre première embauche." Depuis, elles n'ont pas cessé. En 2020, les efforts réalisés par les bénévoles et les joueurs ont permis 365 embauches dans différents milieux.
"Le sport nous permet aussi d’inculquer certaines valeurs comme le respect des horaires et de l’entraîneur, qui se retrouvent après dans le monde du travail."
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Le rugby pour apprendre le français
Si le rugby permet à certains de trouver un emploi, il est aussi utile pour l’apprentissage de la langue française. Actuellement, plus de 200 réfugiés font partie d’Ovale Citoyen. Afghans, Somaliens, Érythréens, Guinéens, Éthiopiens, nombreuses sont les personnes arrivant dans l’association sans maîtriser le français. Une difficulté de taille pour leur apprendre les règles du rugby, déjà peu accessibles. S’il n’y a pas de méthode particulière Jean-François Puech explique que la transmission de la langue se fait avant tout par l’humain. "Au début on n’est pas sur du rugby académique, mais presque sur du football américain. Le plus important c’est que le ballon vive. Il va aller devant, derrière, ils vont jouer au pied à la main et petit à petit on va introduire la première règle : le ballon il passe toujours derrière. Pour la langue, on se débrouille. En anglais, en français, en espagnol, on a des anciens joueurs afghans, donc tout se fait comme ça, de fil en aiguille."
Des cours de français sont mis en place mais sont parfois contraignants pour les réfugiés. Selon Seifeddine, réfugié soudanais de 26 ans, la pratique du rugby le motive dans son apprentissage de la langue : "J’ai encore beaucoup de mal à aller en cours, mais les entraînements sont en français et je dois comprendre tous les mots." Le rugby devient donc une détermination pour apprendre la langue de Molière. "Plus tu parleras français, meilleur tu seras sur le terrain", dit Puech à ses joueurs. Au total, 17 nationalités sont représentées dans l'équipe.
Un nouvel espoir pour les personnes en difficulté
Grâce aux actions d’Ovale Citoyen, de nombreuses personnes ont pu renouer avec les notions de groupe et de famille, qu’ils avaient perdues après avoir vécu des épreuves difficiles.
Membre depuis le premier confinement en mars 2020, Seifeddine a su trouver, au sein de cette équipe, une nouvelle famille et s'est créé un cadre de vie plus confortable. "J’ai trouvé une vraie famille. J’étais seul en France et maintenant j’ai des amis. J’ai un CDI dans une entreprise grâce à Ovale et ils m’ont trouvé un appartement en colocation avec un autre Soudanais."
C’est aussi le cas de Kamel Moudjeb, 29 ans et membre de l’association depuis août 2020. "Je sors d’un passé très lourd. J’ai fait quatre ans plein de prison (…) J’ai connu la galère et j’ai dormi dehors pendant un mois, puis j’ai entendu parler d’Ovale Citoyen. Jouer au rugby m’a permis d’évacuer le stress, de pouvoir mieux me concentrer sur moi-même. L’association m’a aidé à trouver du travail et un logement. Aujourd’hui j’ai réussi à m’en sortir grâce à eux."
Augmenter sa renommée pour aider encore plus de personnes
L’association compte de nombreux bénéficiaires venus de différents milieux. Pour se faire connaitre auprès des cibles, elle mise sur différents moyens de communication. Selon Jean-François Puech, "le bouche à oreille fonctionne très bien pour les demandeurs d’asile et réfugiés, qui viennent d’eux-mêmes". Pour les jeunes dans des situations précaires, l’information passe différemment. "Il faut aller dans les quartiers pour les chercher. Il faut se mettre au pied des tours, monter des animations et amener quelques joueurs un peu connus puis la dynamique s’enclenche."
De nombreuses personnalités font aussi partie de l’aventure. L’ancien joueur de rugby à XV, Raphaël Poulain et l’athlète olympique Maryse Ewanjé-Epée parrainent l’association. Patrick Serrière, directeur général du Racing 92 a lui aussi donné sa pierre à l’édifice. "Il nous a entendus une fois à la radio puis nous a appelés. On a signé avec le Racing et on a obtenu un entrainement à l’Arena avec Dimitri Szarzewski comme entraîneur", raconte Puech.
Quatre clubs de Top 14 partenaires
Depuis sa création le projet s’est bien développé. Aujourd’hui quatre clubs de Top 14 ont signé des partenariats permettant aux joueurs d’avoir accès à des terrains d’entrainement mais également à du matériel professionnel. "On n'a pas envie d’avoir un équipementier sportif, on préfère que ce soit les clubs ou les particuliers qui nous donnent leur vieil équipement. Ça permet aussi d’avoir une touche de développement durable", explique le directeur. Des partenariats visant également à l’intégration professionnelle à travers la création d’un Business Social Club, puisque "les clubs pro réservent un "quota" de job pour l’association".
"Aujourd’hui on vit des temps extrêmement compliqués. Les clubs, les ligues et les entreprises ont un vrai rôle sociétal à jouer. Il faut donner du sens au travail et grâce à ça, on essaie de lui en donner un peu."
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Presque trois ans après sa fondation, Ovale Citoyens compte plusieurs antennes dans différentes villes de France, Bordeaux, Paris, Nantes, Pau et Toulouse. L'essor de l'association permet d'aider de plus en plus de personnes dans le besoin. Aujourd'hui, plus de 300 joueurs font partie de ce projet leur ayant permis de goûter à une nouvelle vie.
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