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Roxana Maracineanu : "Les sportifs peuvent être les sentinelles de l'écologie"

Après la large victoire des maires écologistes dans de nombreuses grandes villes françaises, Emmanuel Macron a indiqué lundi retenir 146 propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Une décision qui a pour objectif de verdir les deux dernières années de son quinquennat. Dans le sport aussi, la question environnementale apparaît de plus en plus au centre des préoccupations. Roxana Maracineanu, la ministre des Sports, fait le point sur la situation pour France tv sport et affirme que le sport a un rôle à jouer dans la transition écologique.
Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 9min
  (LUDOVIC MARIN / AFP)

Peut-on dire aujourd'hui que le sport français est sur la bonne voie en matière d'écologie ?
Roxana Maracineanu
: "Nous n’avons plus le choix, parce qu'avec l'impact qu'on constate aujourd'hui, on se doit d'être à la hauteur. Quand on regarde la pratique sportive en France - 34 millions de pratiquants, soit près de la moitié de la population française - et les 2,5 millions de manifestations sportives organisées en France, c'est énorme. On ne s'en rend pas compte car on ne voit souvent que les grands événements sportifs, les compétitions professionnelles ou olympiques mais il y a aussi les centaines de milliers de petites compétitions locales qui ne sont pas visibles à la télévision et qui ont un impact sur l’environnement.

Avec toute cette activité, répartie sur tout le territoire, on doit impulser une ligne de préservation de l'environnement et a minima respecter la nature car on est vraiment à la croisée des chemins quand on pratique le sport, on est dans l'environnement, dans la nature. On respire de l'air qu'on veut propre, on nage dans de l'eau qu'on veut propre également, et on foule un sol qu'on veut voir sans déchet. Les acteurs du monde du sport ont un rôle à jouer dans la protection de l'environnement, et il faut continuer à suivre cette ligne directrice qu'on a initiée au ministère des Sports depuis les années 2000."

D’après l’ONG WWF France (dans notre article du jeudi 2 juillet), il semble que la prise de conscience de l’écologie dans le monde du sport est apparue dans l’Hexagone, et notamment au ministère des Sports réellement vers 2009-2010. Pourquoi si tard ?
R. M :
"Je pense que l'ONG parlait plutôt de la prise de conscience des acteurs sur les territoires car au ministère, nous avons une cellule qui travaille sur la question environnementale depuis les années 2000. Et aujourd’hui, cette cellule est composée de trois personnes. Evidemment, quand on est au niveau d'un ministère, ce n’est pas parce qu'on dit ou qu'on met des gens à travailler sur une thématique que forcément tous les acteurs de France sur tous les territoires s'en emparent l'année suivante. Pour que des politiques publiques se déploient du ministère aux fédérations, puis jusqu’aux associations, cela prend du temps.

Depuis l'année dernière, nous avons installé une nouvelle gouvernance dans le sport. On le pense différemment avec une gouvernance partagée dans laquelle nous réfléchissons aux thèmes avec tous les acteurs du sport autour de la table, que ce soient les territoires - régions, départements, mairies - le mouvements sportif (fédérations et associations), les acteurs économiques et enfin l'Etat. Pour la première fois, tout le monde a l'occasion d’échanger ensemble. La thématique du développement durable met tout le monde d'accord, on l'a vu encore lors des élections municipales. Tous les acteurs sont concernés."

"Ce qui me paraît intéressant, c'est que ce sont les signataires eux-mêmes qui se fixent leurs objectifs, et que chaque année, ils vont un peu plus loin"

"Par ailleurs, en 2017 en lien avec WWF France, nous avons lancé la charte de 15 engagements éco-responsables, créée à l'initiative d'organisateurs d'événements sportifs sous le pilotage du ministère des Sports. Aujourd’hui, cette charte n'est pas seulement un papier qu'on signe. Les acteurs s'engagent avec des objectifs à atteindre de manière progressive et l’objectif de progresser d'année en année. Parmi la liste des engagements, il y a les sujets de la gestion des déchets, la question de l’alimentation, de la mobilité, de l’économie circulaire et solidaire, et aussi des thématiques sociales comme l'accueil aux personnes handicapées notamment etc. Ce qui me paraît intéressant, c'est que ce sont les signataires eux-mêmes qui se fixent leurs objectifs, et que chaque année, ils vont un peu plus loin.

