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Reportage Port du masque, distanciation... La reprise contraignante des cours d'EPS dans un collège de Saône-et-Loire

Plus de douze millions d'élèves ont fait leur rentrée le 1er septembre. Une rentrée, tout sauf ordinaire, marquée par un protocole sanitaire peu évident à faire respecter aux élèves, notamment lors des cours d’éducation physique et sportive (EPS). Au collège de la Châtaigneraie à Autun, en Saône-et-Loire, les enseignants d’EPS se sont adaptés à cette nouvelle façon de faire cours, mais craignent que la pratique physique n’aille pas au terme de l’année si la situation sanitaire continue de se dégrader.
Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 16min
Les élèves de la 4°1 du collège de la Châtaigneraie, à Autun (Saône-et-Loire), s'échauffent avant de débuter les exercices de demi-fond. Ils poseront le masque après l'échauffement, pendant l'activité physique plus intense.

Ce vendredi matin, une lumière douce traverse les grandes fenêtres du gymnase de la Châtaigneraie. Il est à peine 9 heures et les premiers cours de la journée ont débuté dans ce collège de moins de 300 élèves, situé à Autun (Saône-et-Loire), aux portes du Parc régional du Morvan.

Quatre jours après la rentrée des classes, les 20 élèves de la 5°3 assistent à leur premier cours d’EPS de l’année. Assis en demi-cercle devant leur professeure de sport, Alexandra Martin, les adolescents sont tous masqués et plus ou moins espacés. Ils écoutent attentivement la présentation du programme de l’année ainsi que les désormais nouvelles consignes à respecter afin de limiter la propagation du coronavirus. Le premier nouveau rituel a même eu lieu avant l’entrée au gymnase. Les enseignants, désormais toujours accompagnés de leur bidon de gel hydroalcoolique, doivent distribuer une noisette de cette solution à tous les élèves avant l’accès au gymnase, ainsi qu’à la fin de la séance de sport.

“Dans une salle de classe, on voit assez rapidement qui n’a pas son masque mais en EPS, c'est différent, les élèves bougent partout dans des espaces plus grands” 

Autre consigne, et non des moindres, le port du masque. D’après une note du ministère de l’Education nationale, intitulée "Rentrée scolaire 2020 : repères pour la reprise de l’Education physique et sportive en contexte covid", “le port du masque est obligatoire pour les personnels comme pour les lycéens et collégiens dans tous les temps scolaires hors activité physique, en tous lieux (gymnase ou espaces extérieurs). En revanche, le port du masque n’est pas possible lors de la pratique physique. Il est alors important de faire respecter par les élèves la distanciation physique”. Une nouvelle règle qu’il n’est pas toujours facile de faire respecter à la lettre en cours d’EPS. “Dans une salle de classe, on voit assez rapidement qui n’a pas son masque mais en EPS, les élèves bougent partout dans des espaces plus grands, c’est donc plus difficile à surveiller”, relève Carine Largy, enseignante d’EPS au collège.  

Les élèves de la 5°3 du collège de la châtaigneraie à Autun débutent leur premier cours de badminton.

“C’est mon premier cours avec cette classe. Je vais donc observer comment ils se comportent avec les consignes sanitaires et si je vois qu’ils les respectent bien, j’assouplirai peut-être certaines d’entre elles”, imagine Alexandra Martin pour les prochains cours avec les 5°3. Mais pour leur premier cours de badminton, ils gardent le masque pendant leur échauffement et lors de leur premier exercice de l’année, qui s’effectue en douceur pour la reprise. “C’est difficile de respirer avec le masque toute la journée. Pendant l’échauffement en EPS, j’ai dû m’arrêter alors que d’habitude je n’en ai pas besoin”, note Antonin, 13 ans, essoufflé après son échauffement.  

Si les autres années les élèves pouvaient s’échanger les raquettes, en cette rentrée 2020, Covid oblige, chacun doit garder la sienne jusqu’à la fin du cours. Ce n’est qu’à la fin de la séance que les élèves peuvent les poser sur le porte raquette, afin que l’enseignant les désinfecte une par une après chaque utilisation, ainsi que les volants.

Une rentrée tout sauf ordinaire 

La désinfection, le masque, les distances physiques, cette rentrée 2020 est tout sauf ordinaire. Alors, pour faire face à ce contexte particulier, le mot d’ordre de cette rentrée est l’adaptation. D’abord dans le choix des activités sportives sélectionnées pour l’année. Les professeurs de sport du collège autunois ont fait en sorte d’avoir le plus d’activités possible en plein air et individuelles, les sports collectifs ayant été mis de côté cette année. Seuls le volley et l’ultimate (sport par équipe qui se joue avec un frisbee, ndlr), seront de la partie pour les classes de 5e par exemple, étant donné que les élèves n’auront théoriquement pas de contact entre eux lors de ces pratiques. “Pour le moment, le volley est toujours au programme. Le ballon est désinfecté régulièrement. Les élèves doivent se désinfecter les mains avant et après la séance. Si la situation s’aggrave, on avisera sur le maintien ou non de cette discipline”, précise Alexandra Martin.  

