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Coupe du monde 2019 : Les Etats-Unis sont "au balbutiement" du rugby, selon Alain Hyardet

Depuis 2017, Alain Hyardet entraîne la franchise d'Austin en Major League Rugby, aux Etats-Unis. Avant de débarquer dans le championnat professionnel américain, l'ancien joueur de Clermont-Ferrand, Béziers et Castres avait entraîné dans les deux premiers clubs où il était passé, ainsi qu'à Montpellier, Marseille-Vitrolles et Perpignan. Alors que les Etats-Unis affrontent la France, mercredi, pour leur deuxième rencontre de la Coupe du monde, il livre son diagnostic sur l'ovalie de l'autre côté de l'Atlantique. Avec critique et pistes de progression. Entretien.
Article rédigé par Maxime Gil
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
 

Quelle est la situation du rugby aux Etats-Unis ?
Alain Hyardet :
"Ça a démarré y a deux ans avec 7 franchises, puis 9 cette saison. L’année prochaine, il y en aura 12 avec l’arrivée de Washington, Atlanta et Boston. Ce sont des franchises professionnelles. Les dirigeants voulaient absolument qu’une ligue professionnelle soit créée. Mais elle l’a été sans cahier des charges qui impose un élargissement de la base afin que, demain, il y ait une vraie culture rugby. Ils ne se sont pas préoccupé de comment attirer des gens qui jouent au hockey, au football américain ou encore au baseball. Et c’est l’élément qui blesse : soit on a une base solide, soit il sera difficile de mettre en place des équipes professionnelles. Hormis acheter des étrangers."

Aux Etats-Unis, la culture sportive tourne autour des sports évoqués précédemment. Est-ce qu’il y a un peu d’intérêt toutefois pour le rugby ?
AH : "Ceux qui jouent au rugby, ce sont des Américains de deuxième ou troisième génération : des Irlandais, des Anglais ou encore des Sud-Africains, parce que leur famille joue au rugby. Des Américains pur qui y jouent, il n’y en a presque pas. D’ailleurs, il y a très peu d’Américains de grande taille au rugby car ils jouent au basket. C’est un signe : ce n’est pas dans leur culture."

Les franchises ont un quota limite d’étrangers dans leur effectif…
AH : "Cela change très régulièrement. Un coup c’est cinq étrangers maximum, un coup c’est dix. Lorsqu’une équipe n’utilise pas son quota maximum d’étrangers, il est possible de le compenser en offrant un laissez-passer à une autre équipe pour plus d’étrangers… Concernant le recrutement, comme dans tous les sports américains, il y a une draft. Les joueurs qui ne sont pas conservés sont placés sur une liste et c’est l’équipe la moins bien classée qui peut choisir en premier. Mais les joueurs appartiennent à la Major League Rugby et non pas à la franchise. On a un Salary Cap à 520 000$ sur la saison et le salaire maximum d’un joueur ne peut pas dépasser 35 000$."

Les Etats-Unis sont connus pour leurs stades démesurés dans leurs sports favoris. Qu’en est-il pour le rugby ?
AH : "Les installations, c’est le parent pauvre. Glendale (dans la région de Denver) a son stade et Houston vient d’en construire un de 5000 places. Mais les autres jouent sur des stades de football américain ou de soccer. C’est l’un des problèmes, il n’y a pas d’infrastructures : A Austin, on joue dans un stade de baseball, New-York aussi, Seattle et Utah c’est un stade de soccer, la Nouvelle-Orléans c’est un stade de football américain aménagé comme à Toronto et San Diego joue sur un terrain universitaire…"

  (MICHEL CLEMENTZ / MAXPPP)

Justement, est-ce que le rugby arrive à se faire une place dans les universités ?
AH : "Il y a des universités qui ont du rugby. Mais il y en a deux types : soit vous jouez à l'université en étant libre, soit vous ne pouvez jouer que pour l’université si elle vous prend en charge une bourse étudiante. Par exemple, j’ai voulu prendre un pilier une fois, mais il fallait qu’on l’achète à l’université."

En terme de budget, de combien disposent les franchises généralement ?
AH : "Les budgets sont autour de 1,5 - 1,6M$. Mais il y a le Salary Cap donc et les joueurs qui appartiennent à la Major League. C’est  également elle qui prend en charge la réservation des transports par exemple."

Côté terrain, à quoi correspond le niveau de jeu aux Etats-Unis ?
AH : "On est au balbutiement. Il n’y a pas d’homogénéité. Les joueurs qui disputent la Coupe du monde jouent avec des joueurs dont le niveau est équivalent à la Fédérale 3 ou à l’Honneur. Il n’y a pas de structures d’écoles de rugby, pas d’équipes Espoir, pas d’académies… Tout cela n’existe pas. Avec Austin, j’ai un groupe de 21 joueurs. Il m’a fallu plusieurs fois faire jouer le Team Manager pour compléter l’équipe… Mais il y a des équipes qui ont compris qu’il fallait développer la base et qui ont signé des partenariats avec des clubs amateurs pour faire des échanges."

Un engouement est-il en train de naître autour du rugby ?
AH :
"En février à Austin, il y a eu un match contre le Brésil qui a réuni 4500/5000 personnes… Le rugby est plus connu par le 7 : les Etats-Unis sont la première nation mondiale, il y a un vrai engouement pour le 7. Le rugby à XV, c'est plus complexe avec les règles et les postes spécifiques. Je pense toutefois que très rapidement le rugby va trouver sa place. On joue quand il n’y a pas de football américain. Donc on n’est pas en concurrence."

Un mot sur l’équipe des Etats-Unis qui affronte l’équipe de France ?
AH : "C’est une équipe qui va progresser. Elle a un jeu très stéréotypé. Il n’y a pas de prise d’initiatives, certainement dû une méconnaissance complète du jeu. A Austin, la grande difficulté que j’ai eue, c’est de mettre en place des structures de jeu avec de la continuité. Généralement, c’est un ou deux temps de jeu, puis les joueurs deviennent un peu spectateurs. Ils ont des difficultés à assurer du mouvement en multipliant les séquences ou dans le désordre. C'est pareil avec l'équipe nationale. Donc je pense que l’équipe de France va gagner avec le point de bonus offensif."

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