Cet article date de plus de neuf ans.

Roland-Garros : les 5 retournements les plus fous de l'histoire

Menés deux sets à zéro, il aurait fallu être fou pour parier sur leur retour dans ces rencontres plus que mal engagées. Et pourtant ! Agassi, Lendl, Federer, Gaudio ou Borg : retour sur cinq matchs au scénario complètement dingue qui ont marqué la grande histoire de Roland-Garros.
Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 12min
 

Finale 1974 : Björn Borg – Manuel Orantes
Score : 2-6, 6-7, 6-0, 6-1, 6-1

Avec le temps, la mémoire collective n’a retenu que les raclées infligées par Borg à ses adversaires Porte d’Auteuil. Ses démonstrations de 1978 (8 jeux de perdus lors de ses trois premiers matchs !) ou 1980, sans laisser le moindre set à la concurrence. Mais l’année de son émergence, celui qui deviendra "Iceborg" n’a pas autant de corde à son arc. En 1974, sa deuxième semaine de compétition a tout du parcours du combattant ! En 8e de finale, il doit s’extirper d’un match accroché en cinq sets face à Erik Van Dillen. Le nom ne vous dit plus rien mais l’Américain pointait à l’époque à la 41e place. Victoire : 0-6, 6-3, 6-3, 5-7, 6-3. Même combat en quart de finale, où cette fois le Mexicain Raul Ramirez (21e) l’oblige à ferrailler 6-2, 5-7, 4-6, 6-2, 6-3.

En finale à la Porte d’Auteuil ce 16 juin, le Suédois – qui vient de fêter ses 18 ans - doit remettre ça face à Manuel Orantes (12e). L’Espagnol a six ans de plus, l’expérience pour lui. A la régularité métronomique de Borg, il oppose un jeu élégant de gaucher, avec un toucher de balle qui fait mouche. Face à lui, l’adolescent Borg, encore sec et tout de jaune vêtu n’est pas encore le monstre physique qu’il deviendra plus tard. L’élève de Lennart Bergelin se retrouve mené 6-2, 7-6, 4-4 40-0 ! Le moment où le match bascule complètement. Borg remporte les neuf derniers points de la manche et entame une démonstration. Avec son lift révolutionnaire, il fait craquer physiquement son adversaire qui s’éteint complètement : 6-0, 6-1, 6-1 ! Avec 19 sets disputés lors de ses quatre derniers matchs, Borg n’avait pas volé sa première couronne !

Ivan Lendl face à John McEnroe en 1984

Finale 1984 : Ivan Lendl – John McEnroe

Score : 3-6, 2-6, 6-4, 7-5, 7-5

Un des come-back les plus mémorables de l’histoire du tennis. Rarement le tennis aura mis face à face deux joueurs au jeu si antagonique. D’un côté, la rigueur d’Ivan Lendl, allergique à toute fioriture. De l’autre, la patte gauche créatrice de John McEnroe. Cette année l’Américain règne sur le circuit comme jamais. Il est invaincu depuis le début de la saison (7 titres) pour un total de 42 victoires sans défaite. Ivan Lendl en 1984 quant à lui traîne derrière ses baskets l’image d’éternel looser dans les plus grands rendez-vous. A cette époque, Jimmy Connors a eu peu de scrupule à le surnommer "Chiken" (la poule mouillée). Le Tchèque s’est incliné lors de ses quatre premières finales de Grand Chelem, dont une fois à Roland, en 81 face à Borg. Et la tendance semble se confirmer lors de la première partie de la rencontre.

A l’image de sa saison, Big Mac évolue sur un nuage. Les deux premiers sets ont des allures de démonstration de tennis. Ses services sont précis, ses volées tranchantes. Lendl en est rendu au rôle de simple partenaire d’entraînement. Le Tchèque est pourtant numéro 1 ou numéro 2 mondial depuis le début de la saison. McEnroe mène 3-1 dans le troisième set quand la machine s’enraye. D’abord à cause de son adversaire. Lendl – dans un dernier sursaut d’orgueil - en met plus dans la balle et commet moins de faute. Ensuite à cause de lui-même. Très nerveux à l’idée de remporter Roland-Garros pour la première fois de sa carrière, le Yankee va sortir de son match pour un fait extra sportif complètement anodin… un photographe officiel, dont les "clics" un peu trop bruyants à son goût lorsqu’il joue. Un simple détail dans un match normal, un vacarme pour McEnroe ce jour là. Petit à petit, l’impensable va donc se produire. Lendl, à force d’abnégation va renverser la situation. La terre se dérobe sous les pieds de McEnroe. Ce jour là, il laisse passer sa meilleure chance de remporter Roland.

Andre Agassi après son succès en 1999

Finale 1999 : Andre Agassi – Andreï Medvedev 
Score : 1-6, 2-6, 6-4, 6-3, 6-4

Nouveau cador du tennis au début des années 90, Andre Agassi a l’opportunité de remporter Roland-Garros à deux reprises. En 1990 face à Andrés Gomez, et l’année suivante face à Jim Courrier, où il s'incline en cinq sets (3-6, 6-4, 2-6, 6-1, 6-4). Huit ans plus tard, le Kid de Las Vegas est en pleine renaissance après deux saisons gâchées par des problèmes de motivation et une tendance aux drogues récréatives. Une période qui l’aura vu chuter à la 140e place mondiale en 1997 !

