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Reportage "Faire oublier leur quotidien" : quand la danse s'invite au service pédiatrique du CHU de Nancy

A l'occasion de la première édition de son "Dance Tour", l’association Premiers de cordées, qui propose gratuitement des initiations sportives aux enfants hospitalisés, a sillonné les services pédiatriques de France pour faire découvrir cette discipline. Reportage au CHU de Nancy, ville étape de cette tournée nationale.
Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 11min
L'association "Premiers de Cordée" a sillonné la France pour proposer une activité de danse à des enfants hospitalisés.

En ce mercredi d'automne, le soleil peine à percer au-dessus du CHU de Nancy (Meurthe-et-Moselle). Si le temps est grisonnant à l’extérieur, dès l’entrée du service pédiatrique de l’hôpital, l’ambiance y est tout de suite plus gaie. Des dessins d'enfants représentants des chats, chiens, enfants, fleurs, et clowns, animent les murs jaunes clairs de l’accueil. Dès le premier couloir, des petites affiches en papier informent de l’événement de la journée : le CHU reçoit l’équipe du "Dance Tour". Ce tour de France, organisé par l’association francilienne Premiers de Cordée, a pour objectif de faire découvrir la danse, et de manière plus générale, de proposer une activité physique à des enfants hospitalisés.

L’activité est animée par l’une des ambassadrices de l’association, la danseuse professionnelle Silvia Notargiacomo. Connue du grand public depuis sa participation au télé-crochet "Danse avec les Stars", elle a d’abord rejoint l’association en 2015 pour prêter main forte à Nathalie Péchalat, marraine de l’association, et qu’elle a rencontrée sur l’émission de TF1. Séduite par l’initiative, elle n’en est jamais repartie. Bien au contraire, elle est même devenue ambassadrice. "Peu importe l’âge, la pathologie, les différences de chacun, je suis une ambassadrice de la danse. J’aime enseigner la danse. C’est un projet de vie, et il n’y a pas de limite à l’apprentissage", souligne-t-elle. 

Même le personnel soignant veut suivre le cours de danse.

Première activité depuis le covid

L’activité est prévue dans une pièce de l’entresol du bâtiment hospitalier. Cette salle, réservée d’ordinaire aux dialyses, a été aménagée pour accueillir le fameux cours de danse. De grandes baies vitrées délimitent l’espace, et quelques rayons de soleil parviennent de temps à autre à se frayer un chemin, illuminant la pièce au sol en damier noir et orange. Au centre, Silvia Notargiacomo, pantalon de survêtement noir, tee-shirt bleu floqué "Premiers de Cordée", et ses longs cheveux bruns regroupés en queue de cheval, prend ses marques et s’installe avant le début de la séance. Puis, l’arrivée des enfants se fait timidement, presque sans bruit. S’ils sont curieux par cette activité, ils sont toutefois impressionnés. Depuis la crise sanitaire du coronavirus, c’est la première fois qu'ils peuvent vraiment sortir de leur chambre pour participer à une activité en groupe. 

Dès leur arrivée, Silvia Notargiacomo va à leur rencontre. "Ça fait bizarre de vous voir en dehors de la télé, j’ai suivi toutes les saisons de Danse avec les stars", indique timidement Laura* à la danseuse professionnelle faisant partie des championnes de danse de salon la plus titrée de sa génération. L’ado, toute de bleu vêtue, a déjà plusieurs années de danse derrière elle, mais jamais elle n’avait encore pris de cours avec une de ses idoles. "Vous avez déjà fait de la danse ?", demande Silvia Notargiacomo aux autres enfants devant elle. "Non", répond le groupe timidement, d'une même voix. Une soignante demande à une autre enfant, restée en retrait, si elle souhaitait participer au cours. Là encore, timide, la jeune fille refuse. "Mais si, c’est facile, tu verras", rétorque l'ambassadrice, tout sourire. Au total, elles sont sept entre 4 et 14 ans, à participer à l’activité. Elles ne viennent pas toutes du même service. Laura et Alice*, les deux adolescentes du groupe dépendent de la pédopsychiatrie, Kawther, 9 ans, est rattachée à la chirurgie viscérale, alors que Lilou et Lydie viennent de la médecine générale infantile. 

Silvia Notargiacomo, danseuse professionnelle et ambassadrice de l'association Premiers de Cordée.

S’adapter aux pathologies 

Avant de débuter son cours, Silvia Notargiacomo prend les derniers renseignements pratiques auprès des soignants. "Y-a-t-il des pathologies qui empêchent certains mouvements ? Ou dois-je éviter ou adapter certains pas de danse ?", interroge la professionnelle. Aucune restriction n’est signalée par l’équipe médicale. "Il ne faut pas faire le grand écart par contre", rétorque du tac au tac Lilou, 7 ans, une petite brune vêtue d'une robe en jeans et de converses noires, avec un regard malicieux et qui provoque l’hilarité de la salle. 

