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Coupes d'Europe - Thomas Lombard (Stade Français) : "Si l'EPCR n'impose pas le protocole Top 14, la position des clubs français est très claire"

Alors que les cas de contaminations se multiplient entre des clubs français et ceux d'outre-Manche, la Ligue Nationale de Rugby (LNR) a rendez-vous ce lundi avec l'EPCR (organisateur des coupes d'Europe) pour tenter d'étendre le protocole sanitaire du Top 14 à toute l'Europe, et ainsi éviter de nouvelles contaminations comme celle des Bayonnais lors de leur match contre Leicester. Mais aussi pour permettre aux clubs français de disputer le plus sereinement possible la Champions Cup et le Challenge Européen, sans devoir reporter des rencontres du Top 14. Sans ce protocole plus strict, certains sont prêts à ne pas jouer ces matches, comme le directeur général du Stade Français, Thomas Lombard, dont l'équipe a déjà refusé d'affronter Cardiff mi-décembre.
Article rédigé par Adrien Hémard Dohain
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 8min
Le directeur général du Stade Français, Thomas Lombard (GABRIEL BOUYS / AFP)

A l’approche de la réunion entre la LNR et l’EPCR au sujet du protocole anti-Covid, dans quel état d’esprit êtes-vous ?
Thomas Lombard :
"On en attend beaucoup de cette réunion. Au Stade Français, on a été confronté à ce problème dès la deuxième journée de Champions Cup, puisqu’on a pris la décision de ne pas se rendre à Cardiff parce qu’on estimait que les conditions sanitaires n’étaient pas réunies. Concrètement, on espère un changement du protocole sanitaire mis en place par l’EPCR pour les clubs britanniques. Le protocole devrait être le même pour tous, en prenant pour modèle celui du Top 14 selon nous. Après est-ce qu’il n’est pas déjà trop tard ? Le déroulement de la compétition a été très compliqué dès la deuxième journée, l’évolution de la pandémie est très inquiétante au Royaume-Uni… La première étape, c’est d’abord d’envisager un protocole sanitaire différent, pour débloquer la situation et remettre en place la confiance. Aujourd’hui, il y a un vrai débat sur la santé des joueurs et les risques qu’on prend à se rendre dans des régions à forte circulation du virus."

Est-ce trop risqué de jouer la coupe d'Europe en ce moment ?

Quels sont les enjeux de cette réunion?
TL :
"Il faut sauver la coupe d’Europe pour préserver les autres compétitions. L’annulation de certains matches du Top 14 est causée par des contaminations d’équipes françaises lors de matches de coupe d’Europe contre des clubs anglais, dont le protocole ne convient pas. Il faut se mettre la ceinture et les bretelles avec un protocole plus strict. Et ensuite, on doit réfléchir pour savoir si ce n’est pas trop risqué de jouer ces compétitions comme ça, en ce moment. Si la tendance globale est de dire que la coupe d’Europe doit aller au bout, on peut aussi la déplacer. Concrètement, on peut reporter les journées 3 et 4 au mois de mars, après le Tournoi des Six Nations, et les remplacer par des journées de championnat.

Quelles sont vos demandes ?
TL : "On n’a pas de demandes au nom du Stade Français. Ce que je souhaite, c’est simplement qu’on fasse preuve de discernement et de solidarité. Les clubs qui jouent la coupe d’Europe, qui veulent se qualifier, ça me semble délicat de leur dire 'Nous on ne veut pas jouer, donc vous ne jouez pas non plus'. S’il y a une demande de report, on sera solidaire. J’attends surtout un positionnement clair de l’EPCR sur une remise en question du protocole actuel des clubs anglais. Et deuxièmement j’attends une injonction, même du ministère du sport, pour clarifier la situation, qu’il dise si, d’un point de vue sanitaire, on autorise ou on interdit le déplacement des équipes professionnelles dans des régions à fort risque de contagion. L’expérience malheureuse des bayonnais et des palois doit nous apprendre."

