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Roland-Garros : Que pensent les joueuses et les joueurs du protocole sanitaire ?

L’édition 2020 de Roland-Garros, qui débute aujourd’hui, réalise le grand saut avec une organisation inédite et un protocole sanitaire strict. Si celui-ci est plutôt bien accepté par les joueurs et les joueuses, la peur d’être testé positif à la covid-19 ou d’être cas contact à risque hante les esprits.
Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 8min
  (STEPHANE ALLAMAN / STEPHANE ALLAMAN)

Tests à effectuer régulièrement, sorties en dehors des hôtels limitées aux matchs et aux entraînements, gestes barrières et port du masque, ce protocole très strict est celui que les organisateurs ont imposé aux joueurs présents à Roland-Garros pour cette édition 2020. Un protocole plutôt bien vu par les joueurs et joueuses avant le début de la quinzaine parisienne. “C'est plutôt un bon protocole, qui ressemble à ce que l’on a eu depuis plusieurs semaines sur les autres tournois. Il est important que les joueurs soient soumis à des règles, parce que si tout le monde part à droite à gauche, il y aura plus de risques”, constate Caroline Garcia

Mais ce protocole sévère a déjà fait parler de lui. Plusieurs joueurs en ont déjà fait les frais cette semaine. A la veille du début des qualifications, cinq joueurs ont été écartés du tableau après les tests à la Covid-19. Parmi eux, deux ont été testés positifs, et trois ont été déclarés "cas contact de leur entraîneur testé positif". L’affaire autour du joueur bosnien Damir Dzumhur, cas contacts à risque de son entraîneur et par conséquent exclu du tournoi, a été largement médiatisée. Le joueur "dévasté" après la décision de l'organisation de l'écarter, a même annoncé vouloir attaquer Roland-Garros en justice. Plus récemment, ce fut au tour de Fernando Verdasco de dénoncer vendredi ce protocole après avoir été évincé du tableau principal de Roland-Garros en raison d'un test positif au nouveau coronavirus. "Je veux faire savoir à quel point je suis totalement frustré et révolté à l'encontre de l'organisation de Roland-Garros qui me prive de mon droit de participer à cet événement important sans même m'offrir la possibilité de passer un autre test avec un nouvel échantillon qui pourrait confirmer que le résultat du premier test était une erreur", s'épanche le vétéran espagnol de 36 ans dans un communiqué diffusé sur Twitter.

Pour le Dr Bernard Montalvan, responsable du protocole sanitaire de Roland-Garros, le protocole est clair. "On a deux techniques PCR pour valider un test. Techniquement, il peut avoir un test invalide, ou très faiblement positif - qui dépend de la sensibilité des machines - ou positif. Ce que nous avons décidé avec notre comité scientifique, en lien avec les autorités sanitaires, c'est que l'on fait deux tests.  Si un joueur est positif, on reprend son échantillon et on le teste de nouveau sur une autre machine, ce qui demande cinq heures de plus, et on exige deux tests positifs pour donner la positivité du test."

Le test PCR, l’unique règle 

Dans le cas de Damir Dzumhur, si le joueur a crié à l'injustice, il n’aurait en réalité pas tout à fait respecté le protocole. En effet, dans ce cas précis, le joueur et son entraîneur partageaient la même chambre, ce qui était déconseillé par les organisateurs. “S’ils partagent la même chambre, et que l’entraîneur est positif, son joueur est considéré comme cas contact à risque”, indique le Dr Bernard Montalvan, le médecin de la FFT. Ce qui entraîne donc sa disqualification. Il ne serait en revanche pas "à risque" si les contacts Ont eu lieu dehors, à l’entraînement par exemple, dans le respect des gestes barrières. “Cette décision est dure oui, mais on connaissait les règles dès le départ. Si vraiment le joueur était dans la même chambre que son entraîneur, je pense qu'il pouvait éviter cette situation", relève Pauline Parmentier. Mais la décision reste toutefois raide à accepter, constate Caroline Garcia. “Dans tout tournoi et encore plus en Grand chelem, dans ce cas-là, c’est sûr, tu veux une deuxième chance, être testé de nouveau car être éliminé de cette manière dans cette année si particulière, c'est dur. Participer à un Grand Chelem, c’est le rêve ultime.”

