"Dégout, colère" après la défaite sur tapis vert, le président de Toulon Bernard Lemaitre : "Pas sûr que le RCT se réengagera en Coupe d'Europe"
Q : Pouvez-vous faire un point récapitulatif sur la situation ?
Bernard Lemaitre : "Nous avons eu un joueur de première ligne déclaré positif mercredi 31 mars. A la suite de ça, le joueur a immédiatement était isolé et renvoyé chez lui, nous en avons directement informé la Ligue et l’EPCR. A partir de là, l'EPCR nous a posé un tas de questions auxquelles nous avons répondues (...). Lorsque nous arrivons à Dublin jeudi, aux environs de 11h30 les discussions reprennent avec des demandes de plus en plus précises de la part de l’EPCR auxquelles nous continuons de répondre. Dans la soirée de jeudi soir, on nous dit que malgré tout, le cas est douteux et gênant c'est pourquoi ils nous suggèrent de faire un test général de l’ensemble des joueurs et du staff jeudi soir. Nous acceptons, les résultats tombent et sont entièrement négatifs.
A partir de là, on est quasiment persuadés, les tests étant le juge de paix de ce genre de situation, que ça allait être bon mais les discussions reprennent. Ils ont convoqué des experts infectiologues qui se sont prononcés en affirmant qu'un un risque infectieux subsistait en raison du temps d'incubation. Donc ce qu'on nous fait comprendre, c'est que les tests PCR c’est bien, mais finalement ce n'est pas un arbitre suffisant pour juger de ce genre de situation. A partir de la on commence à craindre ce qu’il s’est passé ensuite..."
Q : Que ressentez-vous en voyant la façon dont toute cette situation a été gérée ?
BL : "Colère et dégoût bien sûr, on est un peu écœurés parce qu’on met tellement de soi-même dans la gestion d’un club, on se donne tellement à ce sport que se faire traiter comme ça, surtout pour la deuxième fois consécutive, ça commence à faire beaucoup (...). À la rigueur on aurait pu admettre qu’à la suite du cas positif mercredi dernier, ils nous disent non il y a un risque potentiel trop élevé, ce joueur a forcément été en contact et s’est entraîné avec ses camarades, donc ce n'est pas la peine, le match est annulé. Mais jusqu’au dernier moment, jusqu’à 12h30 heure locale, c’est à dire 4-5 heures avant le match, nous avons été dans la certitude que nous allions jouer.
"On ne saura jamais l’exacte vérité"
On est traité n’importe comment ce qui entraîne un sentiment de dégoût puisqu’on est impuissant surtout que depuis j’ai appris de source officielle, à la suite de discussions entre la Ligue et l’EPCR, qu’en réalité, c’est le gouvernement irlandais, par l’intermédiaire de son gouvernement sanitaire, qui a interdit le match. Si cette interdiction du gouvernement irlandais est intervenue avant la décision de l’EPCR, celle-ci a une obligation, en tant qu’organisateur, de faire jouer le match ailleurs. En France par exemple, demain ou après-demain, mais il faut qu’il se joue. Sinon, c’est une fois de plus un arbitrage sur tapis vert. Je dirai que cette situation est extrêmement confuse. On ne saura jamais l’exacte vérité. Ils ont publié un communiqué et à peu de choses près, on est les mauvais garçons. J'en suis un peu dégoûté".
Q : Quel est le coût financier de cette annulation ?
BL : "On est dans une période difficile. On sait tous qu’il y a des risques. Je le comprends. C’est une situation très spéciale sur le fond qui induit que sur la forme, il faille prendre des précautions particulières. Mais là, ça n'a pas été le cas. Ce voyage à Dublin coûte au RCT, qui est, comme tous les clubs français, dans la période que l’on vit, profondément déficitaire, 250 000 euros. D'autant plus que l’EPCR a été jusqu’à exiger qu’il n’y ait pas plus de deux joueurs par chambre, que l’on utilise un avion suffisamment grand pour que les joueurs soient assez isolés les uns des autres. On a été obligé de prendre un Boeing de 180 places. Cet ensemble de choses vaut très cher, donc il y a le côté économique bien sûr, mais aussi le fait d’être traité avec beaucoup de désinvolture. C’est surtout ça qui est choquant. Je crois que la légèreté avec laquelle on est traité mérite une compensation."
Un passé de polémiques entre EPCR et RCT
Q : Quelle a été votre réaction lorsque l'on vous a proposé de remplacer les premières lignes pour pouvoir jouer le match ?
BL : "C’est une solution impossible (...) Ça nous a été proposé mais c’est sportivement impossible comment voulez-vous qu’on remplace six joueurs de première ligne sachant déjà qu’on a quelques blessés et indisponibles. C’est une solution qu’on a été obligé de décliner parce qu’elle est tout simplement impossible."
Q : Avez-vous reçu du soutient de la part d'autres acteurs du rugby ?
BL : "On a le soutien de la part de la Ligue nationale de rugby qui essaie de faire de son mieux pour débrouiller un petit peu les choses. Ça fait deux fois que ça tombe sur le même club et pas n'importe lequel quand même. Toulon est un club qui a une certaine renommée, surtout en coupe d’Europe. Je trouve qu’il y a un arrière fond très désagréable. On est vraiment traité comme des Kleenex. De ce point de vue là, je sais qu’il y a un passé avec pas mal de polémiques entre l’EPCR et le RCT en particulier avec le président Boudjellal. Les deux organismes sont toujours en procès. L'EPCR a perdu deux fois, mais forcément le climat n’est pas très sain."
"Pas sûr que le RCT se réengagera en coupe d'Europe"
Q : Justement avez-vous l’impression que l’ECPR vous fait payer ce passif et a une dent contre vous ?
BL : "Je ne veux pas l’affirmer parce que je n'ai pas d’élément d’appréciation de cela. Mais ça commence à faire beaucoup. Je dois vous dire qu'au stade ou j’en suis, aujourd’hui, pour le RCT, je ne suis pas sûr qu’il se réengagera en coupe d’Europe. Je verrai avec la Ligue comment les choses peuvent se profiler. Mais ça n’est plus une compétition qui nous motive. Ce genre de compétition, surtout avec un organisme qui prétend à organiser une coupe du monde des clubs, il faut qu’il soit hyper professionnel et qu’il y ait un dialogue avec la ligue et les clubs français qui soit à la mesure du poids que ces clubs représentent. Ce n’est pas tout à fait le cas aujourd’hui. "
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