Reportage Le trail des Templiers, dans l’Aveyron : là où l’histoire du trail a démarré en France

Le Grand trail des Templiers a lieu dimanche dans l’Aveyron. Il fête cette année son 30e anniversaire et il est considéré comme le premier trail à avoir été organisé en France, sur une idée venue des Etats-Unis.
Article rédigé par Jérôme Val
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Les chemins dans le plateau du Larzac sont réputés très techniques pour les coureurs (JEROME VAL / RADIO FRANCE)

Le Causse noir et le plateau du Larzac comme terrain de jeu : des milliers de coureurs sont rassemblés à Millau (Aveyron) tout le week-end des 19 et 20 octobre, pour l’un des rendez-vous les plus emblématiques du trail en France. En trois jours, 13 courses sont organisées pour tous les goûts, elles rassemblent 11 000 participants. Et pour les épreuves les plus symboliques, c’est le même rituel : départ dans la nuit noire éclairée par une lune bien ronde, la lampe frontale comme seul guide et cette année, quelques gouttes de pluie comme compagnes sur les chemins.

"C’est la première fois que je viens ici, raconte Quentin au moment de retirer son dossard. C’est une course de renom et on a l’occasion de la faire cette année, je suis heureux." Spécialement venu de Lille, il ne sera pas seul : sa compagne Maud, qui était déjà venue en 2019, est aussi inscrite. "J’avais vu que c’était un trail pionnier en France, se réjouit la jeune femme. Ça se ressent dans l’organisation, tout est bien cadré. On sent qu’il y a presque 30 ans de courses derrière."

L’aventure a démarré le dimanche 29 octobre 1995. À l’époque il n’y avait qu’une seule course, qui allait très vite devenir la référence. Le couple qui en a eu l’idée, c’est Odile Baudrier et Gilles Bertrand, anciens journalistes spécialisés dans les courses à pied. Tout est parti d’un voyage aux Etats-Unis. "Les trails américains utilisaient beaucoup les sentiers historiques des pionniers qui partaient généralement de l’est vers l’ouest, se souvient Gilles Bertrand. Ça m’avait inspiré et on a repris l’idée ici de greffer une histoire. C’était facile puisqu’on a les cités templières moyenâgeuses, très belles. Il y a un côté très patrimoine."

Objectif : se différencier du marathon

La première édition voit le jour à Sainte-Eulalie-de-Cernon : 500 coureurs à l’époque et une organisation encore très artisanale. "C’était assez dépouillé et organisé à l’ancienne, sourit Gilles Bertrand. Les banderoles étaient mal positionnées. Quand on voit les photos de l’époque, les coureurs étaient habillés bizarrement, très mal chaussés. On avait voulu créer une épreuve qui tranchait beaucoup avec le marathon."

L’univers du marathon que connaissait bien le premier vainqueur : Patrick Renard reçoit comme trophée une faîtière de toit surmonté d’un oiseau, création d’un artiste local. Il franchit la ligne après 5 heures et 35 minutes d’efforts sur les chemins difficiles des causses (72,6 km). "Un ami marathonien me dit : j’ai entendu parler d’une course vers Millau, ça va te plaire, c’est un cross long, s’amuse aujourd’hui Patrick Renard. J’ai débarqué à Sainte-Eulalie-de-Cernon en ne sachant ni la distance, ni rien du tout, avec mes chaussures de route, mon envie et c’est tout. Je ne savais pas ce qu’était un trail."

Patrick Renard, premier vainqueur des Templiers en 1995, pose devant sa photo de l'époque. Octobre 2024 (JEROME VAL / RADIO FRANCE)

Depuis, le Grand trail des Templiers a fait des petits partout en France dont le fameux UTMB au Mont-Blanc. "Réunir 500 personnes en l’espace de quelques mois pour la première édition, on trouvait que c’était beaucoup, se remémore Odile Baudrier, la co-créatrice du trail aveyronnais. On a vu que les gens étaient preneurs mais de là à prédire ce que c’est actuellement, certainement pas !"

Car c’est un véritable phénomène : 2 500 épreuves organisées chaque année en France, des amateurs par dizaines de milliers, un marché florissant de la chaussure et des équipements. "On a actuellement 5 000 personnes en liste d’attente et depuis cinq ans, on ne progresse plus en termes de jauge, développe Odile Baudrier, la co-créatrice du trail aveyronnais. Ces 11 000 participants sur quatre jours, c’est le maximum en termes de qualité d’organisation et d’accueil parce qu’on est dans une ville (Millau) de 22 000 habitants seulement."

"Ce chiffre est aussi lié à la prise en compte des contraintes environnementales pour ne pas amener trop de monde sur les sentiers."

Odile Baudrier, co-créatrice du Trail des Templiers

à franceinfo

Même si ce phénomène de masse ne fait pas que des heureux, le trail et sa version ultra se professionnalise de plus en plus, avec des coureurs qui arrivent à vivre de leur sport à côté d’amateurs qui se font plaisir. "On n’arrête pas de se plaindre, on trouve qu’il y a trop de monde à Chamonix ou pas assez ici, se désole Thierry Breuil, vainqueur des Templiers en 2009 et aujourd’hui manager d’une équipe de 18 coureurs (Kiprun). On fait un sport magnifique, on court dans des chemins. Si on descend dans une chèvrerie, elle est aujourd’hui en ruines mais dans le temps, il y a eu une histoire de gens qui ont travaillé là. Nous on a la chance de suivre le cheminement d’un organisateur qui veut nous montrer les plus beaux endroits de sa région."

Et c’est l’une des clés du succès actuel du trail. "Le basculement de la route vers le trail s’est fait très rapidement parce que les gens ont ce besoin de nature et de plein air, confirme Patrick Renard, également entraîneur d’une équipe (Altore). C’est une autre ambiance."

Dimanche, ils seront encore 2 700 à cravacher dans les causses calcaires de l’Aveyron : 80 km pour plus de 3 400m de dénivelé positif !

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