Selon Pauline Parmentier, il était toutefois indispensable “que le tournoi prenne ces mesures-là (l’ensemble du protocole sanitaire, ndlr). Ils ont des restrictions assez importantes et un protocole à faire respecter pour que le tournoi ait lieu donc ils sont obligés de le faire appliquer dès qu'il y a des tests positifs”, ajoute Pauline Parmentier. Pour son entraîneur, Olivier Patience la situation du joueur bosnien est sévère. “Si un entraîneur est positif, et le joueur négatif, son exclusion est un peu dure, c'est mon avis. Il aurait fallu laisser jouer le joueur, même si j'imagine que les raisons de son exclusion sont justifiables. C’est sûr que c’est dur de ne pas pouvoir jouer pour cette raison, mais ce sont les règles, tout le monde les connait, et on essaie de s'adapter du mieux possible.” 

Atmosphère anxiogène  

Si le protocole est plutôt bien accepté par les joueurs, il n’empêche que l’angoisse règne à l’approche du premier tour. “On a parfois l'impression que c'est la loterie. C'est un énorme stress pour nous. L'ouverture du mail contenant les résultats est assez flippante à chaque fois”, confie Pauline Parmentier. "Je n'ai pas 100% confiance dans les tests. Et on peut ne pas avoir de symptômes, se sentir bien, et se retrouver positif et être privée d'un grand chelem”, avoue-t-elle. Cette pression supplémentaire est également ressentie et constatée par son entraîneur, Olivier Patience. “Pour nous, l'inconvénient de ces mesures et de cette situation, c'est que Pauline participe à son dernier tournoi. Elle a repoussé la fin de sa carrière pour être à Roland-Garros. Si demain elle était amenée à ne pas pouvoir jouer car je suis positif ou parce qu’elle l’est, ça serait terrible de finir comme ça”, confie-t-il.  

Ces protocoles et ces tests, répétés chaque semaine sur tous les tournois, deviennent un quotidien parfois pesant pour les joueurs et joueuses. “Ce n'est pas facile à vivre pour nous, confirme Caroline Garcia. On a peur du test positif, car les conséquences sont assez énormes. La situation est anxiogène, et c’est fatiguant mentalement. Pour mon premier test à Roland, j’étais très tendue.”  

“Cela m'angoisse, c'est un truc de fou ! Je vis super mal la situation” 

Un avis partagé par Alizé Cornet, autre Française engagée à Roland-Garros, elle aussi tracassée par la situation. "C'est quelque chose (les tests et les résultats, ndlr) qui m'angoisse au plus haut point et je n'en ai presque pas dormi de la nuit", a-t-elle confié mardi dernier à RMC Sport. "J'ai l'impression que tout est compliqué, mais en même temps, on est tous un peu démunis face à cette situation. Cela m'angoisse, c'est un truc de fou ! Je vis super mal la situation. Je me dis que cela peut juste être pas de chance, après on peut aussi vraiment être positif. Mais c'est un climat anxiogène pour les joueurs." 

Même si Caroline Garcia salue le protocole mis en place par les organisateurs, elle n’est pas non plus totalement rassurée. "Ce qui me dérange un peu, c'est qu'on est en 'contact' avec beaucoup de personnes qui sont en dehors de la 'bulle', et qui ne sont pas testés. Je pense aux autres clients de l’hôtel, aux personnels de l’hôtel, aux personnels de Roland-Garros. C'est un peu difficile à vivre de se dire qu'il y a ces personnes-là que tu côtoies tous les jours et qu'ils vivent en dehors de la bulle, qu’ils rentrent chez eux dormir. Ce sont des éléments perturbants.”  

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