All Blacks, Springboks, Pumas et Wallabies confirment l’hégémonie du Sud
Cette huitième Coupe du monde entrera dans l’histoire, c’est une certitude. Soit l’Argentine créera la plus grande surprise de l’histoire en enlevant le titre, soit l’un des trois ténors triomphera pour la troisième fois, un nouveau record.
Une seule Coupe du monde pour le Nord en 8 éditions
La domination des géants de l’hémisphère Sud sur le rugby mondial ne date pas d’hier. Bien avant la création de la Coupe du monde, tout le XXe siècle a consacré la mainmise du duo Afrique du Sud – Nouvelle-Zélande, l’Australie se hissant au niveau à partir des années 80. Les All Blacks ont remporté les deux éditions organisés à domicile (1987, 2011), les Wallabies ont à chaque fois triomphé au Royaume-Uni (1991, 1999), et les Springboks ont également doublé la mise (1995, 2007). L’Angleterre a permis à l’Europe de sauver l’honneur en 2003.
Ce Mondial anglais consacre l’avance prise par le Sud. En 1991, lors du premier rendez-vous planétaire, deux équipes européennes (l’Angleterre et l’Ecosse) avaient rallié le dernier carré. En 1999, toujours en Grande-Bretagne, un seul pays s’était qualifié pour les demi-finales, la France. Cette fois, c’est le néant. Les raisons sont multiples, du niveau général supérieur des géants des mers du Sud aux faiblesses franco-anglaises en passant par les déboires des Celtes qui ont perdu de nombreux joueurs sur blessures.
Le constat est sévère mais limpide. Le XV de France n’était pas prêt à livrer bataille aux nations dominantes. Très décevants et incapables de se sublimer, les Bleus ont encaissé leur plus lourde défaite contre l’Irlande depuis 40 ans (24-9) avant de recevoir une correction face à la Nouvelle-Zélande (62-13). L’Angleterre, de son côté, n’a pas résisté à la pression inhérente à la compétition at home. Les All Whites menaient de dix points à un quart d’heure de la fin face au pays de Galles avant de s’effondrer et de refuser le match nul qui leur aurait peut-être permis d’accéder aux quarts de finale (28-25). Ils ont surtout été les victimes du tirage au sort qui les a placés dans le groupe de la mort (avec également l’Australie et les Fidji).
Les Celtes, au contraire, n’ont pas à rougir de leurs prestations. Fantastique de bravoure et décomplexée par l’ancien coach de Clermont Vern Cotter, l’Ecosse aurait pu créer l’exploit contre l’Australie (34-35) mais c’est oublié qu’elle a inscrit moins d’essais que son adversaire (3 contre 5), qu’elle a profité d’un calendrier plus favorable que le Japon -son rival pour la qualification-, et qu’elle aurait pu perdre face aux Samoa (36-33) si l’arbitre avait exclu Wilson à la demi-heure de jeu pour s’être essuyé les crampons sur un joueur îlien.
Galles, irlande: manque de réservoir
Irlandais et Gallois, les plus forts depuis quatre ans sur le vieux continent, ont eux manqué de ressources humaines. Les Diables Rouges ont battu l’ennemi anglais avant de faire souffrir les Wallabies (6-15) puis de rater le coche contre l’Afrique du Sud en toute fin de match (19-23). Mais les Dragons peuvent déplorer l’absence de cadres qui a plombé leur effectif et notamment leur redoutable ligne de trois-quarts (Jonathan Davies, Halfpenny, Rhys Webb avant le Mondial puis Liam Williams, Scott Williams, Hallam Amos). Sans cela, ils auraient pu prétendre à mieux.
Les Verts ont eux payé cher leur victoire contre la France. Quatre titulaires, et non des moindres, n’ont pas pu disputer le quart de finale face à l’Argentine (20-43) : O’Brien suspendu, O’Mahony, la poutre O’Connell et le maître à jouer Sexton, blessés. Après un début de rencontre catastrophique (0-17 en un quart d’heure), ils ont pourtant fait jeu égal avec les Pumas, Madigan ratant même l’égalisation à 23 partout au cours du second acte, avant de flancher dans le money time.