Aujourd’hui, on a élargi la signature de cette charte, non seulement aux organisateurs d'événements, mais aussi aux gestionnaires d'équipements sportifs. Ainsi, aujourd’hui, il y a 37 grands équipements signataires, comme l’AccorHotels Arena, le Stade de France, le Parc des Princes qui se sont engagés à respecter cette charte. Nous avons plus de 350 événements sportifs qui sont partie prenante. Et de plus en plus, les fédérations s'engagent pour décliner ces initiatives auprès des 380 000 associations sportives de France. Nous pensons en effet qu’il s’agit du meilleur moyen, au-delà de mettre l’accent lors d'un grand événement public dans l'année, d'en parler tous les jours aux adhérents et de mettre des actions en lien avec la pratique sportive. Je pense que c'est vraiment là que l’on va toucher les citoyens et les sensibiliser à des comportements respectueux de l'environnement."

WWF nous a indiqué également qu'elle misait entre autres sur le sport pour faire bouger les choses, que le monde du sport avait tout son rôle à jouer dans la transition écologique, qu'il pouvait même permettre d'accélérer cette transition. Qu'en pensez-vous ?
R. M :
"Oui, pour moi les sportifs peuvent être les sentinelles de l'écologie. Ce sont des personnes qui pratiquent une activité physique et sportive en plein air, qui ont besoin de la nature et de la planète, ne serait-ce que pour exercer leur passion. Si on court à côté du périphérique très pollué, autant arrêter tout de suite. D’ailleurs, c'est aussi pour cela que nous sommes en train de rédiger un carnet “Sport dans la nature” que l'on va diffuser via le secteur du tourisme et du sport pour sensibiliser le grand public, faire prendre conscience que préserver la planète, c'est important."

En plus de ce carnet “Sport dans la nature”, sur quels sujets travaillez-vous en parallèle ?
R. M :
"Nous finançons une étude réalisée par l’ONG WWF afin de documenter l'impact du réchauffement climatique sur le sport ainsi que sur l'aménagement du territoire en France lié au sport. En effet, avec le réchauffement, il y aura des stations de moyennes montagnes par exemple qu'il va falloir repositionner sur de nouvelles pratiques sportives différentes du ski qui faisait vivre l’ensemble d’un territoire. Le réchauffement climatique a une incidence directe sur la manière de pratiquer le sport. Au-delà de la pratique elle-même, il a un impact sur les emplois et l’aménagement du territoire en lien avec le sport, les équipements sportifs dans nos communes et territoires.

"Après la crise covid, les Français vont probablement rester davantage sur le territoire cet été. Cela ouvre des perspectives nouvelles pour le sport qui est un levier du tourisme de proximité"

On attend beaucoup de cette étude qui va guider notre action et nous permettre d’orienter nos financements pour, si je suis le même exemple, pouvoir transformer une station de moyenne altitude en une station quatre saisons. Nous voulons aussi proposer des activités sportives dans le cadre d'un grand programme Tourisme et sport sur lequel le gouvernement travaille depuis quelques mois. Après la crise covid, les Français vont probablement rester davantage sur le territoire cet été. Cela ouvre des perspectives nouvelles pour le sport qui est un levier du tourisme de proximité. On peut faire beaucoup de choses près de chez soi. On peut imaginer de nouvelles manières de voir ses vacances et proposer des séjours sportifs qui permettront d’acculturer à la responsabilité individuelle de chacun vis-à-vis de l'environnement."

Les enjeux économiques sont-ils trop importants pour que l'écologie puisse trouver sa place dans le sport ?
R. M :
 "Dans une association sportive, ce n'est pas très difficile de franchir le pas de l'écologie. Par exemple, trier les déchets sur des événements sportifs, ce n'est pas compliqué, c'est juste une habitude à prendre. Honnêtement, dans tous les événements, qu’ils soient grands ou petits, appliquer la charte dont je vous ai parlé précédemment, se fixer soi-même ses objectifs, ce n’est pas insurmontable. Chacun le fait à son rythme et en lien avec ses possibilités économiques, c'est l'intérêt… On ne vient pas avec des normes, on laisse s'exprimer les possibilités de chacun en matière d'écologie, et nous sommes là pour faire en sorte qu’ils atteignent leurs objectifs.

Aujourd’hui, le Président de République nous incite à aller plus vite et plus fort dans cette voie et je pense que ce sujet va guider les deux prochaines années du quinquennat. L’étape d’après, c’est d’installer une évaluation de la démarche avec des critères objectifs. Je pense que tous les acteurs du sport sont très attentifs à la question car peu importe où on se situe dans le paysage, la question environnementale est en tête des préoccupations."

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