Coupe du monde 2019: L'Afrique du Sud, le plus sérieux ennemi des All Blacks
"Nous sommes en forme en ce moment et la rivalité est au plus fort, la plus forte depuis un sacré temps." Siya Kolisi, premier capitaine noir de l'Afrique du Sud, a bien conscience que ce choc avec la Nouvelle-Zélande, pour le premier match des deux équipes dans cette Coupe du monde, a une saveur très particulière. "Cela va être l'un des plus grands matches à joueur dans une carrière", lui a répondu Kieran Read, le capitaine néo-zélandais.
Certes, le vaincu de cette opposition n'a pas grand risque de passer à la trappe dans un groupe C où l'Italie, la Namibie et le Canada sont loin de rivaliser. Mais ce match va au-delà des points à prendre. Cet affrontement, c'est une opposition de style, de culture, une rivalité ancestrale, pimentée par l'été dernier. En effet, dans un Rugby Championship 2019 réduit à la portion congrue (un seul match contre chaque adversaire), les Springboks ont été sacrés sans connaître la défaite, mettant fin à une série de 3 titres consécutifs des All Blacks, pour la première fois depuis 2004 relégués en 3e position. Un affront.
Une culture à l'opposé l'une de l'autre
D'un côté, la Nouvelle-Zélande, marquée par la culture maori, première nation championne du monde en 1987 avec son jeu puissant, complet, et souvent révolutionnaire, désormais seule à avoir gagné à trois reprises la Coupe William Webb Ellis. Des joueurs mythiques sont régulièrement sortis du pays du Long nuage blanc: John Kirwan, premier ailier rapide affichant un poids et une puissance à faire pâlir un joueur du pack, Jonah Lomu, qui a définitivement marqué le passage au professionnalisme avec ses charges hallucinantes, Dan Carter, meilleur joueur du monde et meilleur ouvreur de l'histoire, ou Beauden Barrett, deux fois meilleur joueur du monde en 2016 et 2017 désormais placé à l'arrière. Les Kiwis sont toujours LA référence du rugby mondial.
De l'autre côté, l'Afrique du Sud, inévitablement marquée par l'Apartheid, qui avait mis l'équipe au ban du rugby mondial de 1982 jusqu'au lendemain de la Coupe du monde 1991. Avant cette mise à l'écart, les Springboks affichaient un bilan de 20 victoires pour 14 défaites et 2 nuls contre les All Blacks. Pendant longtemps, il a fallu des quotas pour que les joueurs noirs, pour qui le rugby était interdit sous ce régime raciste, soient intégrés dans l'équipe nationale. A l'opposé de la culture néo-zélandaise. Aujourd'hui, pour la première fois de son histoire, l'Afrique du Sud a un capitaine noir, alors même que Chester Williams, premier noir à avoir porté le maillot sud-africain après l'Apartheid, est décédé d'une crise cardiaque début septembre à 49 ans. Les joueurs sud-africains porteront d'ailleurs un maillot à son effigie pour lui rendre hommage: "Nous admirons l'équipe de 1995 parce que nous avons l'impression qu'ils ont changé les choses pour nous en Afrique du Sud", a expliqué Siya Kolisi. Si leur victoire contre les Blacks en finale de la Coupe du monde 1995 à domicile, sous le regard attendri de Nelson Mandela, était la première des Sud-Africains sur les Néo-Zélandais depuis leur retour sur la scène internationale, elle n'a pas forcément fait des petits. Aujourd'hui, malgré un deuxième titre mondial en 2007, le bilan est de 36 victoires sud-africaines pour 58 défaites face aux hommes en noir.
L'Afrique du Sud revient à ses fondamentaux
Ces quatre dernières années, les Boks n'ont battu qu'une fois leurs rivaux (en 2018 à Wellington). Sur le terrain, la meilleure équipe d'Afrique a d'abord et avant tout brillé par la puissance de ses joueurs, leur capacité à briser l'adversaire en force, mais elle avait un peu oublié ce rugby là pendant quelques années. Troisième de la dernière Coupe du monde 2015 (après avoir perdu de deux points en demies contre les Blacks), au fond du trou en 2017, lorsqu'elle avait reçu une correction à Auckland (57-0), la plus sévère de leur histoire, cette équipe a retrouvé la lumière et de la compétitivité sous la houlette Rassie Erasmus. L'ancien 3e ligne des années 90 a remis l'église au milieu du village: des avants qui imposent leur puissance et avancent, une charnière qui occupe le terrain au pied, et des lignes arrières parfois moins impressionnantes physiquement que par le passé mais terriblement rapides. Le 27 juillet dernier, les deux équipes se quittaient sur un nul à Wellington (16-16), grâce à un essai transformé de dernière minute.
La philosophie à l'opposé entre les deux équipes est illustrée par leurs deux ouvreurs. D'un côté, Handré Pollard, le Sud-Africain, costaud, sobre dans son jeu, doté d'un bon coup de pied. Un chef d'orchestre traditionnel. De l'autre, Richie Mo'unga, précis pour buter mais surtout créateur ballon en mains, qui a poussé le meilleur joueur de la planète, Beauden Barrett, à l'arrière.
La température déjà au sommet
Pour ce choc majeur entre deux poids lourds, deux candidats à la victoire finale, le ton est monté de plusieurs crans avant même le match. Erasmus a été le premier à dégainer, en évoquant l'arbitrage parfois clément envers les Néo-Zélandais, "parce que si tu joues bien, les arbitres ont presque tendance à avoir du mal à te pénaliser s'ils ont une décision compliquée à prendre". Steve Hansen, son homologue chez les Blacks, a montré les muscles: "Je ne suis pas d'accord avec ce qu'il est en train de faire. Il essaye de mettre une pression extérieure sur les arbitres, qui sont déjà suffisamment sous pression."
Coup pour coup, dent pour dent, le match a été lancé dans les coursives du stade de Yokohama. Cela va se poursuivre sur le terrain pendant 80 minutes ce samedi.
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