Progrès argentins, résurrection australienne
Le mérite en revient aux équipes du Four Nations, épreuve autrement relevée que le vénérable Tournoi des 6 Nations. Pendant que l’Italie stagne depuis son entrée dans l’institution en l’an 2000, l’Argentine engrange de la confiance à force d’affronter les meilleurs tous les ans. Depuis son incorporation –non sans difficulté- à la compétition phare en 2012, l’Albiceleste a progressé chaque saison, battant l’Australie en 2014 puis s’imposant chez les Boks cet été. Ses joueurs s’épanouissent dans ce système à l’image des virevoltants Cordero, Hernandez ou Imhoff. Hormis les All Blacks, les Pumas ont d’ailleurs battu au moins une fois toutes les équipes du monde. Et ils proposent un jeu chatoyant aux antipodes de leurs prestations d’il y a 10 ans quand ils misaient avant tout sur la grinta pour contrarier leurs rivaux.
L’Australie aussi est revenue à ce qui a toujours fait sa force, un rugby alerte et entreprenant. Désormais dotés d’un pack solide, les Jaune et Vert ont bien fait de remplacer Ewen McKenzie par Michael Cheika à l’automne 2014. Le jeu complet prôné par l’ancien coach du Stade Français régale ses joueurs autant que les foules. Les attaquants élaborent des combinaisons chirurgicales sous la baguette de Bernard Foley, Giteau, Mitchell et Ashley-Cooper assurant le spectacle.
Les Blacks au dessus du lot
Les maîtres du genre restent les Blacks qui ont dominé l’Argentine à l’entame (26-16) avant de pulvériser la France dans une orgie d’essais (9 au total) digne des plus grandes messes noires. Si le pack assure les fondamentaux avec notamment un Brodie Retallick omniprésent, les trois-quarts mis sur orbite par le stratège Dan Carter sont les plus brillants (déjà huit essais pour Savea, record de Lomu et Habana sur une édition égalé, 5 pour Milner-Skudder).
En fait, seule l’éternelle Afrique du Sud semble moins joueuse que ses trois rivales pour le trophée William Webb Ellis. Mais s’ils ne sont pas toujours flamboyants –encore que la passe dans le dos de Vermeulen pour l’essai de Du Preez contre les gallois fût splendide-, les Springboks savent envoyer du jeu comme en témoigne leur seconde période de samedi où ils ont utilisé toutes leurs armes (puissance dévastatrice, pressing contant, jeu au pied efficace) pour user une défense galloise… dans le rouge.
Les statistiques viennent renforcer ce sans-faute de l’hémisphère Sud. Lors de cette Coupe du monde 2015, les sept confrontations entre un membre du Four Nations et son homologue des 6 Nations ont été remportées par les Sudistes. Depuis 1987 d’ailleurs, jamais le Nord n’a dominé le Sud en terme de victoires, l’Angleterre parvenant toutefois à contrecarrer cette mainmise en 2003 en battant Boks et Wallabies.
Battre les Blacks ou les Boks est un exploit pour le Nord
Le retour triomphal des Sud-Africains au Mondial en 1995 puis l’avènement des Argentins depuis quelques années (ils étaient déjà en demi-finales en 2007) ont encore accentué l’écart qui sépare les deux hémisphères. Dans l’histoire du Mondial, les quatre mastodontes du Sud ont enlevé 53 des 69 matches (!) les ayant opposés aux nordistes des 6 Nations, le score étant même de 22 victoires à 4 sur les trois dernières compétitions (9-2 en 2007, 6-2 en 2011, 7-0 en 2015). Seules l’Irlande (contre l’Australie il y a quatre ans), la France (en 2007 face aux Blacks) et l’Angleterre à deux reprises (2007 devant l’Australie et 2011 contre les Pumas) ont un poil inversé le cours de l’histoire. La Nouvelle-Zélande compte 21 succès pour seulement 2 défaites face aux équipes du Nord (la France deux fois), et l'Afrique du Sud ne s'est inclinée qu'une fois (en 2003 contre l'Angleterre) en neuf rencontres avec les Européens !
L’ovalie est-elle condamnée à être hémiplégique ? Si les deux plus grosses armadas d’Europe ne rectifient pas le tir en instaurant les réformes indispensables pour redécoller, il est à parier que la tendance se confirmera au Japon en 2019.
Le classement mondial au 19 octobre
1. Nouvelle-Zélande 92,89 pts
2. Australie 90,93
3. Afrique du Sud 86,80
4. Argentine 85,07
5. Pays de Galles 83,49
6. Irlande 81,17
7. France 79,77
. Angleterre 79,77
9. Ecosse 77,94
10. Japon 77,05
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