A la fin de la séance, l'enseignante distribue du gel hydroalcoolique à ses élèves.

Même refrain pour la gymnastique. “Nous ne savons pas si on la maintiendra jusqu’au bout, tout dépendra de l’évolution de la situation sanitaire, car il est difficile de désinfecter tout le matériel nécessaire pour ce sport. C’est pourquoi nous avons décidé de la mettre en fin de l’année en espérant que les contraintes s’assouplissent”, poursuit Alexandra Martin. Pour remplacer ce cycle en cas de contraintes, elle a d’ailleurs déjà pensé à quelques options de secours comme le renforcement musculaire, la zumba ou le yoga. Pour elle, en plus de cette adaptation constante, le plus dur avec ces nouvelles consignes, est la limitation des activités et la désinfection fréquente du matériel, qui est à leur charge.

L'enseignante, Alexandra Martin, désinfecte toutes les raquettes après la séance.

Comme tous les enseignants, les professeurs d’EPS doivent porter le masque pendant leurs cours et plus largement dans l’enceinte du collège. Une nouvelle habitude à prendre. “Avec le masque, on est obligé de parler plus fort. Hier, après avoir parlé pendant plusieurs minutes devant les élèves, j’avais du mal à respirer. Je me suis écartée d’eux et j’ai enlevé mon masque pour reprendre ma respiration", explique Carine Largy. “En hiver, quand nous serons dans le gymnase, entre la résonance de l’enceinte et le chauffage assez bruyant, je pense qu’il sera difficile de se faire entendre”, note-elle. 

Trucs et astuces  

Face aux diverses consignes, les enseignants autunois imaginent aussi des astuces pour faciliter leur nouveau quotidien. Ils ont par exemple eu l’idée de demander à leurs élèves d’apporter dès cette semaine une épingle à linge nominative pour attacher leur masque au filet des cages de foot pendant l’activité physique. Une manière de ne pas perdre le masque, ou de le laisser dans les poches des survêtements et de le manipuler dans tous les sens avant de le remettre lors des pauses.

Au quatrième jour de la reprise, les bonnes habitudes sont loin d’être adoptées par tous. Les professeurs doivent rappeler sans cesse leurs élèves à l’ordre, peu importe le niveau, notamment sur le port du masque, trop souvent retirés ou portés au-dessous de la bouche ou du nez. Il en est de même avec le respect des distanciations physiques, difficiles à respecter pour les élèves, si heureux de se retrouver dans l’enceinte du collège après une fin d'année scolaire inédite. “On veut que les cours d’EPS restent un moment de convivialité, mais comme on doit sans cesse les rappeler à l’ordre sur le port du masque et les gestes barrières, on perd un peu cette idée-là”, confie Alexandra Martin, qui craint que la pratique des cours d’EPS n’aille pas à son terme. “On a peur que, si la situation continue de s’aggraver, la pratique physique soit de nouveau arrêtée.” 

Consignes laissées à l’appréciation 

Il est 10h00, Carine Largy, autre enseignante d’EPS au collège, prend en charge ses élèves, les 4°1, pour le deuxième créneau de la matinée. Les 27 élèves reprennent l’EPS avec pour première activité le demi-fond. Bien que ce dernier se pratique en extérieur, le port du masque est obligatoire en dehors de la course, et les élèves doivent, là encore, se désinfecter les mains avant et après l'effort. “Le masque est devenu une habitude, mais ce n’est pas agréable au quotidien. C’est pénible de reprendre les cours dans ces conditions mais on s’habitue”, témoigne Tatiana, élève de la 4°1. En revanche, pour son camarade de classe, Tom, le masque n’est toujours pas devenu un réflexe. “Cette rentrée avec les masques est vraiment bizarre”, constate-t-il. 

L’enseignante a dû revoir son cours pour s’adapter aux mesures sanitaires. “D'habitude, je fais deux groupes d’élèves, un de coureurs et un d'observateurs qui note les temps des coureurs, puis j’inverse les groupes. Avec le covid, ces derniers ont dû être réduits pour limiter les contacts, et maintenir la distanciation de deux mètres pendant la course”, explique Carine Largy. L'enseignante a donc prévu un groupe d’observateurs supplémentaire. Un ajustement qui grignote donc sur le temps d’EPS.  

Carine Largy, enseignante d'EPS, explique les modalités de l'exercice à ses élèves.

