"Repousser l'ouverture, c'est signer l'arrêt de mort de nombreux clubs de fitness"
Quel est le but de ce rassemblement des clubs de fitness, faire pression sur le gouvernement ?
Céline Rémy Wisselink : "L'idée, c'est de réaffirmer très clairement la position de la profession. Aujourd'hui, la très grande majorité des entreprises de fitness de France disent toutes qu'il faut absolument que l'on rouvre en juin pour des raisons économiques. C'est fondamental que le fitness ne soit pas mis de côté. Nous avons le sentiment d'être en mesure de mettre en place au sein de nos clubs les gestes barrière qui nous sont demandés pour accueillir nos clients dans de bonnes conditions. Le Premier ministre a annoncé que l'on allait vivre un certain temps avec le virus, on se dit que la situation sera la même en septembre, en décembre ou en janvier de l'année prochaine. Il n'y a aucune raison d'attendre si on est prêt à rouvrir dans des bonnes conditions sanitaires."
Vous avez des échanges directs avec le gouvernement ?
CRW : "On nous a demandé ces dernières semaines de proposer des plans de reprise d'activité et d'échanger sur les modalités à mettre en place pour faire respecter les mesures barrière. Ce plan a été partagé avec les représentants de l'Etat. La mesure phare, c'est d'accueillir nos clients en limitant l'accueil à un ratio au m², un client tous les 5 m² par exemple, pour s'assurer pour qu'à tout moment, dans toutes les salles de France, nous soyons sûrs de n'avoir aucun client en hyper promiscuité. Nous avons des contrôles d'accès aux entrées dans tous les clubs, nous sommes capables de compter les clients, de dire qu'on limite à un nombre précis et de garantir ces volumes. Nous prévoyons aussi des mesures d'hygiène renforcées, des masques pour nos équipes, du gel hydroalcoolique, une machine sur deux là où c'est nécessaire pour que les clients soient espacés d'un mètre. Mais aujourd'hui, nous n'avons pas eu de retour clair pour une date de réouverture. La seule chose que l'on a compris, c'est que les salles de sport devraient normalement pouvoir rouvrir en juin, et on attend cette confirmation fin mai comme l'avait annoncé le Premier ministre Edouard Philippe dans son discours à l'Assemblée. Si on demande à rouvrir, c'est parce qu'on est à l'aise avec les mesures de sécurité que l'on propose sinon on ne les proposerait pas."
Quel serait l'impact financier d'une réouverture en juin pour les clubs ?
CRW : "Les clubs de la profession estiment qu'une fermeture jusqu'à fin mai représenterait une perte entre 30 et 50% du chiffre d'affaires pour toute l'année 2020. On ne fait pas de vente parce qu'on ne sait pas dire à nos clients quand on va rouvrir. Ceux qui sont actuellement abonnés demandent des gestes commerciaux, ce qui est normal puisque nous sommes fermés. Et d'autres clients résilient de manière exceptionnelle parce qu'ils n'ont pas de visibilité sur les dates de réouverture. Tout ça mis bout à bout constitue des pertes colossales. Les aides d'Etat, même nécessaires, sont uniquement des amortisseurs, cela ne compense pas du tout les pertes. On n'a pas autant d'aides sur les loyers qu'on le souhaiterait par exemple. Chaque jour qui passe, c'est un jour où les trous de trésorerie se creusent. Et les prêts sont limités à 25% du chiffre d'affaires de l'année précédente, donc ils ne comblent pas tout. Sauf à dire que l'entreprise ne marchait pas avant la crise, il n'y a aucune raison de ne pas rouvrir rapidement, les clubs ne peuvent plus attendre."
S'ils ne rouvrent pas, combien risqueraient de devoir arrêter leur activité ?
CRW : "Nous n'avons pas ce chiffre parce que tout le monde a fait ses calculs en espérant ouvrir en juin. On a tout de même envisagé des scénarios catastrophe. Les conséquences d'une réouverture en juillet plutôt qu'en juin seraient colossales en termes de trésorerie. Je pense personnellement que tous les indépendants, les salles dans des villages ou des petites villes, et qui n'ont pas la trésorerie des grands groupes, ne seront pas capables de passer l'été. Sans toutes ces règles et la possibilité de rouvrir, c'est signer l'arrêt de mort de certains établissements, c'est absolument certain. Par exemple, pour Neoness, si je vous dis que si on ne rouvre pas, on ne passe pas l'été, c'est parce que l'on fait nos bilans prévisionnels alors que nous faisons partie d'un gros groupe, parmi les plus privilégiés du secteur, on fait partie des grandes enseignes. Mais de très nombreuses enseignes qui allaient moyennement avant la crise vont s'écrouler. C'est 4300 salles en France, six millions d'adhérents et plus de 30 000 emplois, ce n'est pas rien."
72% des clients veulent reprendre en salle dès la fin du confinement
Les solutions de cours en visioconférence ou de prêt de matériel ne suffiraient pas pour vos clients ?
CRW : "Toutes les salles ont déjà mis en place des cours en ligne gratuits sur Facebook ou Instagram. La solidarité a joué à plein. Cela a créé des vocations, certains se sont mis au sport grâce au digital. Mais nous avons aussi mené une étude Neoness dans des salles franciliennes, 72% des clients veulent reprendre en salle dès la fin du confinement, 98% veulent reprendre dans les quelques semaines après le confinement. La salle, c'est du matériel, c'est sortir de chez soi et avoir de l'espace, cela crée un lien social, et cela crée une ambiance qu'un cours de yoga digital ne peut pas créer. Certains seront anxieux de retourner en salles de sport avec d'autres personnes, mais avec toutes les mesures de sécurité que l'on met en place et le bénéfice du sport pour la santé, il vaut mieux s’entraîner que non. C'est un équilibre à trouver. On va proposer un système de réservation en ligne pour que les clients puissent s'inscrire à des créneaux où ils seront sûrs de pouvoir rentrer et de ne pas être trop nombreux dans la salle."
Il semble très difficile d'opérer de la distanciation sociale en cours collectifs, et on imagine mal un mètre ou des plaques de plexiglass entre chaque machine, comment assurer la sécurité sanitaire dans les clubs ?
CRW : "Nos salles sont adaptées pour accueillir un certain public. Par exemple, si on met en place le ratio au m², une salle comme celles de Neoness accueillera 180 personnes au lieu de 300 en heures de pointe. De toute façon, les gens se répartiront de manière plus espacée. On va tout faire pour mettre en place des règles comme l'utilisation d'une machine sur deux, de limiter des espaces à un tapis ou un vélo sur deux. Pour les cours collectifs, la majorité des horaires sont déjà hors grande affluence. Le confort de pratique sera corrélé au nombre de personnes dans la salle. Et avec le ratio, comme on garantit un nombre de personnes maximum, on pense que les gens pourront être accueillis dans de bonnes conditions. Ceux qui le souhaiteront pourront porter une visière, un masque… Rien n'empêche aux clients d'ajouter leurs propres mesures de protection, d'aller au-delà des gestes barrières."
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