Cette finale du 6 juin 1999 doit donc marquer un nouveau départ pour l’Etatsunien. Crispé par l’enjeu de la rencontre, l’enfant terrible n’arrive pas à composer avec l’enjeu de la rencontre. Ses deux premiers sets sont purement et simplement à oublier. Le troisième est indécis. A 4-4, l’Ukrainien obtient une balle de break et la Coupe des Mousquetaires lui semble toute promise. Agassi sauve son service et – mieux – prend la mise en jeu de son adversaire pour remporter l e set. La fin du match tourne à son avantage devant le public du court central tout acquis à sa cause. Le dernier set met aux prises les deux joueurs à leur meilleur niveau au même moment. Après 3h12 de combat, l’ancien bad boy remporte son match de la rédemption.

Ce jour là, Andre Agassi devient le premier joueur à depuis Rod Laver à remporter les quatre tournois du Grand Chelem en carrière. Un exploit majuscule, banalisé depuis par Roger Federer et Rafael Nadal. Plus important, l’Américain conjure le (mauvais) sort en s’imposant enfin sur une terre qui s’était refusée à lui. Une revanche sur ses occasions manquées Porte d’Auteuil, une revanche sur la vie aussi. Il n'y avait qu'à voir les larmes sur son visage à fin du match pour comprendre la portée symbolique de cette victoire. A la fin du tournoi, il officialisera sa relation avec Steffi Graf, victorieuse elle aussi cette année là, et devenue son épouse depuis. Cette année là, Agassi à tout raflé à Paris.

Finale 2004 : Gaston Gaudio – Guillermo Coria  
Score : 0-6, 3-6, 6-4, 6-1, 8-6

Le tennis argentin est au sommet de son art en cette année 2004 du côté de la Porte d’Auteuil avec le duel entre Gaston Gaudio et Guillermo Coria, tête de série numéro 3 et grand favori de la rencontre. La nationalité n’est pas seule chose que les deux hommes ont en commun. Ils partagent également une certaine élégance du tennis, assez rare à l’époque du tennis moderne. Coria, 1,75m compense son petit gabarit par une science tactique et un jeu de jambes remarquable. Gaudio est un perfectionniste doté d’un revers à une main efficace mais réputé pour sa capacité à se frustrer lorsqu’il ne joue pas aussi bien qu’escompté.

C’est cette faiblesse mentale qui va une nouvelle fois lui causer bien des troubles en ce jour de finale. Absent de son match, Gaudio encaisse un 6-0, 6-3 sans appel sans parvenir à se faire violence. A 4-3 dans le troisième set, le public comprend qu’il n’en aura pas pour son argent si le match était amené à se conclure rapidement. Un élan de solidarité s’élève dans les tribunes pour venir en aide à Gaudio. Une ola aussi magnifique qu’interminable est déclenchée dans le stade. Les encouragements font effet et l’aîné des deux Argentins se rebiffe en remportant la manche.

Le début d’une nouvelle rencontre. Dans le quatrième set, le stress rattrape Coria. Perclus de crampes, tétanisé par l’enjeu, il se doit d’abréger les échanges. Et se met à arroser le terrain ! Amorties, tentatives de  coups gagnants improbables, tout ça pêle-mêle avec un déchet incroyable. Un quasi refus de match. La baguette d’El Mago (Le Magicien) est en panne et il concède le set 6-1

Du tout cuit pour Gaudio ? Non, le match change une nouvelle fois de physionomie. Contrôlant mieux ses émotions bien que diminué, Coria n’a pas dit son dernier mot. Le cinquième set bascule dans l’irréel. Gaudio est mené 3-1, puis 6-5 et sauve deux balles de match ! A croire que ce match ne pouvait définitivement pas lui échapper. Il s’impose finalement 8-6 dans ce match qui semblait tant vouloir lui échapper. Il devient le premier joueur de l’ère Open à remporter un tournoi du Grand Chelem après avoir sauvé des balles de match en finale !

Roger Federer salue Tommy Haas à l'issue de la rencontre

8e de finale 2009 : Roger Federer – Tommy Haas 
Score : 6-7(4), 5-7, 6-4, 6-0, 6-2

Le 8e de finale entre Roger Federer et Tommy Haas est la seule rencontre de ce classement à ne pas être une finale. Mais c’est que derrière ses allures de "simple" rendez-vous de deuxième semaine, ce match a tout eu d’une finale. Remettons les choses dans le contexte. La veille de la rencontre, la terre battue de Roland tremble en assistant à la première défaite de Rafael Nadal, quadruple tenant du titre, face à Robin Söderling. Battu par ce même Nadal lors des trois dernières finales du tournoi (en plus de la demi-finale 2005), Roger Federer est conscient qu’il tient sans doute là sa plus belle chance de compléter sa collection de Grands Chelems. Le public en est conscient, les joueurs en sont conscients, et d’une façon générale, tous les observateurs de la petite balle jaune s’accordent à le dire : pour Federer, c’est l’année où jamais.

Et le Suisse semble porter sur ses épaules toutes les attentes placées en lui en entrant sur le court. Ce huitième de finale a des allures du match couperet face à son grand ami sur le circuit, Tommy Haas. L’Allemand n’est peut-être pas au sommet de son art cette année là (63e), mais son statut d’ancien numéro 2 mondial en fait un joueur toujours redouté. A juste titre. Les deux premières manches sont sabordées par le Suisse qui se retrouve dos au mur. Le trop-plein de pression n’est pas digéré. L’aventure semble même toucher à son terme lorsque Rodgeur, mené 4-3 dans le troisième set, doit sauver une balle de break. Au bord du vide, il placera un coup droit gagnant décroisé gagnant. "Après avoir mis ce coup droit, je savais que j’allais gagner", commentera-t-il après son match. Le champion ne s’y est pas trompé. La fin du match tourna à la démonstration : 6-4, 6-0, 6-2. Quelques jours plus tard, Roger Federer soulèvera son seul et unique trophée à ce jour à Roland-Garros. L’histoire était trop belle pour la gâcher… à un coup droit près.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.