Cette précision des deux mètres de distanciation est indiquée dans la note du ministère de l’Education nationale : “Les textes réglementaires en vigueur, éclairés par les avis du haut conseil de la santé publique, prévoient une distanciation d’au moins deux mètres en cas d’activités sportives, sauf lorsque la nature de la pratique ne le permet pas.” Mais ces deux mètres, doivent-ils être maintenus devant chaque élève, derrière, entre eux ? “On ne sait pas”, souffle Carine Largy. Et c’est bien cela que le corps enseignant regrette. Les consignes sont laissées à l’appréciation de chacun. “On nous impose des contraintes mais en même temps on nous dit que si nous n'avons pas le choix, nous pouvons faire autrement”, s’accordent à dire les deux enseignantes autunoises. “On a une responsabilité en tant qu’enseignant. Je n’ai pas peur pour moi, mais j’ai peur que les enfants se contaminent entre eux et qu’ils rapportent le virus chez eux”, s’inquiète Alexandra Martin.

Une reprise en douceur 

Pour cette classe de 4°, il s’agit du deuxième cours depuis la reprise. Et déjà un des élèves a une dispense de sport signée par ses parents. Le motif ? Des courbatures de la séance qui a eu lieu deux jours auparavant. L’enseignante, surprise, lui explique qu’il pourra marcher s’il ne se sent pas de courir mais qu’il pratiquera comme ses camarades. “On va dire que c’est une des conséquences des derniers mois et du confinement, les élèves ne sont plus habitués à faire du sport et la reprise est difficile. Ils ont perdu en capacité physique. Il faut vraiment reprendre en douceur”, reconnaît Carine Largy. Car plus que les traditionnelles vacances d’été, certains élèves n’ont pas pratiqué d’activité sportive depuis mars. D’habitude, les tests VMA (la vitesse maximale aérobie qui détermine les vitesses souhaitables à l'entraînement) sont effectués dès la deuxième séance d’EPS, mais cette année, là encore, les professeurs s’adaptent. “On reprend doucement pour les remettre en forme et j’espère pouvoir faire les tests VMA dans 15 jours au plus tôt”, indique Carine Largy. 

Lors de la pratique physique, les élèves n'ont pas l'obligation de porter le masque.

Sur la petite piste qui entoure les terrains extérieurs de football et de basket, situés derrière le collège, les groupes se relaient pour courir et s’observer. “Il faut courir avec le masque alors ?", s'interroge Manon, visiblement un peu perdue avec les consignes au moment de se mettre en place pour courir. “Vous posez votre masque pour la course”, répète l’enseignante à l’attention de toute la classe. Une fois la course terminée, “je leur laisse quelques minutes pour récupérer avant de remettre le masque, car avec ce dernier il est difficile de bien respirer”, détaille Carine Largy

Là aussi, les rappels à l’ordre sont nombreux tant pour respecter les distances physiques que pour le port du masque. “Prend bien de la marge quand tu doubles ton camarade”, rappelle l'enseignante à un de ses élèves en pleine course. “Il y a un endroit sur la piste où le terrain est étroit et si un élève en double un autre, nous n’avons pas les deux mètres nécessaires”, explique-t-elle dans la foulée. Pour elle, cette crise a aussi pour conséquence d'accroître les inégalités entre les établissements. “Pour les installations et les terrains, on fait avec ce que l’on a, on s’adapte. Chez nous, on a peu de place pour diversifier les activités.” Même au sein d’une ville, les différences peuvent se percevoir. L’autre collège de la ville a accès, du fait de sa proximité, au Stade municipal avec terrains et piste d’athlétisme.

Protocole strict dans les vestiaires 

En fin de matinée, satisfaite des performances réalisées par sa classe, Carine Largy rassemble ses élèves et les escorte jusqu’aux vestiaires. Là aussi les mesures sont strictes. Ils sont limités à 10 personnes maximum en même temps et aucune affaire ne doit rester dans les vestiaires le temps du cours. Un marquage, signalé par des bouts de ruban adhésif jaune, partage le banc en petits espaces pour se changer tout en respectant la distanciation physique. Malgré les consignes, l’enseignante doit revenir une nouvelle fois à la charge. “Il est où le mètre de distance ? Et remets ton masque, il est obligatoire aussi dans le vestiaire”, rappelle Carine Largy en élevant la voix, qui a dû répéter pendant ses deux heures de cours des dizaines de fois ces consignes. Pour limiter l’embouteillage dans les vestiaires, l’établissement tente aussi de jongler entre les horaires des cours et les allées et venues des élèves. “Pour les élèves qui ont EPS à 8h00, l’établissement les incite à venir en tenue et pour ceux qui ont sport jusqu’à 12h et qui rentrent chez eux déjeuner, à se changer à la maison”, explique Carine Largy. 

Avant le début du cours et d'accéder aux vestiaires, l'enseignante Carine Largy distribue du gel hydroalcoolique à chaque élève.

Pour rentrer dans les clous, Alexandra Martin a même décidé d'arrêter un peu plus tôt son cours, et effectuer un roulement pour que chaque élève puisse se changer en respectant les distances et limitant ainsi les risques de contamination. Là encore, la mise en application des consignes réduit le temps de cours d’EPS de chaque élève. Une situation loin d’être idéale mais qui est la condition pour maintenir l’activité physique en EPS au collège. Pourvu qu’elle puisse survivre jusqu’à la fin de l’année scolaire. 

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