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Retour sur la convention nationale de prévention des violences sexuelles dans le sport

Les violences sexuelles dans le monde du sport, un sujet encore trop tabou. Mais depuis quelques semaines, de nombreux sportifs ont décidé de briser le silence et témoigner sur les abus qu’ils ont vécus durant leur jeune carrière. Ce vendredi, une convention nationale s’est déroulée au siège du Comité National Olympique et Sportif Français. Conférences, interventions universitaires, paroles d’anciens sportifs, le Ministère des Sports s’est rassemblé pour mettre en place des mesures concrètes. Retour sur cette journée de mobilisation.
Article rédigé par Julia Solans
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 8min
 

"Libérer la parole." Voici le mot d’ordre dicté par la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, dès l’ouverture de la convention nationale vendredi matin. Arrivée à 8h45 au siège du CNOSF, l’ancienne nageuse a d’abord livré quelques mots à la presse avant de se rendre à l’intérieur de l’amphithéâtre, lieu hôte de ce rassemblement. Des DTN aux présidents de fédérations, de nombreuses personnalités du sport y sont présentes. Mais cette convention réunit également des victimes prêtes à témoigner comme Sarah Abitbol, ancienne patineuse abusée sexuellement par son entraîneur Gilles Beyer entre ses 15 et 17 ans.

Briser le silence et agir vite

Pour le premier discours d’ouverture dans un amphithéâtre plein à craquer, Roxana Maracineanu s’est chargée d’exposer les faits, en s’appuyant sur des témoignages glaçants donnés anonymement ou non par des jeunes victimes. En utilisant des mots tranchants, la ministre des Sports avoue qu’elle "réalise encore mal ce qu’ont vécu ces enfants, ces jeunes femmes et ces jeunes hommes". L’objectif imminent du sport français : "agir". L’ancienne nageuse alerte l’ensemble de la société plutôt que de pointer du doigt les agresseurs : "Nous sommes tous responsables". La championne du monde 1998 du 200m dos termine finalement par remercier ceux qui ont brisé le silence autour des violences sexuelles : "Merci aux victimes de nous avoir ouvert les yeux et les oreilles, merci aux médias de les avoir aidés."

Nicole Belloubet, ministre de la Justice, a pris le relais en suivant le même fil conducteur que Roxana Maracineanu : "La parole des victimes doit être facilitée par de nouveaux dispositifs". Adrien Taquet, Secrétaire d’Etat chargé de la Protection de l’enfance, se demande quant à lui comment les violences sexuelles peuvent être encore si fréquentes dans une société moderne guidée par de nombreuses lois. Il en a également profité pour afficher un chiffre alarmant : "Plus de 90% des agresseurs sont des proches." Une réalité que confirment ces nombreux abus athlètes-entraîneurs. Pour Denis Masseglia, président du CNOSF, le changement est urgent : "Le mouvement sportif vit une crise majeure. Il faut décrypter sans concession les racines du mal pour ensuite pouvoir mieux les prévenir". Même son de cloche pour Marie-Amélie Le Fur, présidente du CPSF (Comité Paralympique et Sportif Français), qui lance un appel de prévention urgent.

1 enfant sur 5 victime de violences sexuelles en Europe

Bien que cette convention concerne les violences sexuelles dans le monde du sport, des personnalités de tous les métiers répondent présents pour apporter leur expérience professionnelle et personnelle. Au fil de la matinée, des maîtres de conférence, des gynécologues, ou encore des représentants d’association, sont venus sensibiliser sur cette cause encore trop tabou. Pour cela, le premier axe à améliorer est la communication. Le dialogue autour de la sexualité, de ce qui est normal ou pas, doit s’ouvrir entre un parent et son enfant. 

"La honte s’est transformée en fierté"

Quelques semaines après son témoignage début février, Sarah Abitbol se tient au premier rang de l’amphithéâtre pour soutenir cette cause qui lui tient tant à coeur. L’ancienne patineuse est invitée sur scène pour livrer à son tour un discours personnel et engagé. Emue, elle avoue "je n’aurais jamais imaginé prendre la parole devant vous sans honte et arriver à parler (…) Ça m’a pris beaucoup de temps avant de pouvoir parler : 30 ans". Auteure d’une autobiographie Un si long silence, la patineuse souhaite désormais clamer haut et fort son histoire et l’enfer vécu : "Il y a une prise de conscience de la société et c’est formidable (…) Grâce à la libération de la parole dans mon livre, la honte se transforme en fierté et c’est ma médaille d’or olympique aujourd’hui". Applaudie pendant de longues minutes et acclamée, Sarah Abitbol reçoit une ovation pour sa prise de parole. 

Un accueil qui a surpris et touché la patineuse : "C’était très émouvant, j’avais peur. C’est vrai que ce n’est pas facile de parler devant plus de 400 personnes mais j’ai essayé d’exprimer avec mon coeur mon ressenti. Cette image restera à jamais gravé dans ma mémoire." Pour l’ancienne sportive, les choses vont désormais changer : "Les mesures vont être prises. On a déjà réfléchi à plusieurs moyens dans les clubs pour aider les enfants, par exemple une assistante sociale ou un psychologue qui viendrait deux, trois fois par an pour essayer de parler aux enfants. Je vais aussi créer mon association, j’y tiens pour aider les futurs victimes. Tout ça va maintenant être pris en charge."

Quelles mesures ?

Après une matinée complète de témoignages, discussions et conseils, la ministre des Sports revient sur scène pour le dénouement aux alentours de 13h45 : quelles mesures mettre en place pour lutter contre les violences sexuelles dans le monde du sport ?

Dès ses premiers mots, Roxana Maracineanu annonce pleinement ses engagements : "Nous lancerons des ateliers de travail avec les fédérations sportives, les services de l’Etat et des experts pour co-construire un plan de prévention pour le mouvement sportif. La restitution de ces travaux est attendue en mai 2020". Un programme mis à exécution dès ce vendredi après-midi. L'ancienne nageuse souhaite également optimiser le contrôle "d'honorabilité" en le généralisant : plus de 1,8 millions bénévoles et dirigeants seront concernés.

Le troisième axe est porté sur la prévention. L'objectif étant de "renforcer la responsabilité des fédérations sur les questions liées à l'éthique". Les éducateurs sportifs et entraîneurs devront désormais obligatoirement passer un module sur le thème de l'éthique et l'intégrité durant leur formation. Le dernier point de son discours concerne la parole. Le numéro 119 de l'Enfance en danger peut désormais recueillir les témoignages des victimes dans le champ sportif. La convention a été signée ce vendredi entre la ministre des Sports et Martine Brousse, vice-présidente du Groupement d'intérêt public de l'Enfance en danger.

Malgré ces mesures, Roxana Maracineanu a conscience que ce chantier ne dépendra pas uniquement du ministère des Sports : "C'est une cause commune. Nous devons tous travailler main dans la main. Evidemment le ministère n'y arrivera pas tout seul et les fédérations n'y arriveront pas toutes seules non plus. Nous avons besoin des autres et nous avons surtout besoin des spécialistes qui savent recueillir la parole de l'enfant. Ce que nous voyons dans le sport, c'est un phénomène de société qui dépasse le sport en lui-même." a-t-elle déclaré après son discours.

Pour conclure cette convention, des acteurs associatifs viennent témoigner et débattre autour de la question de prévention. Enfin, des ateliers sont mis en place aux alentours de 16h pour tenter de trouver des solutions et sensibiliser les fédérations au sujet de ces violences sexuelles.

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