"Le traçage du virus des clubs anglais n’est pas suffisant"

Vous êtes inquiet pour la suite de la saison ?
TL :
"Maintenant qu’on est engagé il faut essayer d’aller au bout. Tout le monde doit mettre du sien. Il n’y a pas de mauvaise volonté de la part des clubs français, simplement une attention portée sur la santé des joueurs. Nous, au Stade français, on a eu une contamination massive en août, on sait les dégâts que ce virus peut avoir. Le risque est trop important. Surtout qu’un match de coupe d’Europe, c’est du temps passé dans les avions, dans les bus, dans les hôtels. C’est la même chose en Top 14, certes, mais en championnat on n’a pas constaté de contamination massive, on a pu jouer nos matches. Ce qui prouve qu’il y a des solutions."

Quelle est la solution justement ? Qu’est-ce qui ne fonctionne pas dans le protocole des britanniques ?
TL :
"Les Britanniques font un test le lundi qui précède le match, alors qu’en Top 14 on teste trois jours avant : c’est toute la différence. Le virus a une période d’incubation de 5 jours. Donc un joueur testé le lundi peut contaminer un adversaire le samedi ou le dimanche. Le traçage du virus des clubs anglais n’est pas suffisant. D’autant qu’aujourd’hui, on a les moyens de tester rapidement. Plus on teste les joueurs proches du match, et mieux c’est pour tout le monde."

"Si l'EPCR n'impose pas le protocole Top 14, la position des clubs français est très claire"

L’EPCR peut-il imposer le protocole du Top 14 aux clubs britanniques ?
TL :
"L’EPCR doit l’imposer. S’il ne l’impose pas, la position des clubs français est très claire… Il y a suffisamment de voix qui s’élèvent pour que cela change. L’Aviron bayonnais s’est clairement positionné. Nous, en ne jouant pas la deuxième journée de Champions Cup, on a affiché notre position aussi. Certes, entre ceux qui jouent le Challenge européen, ceux qui jouent la Champions Cup, les enjeux ne sont pas les mêmes. Mais ni le sportif, ni le financier ne doivent prendre le dessus sur la santé de nos joueurs. Il n’y a pas de concertation entre dirigeants, mais les médecins des clubs échangent régulièrement et sont d’accord."

Un boycott des clubs français est envisageable ?
TL :
 "Aujourd’hui un certain nombre de clubs de Top 14 qui sont engagés en coupe d’Europe, si ce n’est tous, s’interrogent. Le boycott c’est quand on n’arrive pas à être d’accord, pour le moment on questionne, on débat. On juge le protocole trop risqué, on le dit. Maintenant il faut attendre la réunion et voir ce qui en découle. Il ne faut pas tomber dans un bras de fer inutile. La Champions Cup, c’est une compétition historique, très importante pour beaucoup de clubs, on ne peut pas la balayer d’un revers de la main."

"Refuser de jouer un match européen, on l'a fait, on le refera pour protéger nos joueurs"

En dehors du boycott, quelles pourraient être les conséquences ?
TL :
"Si le protocole n’évolue pas, il est très peu probable que les matches de coupe d’Europe se jouent, très peu probable que les équipes françaises jouent les rencontres. En tout cas au Stade français, refuser de jouer un match européen, on l’a déjà fait, on le refera, pour protéger nos joueurs."

Vous ne craignez pas des sanctions ?
TL :
"Si on se met à sanctionner des équipes qui veulent préserver l’intégrité physique et la santé des joueurs…"

Vous avez coché la case du opt-out qui vous permet de ne pas jouer un match, pourquoi ?
TL :
"Pour prévenir le risque encouru par nos joueurs, en tout cas que le médecin du club a soulevé, et qu’on a présenté à nos joueurs. C’est un droit de retrait. Le seul moyen légal de faire valoir ce droit, c’est de cocher cette case. Si on veut retourner dans la compétition il faut faire le opt-in, c’est aussi simple que ça. Mais pour l’instant ce n’est pas le cas, on a attend de voir l’évolution des discussions."

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