L’association a intégré la danse à son panel d’activités dans le cadre du programme "Sport à l’Hôpital" depuis 2019. Face aux bons retours de cette nouvelle discipline, testée pour la première fois dans des hôpitaux parisiens, l’association a ainsi décidé d’étendre ce projet au niveau national et de lancer son premier "Dance Tour". Initialement prévue en mars, l’initiative a été reportée à l’automne (du 17 septembre au 1er octobre) suite à la crise sanitaire du coronavirus. "Ce n’était pas évident d’intégrer la danse dans l’association car il fallait trouver le moyen de la mettre en place pour la rendre accessible à toutes les pathologies. D’habitude, je donne des cours pour une émission de télé donc c’est très différent. Avec les enfants, il faut être réactive et s’adapter rapidement", constate Silvia Notargiacomo. "Mais avec l’expérience, on apprend à adapter très vite les mouvements, les pas, en fonction de l’âge, des pathologies. J’ai toujours un panel de chorégraphies variées, avec plusieurs niveaux et styles de danse, que j’adapte ensuite en fonction des gens à qui je les apprends. Car je n’ai jamais le même groupe avec les mêmes pathologies."

Lydie, 5 ans, ne s'arrête plus de danser.

Une fois que les enfants ont pris place devant la professeure de danse, en respectant les mesures barrières liées au covid-19, Silvia Notargiacomo commence par un échauffement en douceur, puis détaille les pas de la première chorégraphie. Après quelques minutes, Lydie, petite fille de 5 ans, aux longs cheveux blonds tressés en deux nattes, a dû s’arrêter pour un petit soin auprès d’une infirmière. Même à l’arrêt, ne quittant pas des yeux Silvia Notargiacomo, elle continue de bouger en rythme en essayant de suivre la suite des mouvements à réaliser. De l’autre côté de la pièce, Kawther, 9 ans, a tenu quelques minutes debout mais a vite montré quelques signes de fatigue. Rapidement, elle a dû se rasseoir sur son fauteuil roulant mais pas question pour autant de s’arrêter de danser. La jeune fille continue alors d’effectuer les mouvements du haut du corps, toujours en rythme. Un soignant s’est d’ailleurs positionné derrière elle pour faire bouger son fauteuil en suivant la chorégraphe. 

"Je suis heureuse de voir les enfants s’amuser, prendre du plaisir, se désinhiber, et oublier un temps leur quotidien. "

Pour enseigner les pas de danse à ses élèves du jour, Silvia Notargiacomo use de petites astuces ludiques. "On lève les bras pour attraper le bonheur", détaille la danseuse professionnelle en levant ses bras au-dessus de sa tête pour les ramener ensuite vers son buste. Pour Kawther qui a retrouvé son fauteuil, elle prend le temps d’adapter chaque mouvement pour que celle-ci puisse suivre le groupe. "Vous êtes géniaux", félicite l'ancienne championne de France en danses latino-américaines, en observant les enfants.

Kawther, 9 ans, ne rate pas une miette de la chorégraphie. Silvia Notargiacomo adapte les pas de danse pour qu'elle puisse suivre.

Les chorégraphies s’enchaînent notamment au rythme de "Shake it off" de Taylor Swift et de "Savage Love" de Jason Derulo. Au total sur l’ensemble de l'après-midi, Silvia Notargiacomo leur a appris trois chorégraphies complètes. "Je suis heureuse de voir les enfants s’amuser, prendre du plaisir, se désinhiber, et oublier un temps leur quotidien. Si on peut leur apporter un moment de joie et d’amusement, c’est le but. Ça me tient à coeur", confie l’ambassadrice. "Quand je sors d’une journée avec l’association, je suis vidée car ça demande beaucoup d’énergie, mais je me sens aussi remplie, car les enfants nous redonne beaucoup d’amour et de joie", indique-t-elle encore. 

Retrouver une place d’enfant

"La danse est une activité d’expression, et c’est très intéressant de travailler là-dessus, et notamment de voir si les enfants se libèrent de leur timidité après ce cours. C’est très intéressant aussi de voir comment les enfants en pédopsychiatrie réagissent à ce genre d’activité, qui est essentiel, car les enfants, de manière générale, ont besoin de bouger. Avec cette activité, ils retrouvent également une place d’enfant, des moments de jeu, ce qui est primordial", explique Samuel Pacheco, salarié de l’Association pour la promotion du sport chez les enfants malades (APSEM) et qui a fait le lien entre l’hôpital et l’association.

Nancy n’est pas la seule ville à accueillir cette association. Le "Dance Tour " a aussi rendu visite à dix autres villes de France sur deux semaines. En plus de Silvia Notargiacomo, Christophe Licata et Gabin Giband, tous deux également issus de l’émission "Danse avec les stars", se sont relayées pour jouer les coachs sur les différentes étapes de cette tournée.

 

Le temps d’une après-midi, les quelques participants ont oublié leur quotidien, les traitements et leur statut de patient pour redevenir des enfants. A la fin de la séance, le sourire est présent sur chaque visage, sans exception. "C’était trop bien", se réjouit Lilou, 7 ans. "Ce fut vraiment très bénéfique pour nous aussi en tant qu’intervenant car certaines filles qui étaient un peu réticentes à pratiquer une activité physique ont finalement demandé à avoir sport suite à cette après-midi", se félicite Samuel Pacheco. "Le sport à l’hôpital rebooste les enfants, et le mental joue beaucoup dans le protocole de soin", précise Julie Garcia, chargée de mission pour Premiers de Cordée depuis 3 ans. 

"Pourquoi c’est déjà fini ?", demande tristement Sofia, 4 ans, benjamine du groupe, qui ne comprend pas pourquoi tout s’arrête en si bon rythme. Un moment de parenthèse passé trop vite, mais qui aura fait disparaître la routine du quotidien et aura remis un peu de gaieté dans le service pédiatrique après des mois peu ordinaires suite à la crise sanitaire.

*Le prénom a été changé.

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