Angleterre-France : comment le rugby anglais nous a pris de vitesse
Bien sûr les Bleus réaliseront peut-être un exploit samedi prochain en battant les Anglais et l'on reparlera de l'éternel french flair, d'impossible n'est pas français, ou bien encore du coq gaulois, le seul animal qui continue de chanter lorsqu'il a les pieds dans la boue. On le souhaite évidement mais cela serait se voiler la face sur un constat d'une limpidité pourtant évidente : le rugby tricolore a pris un retard abyssal sur celui de son ennemi juré.
L'important c'est la Rose
Depuis la prise de fonction d'Eddie Jones, le XV de la Rose a su se réinventer magnifiquement. Très loin du cliché archaïque du jeu d'occupation prôné par les joueurs de Sa Majesté, le coach australien a su prendre la virage de la modernité en mettant en place un jeu complet, basé sur la vitesse d'exécution. La clé de voûte du rugby actuel. Et pourtant étrangement ignorée par la formation tricolore. Comme toujours, en Angleterre, cela part de la volonté essentielle de favoriser l'équipe nationale par rapport au championnat. La Premiership comprend 12 équipes (contre 14 en France), avec un système de phase finale simplifié : les quatre premiers sont qualifiés pour des demi-finales, puis une finale. Le risque de blessures s'en trouve considérablement diminué.
Ensuite, les instances britanniques ont mis tout en oeuvre pour favoriser la formation de nouveaux talents là où le Top 14, lui, s'affairait à engager le plus d'étrangers de renom possibles. Les clubs britanniques sont ainsi encouragés (bonus financiers à la clé) à aligner 70% de joueurs britanniques sur la feuille de match. "Grâce à cette règle, le championnat est devenu un laboratoire de jeunes joueurs anglais", explique Philippe Saint-André au journal Le Point. L'ancien ancien sélectionneur des Bleus est l'un des mieux placés pour analyser la différence qui s'est creusée entre les deux pays puisqu'il a également joué, et entraîné, en Premiership (Gloucester, Sale). "La France s'y est enfin mise, avec la règle des JIFF (Joueurs issus des filières de formation), mais avec 10 ans de retard".
Le monde à l'envers
Plafonné par un salary cap qui l'empêche de recruter des stars à prix d'or, le championnat anglais est pourtant, de l'avis de beaucoup, bien plus attractif que le Top 14. En tout cas pour ce qui est de la qualité du jeu proposé. Là où les formations françaises cherchent généralement l'épreuve de force et l'affrontement physique, les équipes britanniques excellent désormais dans la possession et le décalage. Le monde à l'envers par rapport une époque, pas si lointaine, où le joueur français était considéré comme un funambule quand son homologue anglais était volontiers comparé à un équarrisseur...
Le mérite de cette bascule revient, en grande partie, à la fédération anglaise et à Eddie Jones. Ce dernier a compris, bien avant les Français sans doute, que la vitesse était l'alpha et l'omega du rugby actuel. Philippe Saint-André, toujours lui, déclarait d'ailleurs sur RMC Sport que l'encadrement du XV de la Rose n'hésitait pas à faire travailler ses joueurs sur leurs fibres musculaires rapides, à savoir les plus explosives mais aussi les plus fragiles. Le risque est calculé, et il est surtout payant.
On semble seulement s'en apercevoir maintenant au sein du XV de France. Fabien Galthié, qui prendra les rennes de l'équipe à la fin de la Coupe du monde, a déjà œuvré dans ce sens en imposant son préparateur physique, Thibault Giroud, pour le voyage au Japon. Mais, au vu du nombre de joueurs qui se sont blessés durant la préparation ou pendant les matchs (Willemse, Falgoux, Doumayrou, Fofana, Demba Bamba, Ramos, Mauvaka) il devient manifeste que les Français n'étaient vraiment prêts pour cette transition. Celle-ci sera sans doute douloureuse et elle passera peut-être par une correction samedi à Yokohama. Mais s'il faut aller au Japon pour prendre une leçon, autant prendre un billet d'Eurostar pour aller voir ce qui se fait Outre-Manche. Ce sera plus économique.
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