Coupe du monde de rugby 2022 : défense retrouvée, force mentale, jeunesse au rendez-vous... Pourquoi la défaite du XV de France face à l'Angleterre est pleine de promesses
Battues de peu lors du deuxième match de poules par les Anglaises, samedi, les coéquipières de Caroline Drouin ont réalisé une performance qui a tout d’un match fondateur.
Le spleen des derniers mois, nourri par un rugby grippé par les cafouillages et l’inconstance, avait poussé le XV de France à réajuster son discours. Celui qui ne cachait pas son ambition d’aller chercher son premier sacre mondial en Nouvelle-Zélande avant le Tournoi des six nations 2022, s’avançait après une préparation compliquée (une victoire poussive contre l’Italie et une défaite) comme un outsider solide, mais bien loin du statut d’ultra-favori justement collé aux Anglaises.
Pourtant, face à la première nation mondiale, et à une équipe qui a décroché son 11e succès consécutif face aux Tricolores, ce samedi 15 octobre lors du deuxième match de poules de la Coupe du monde de rugby, les Bleues sont peut-être allées enfin chercher ce match "fondateur". "On avait besoin de se rassurer sur notre état d’esprit, confirmait la meilleure plaqueuse du match Marjorie Mayans quelques secondes plus tard. C’était une année compliquée, je crois qu’on est dans le vrai et ça nous fait une bonne base pour la suite de la compétition."
Le retour des "affamées" en défense
La réussite du jour est avant tout défensive. Même lors du Tournoi, où elles ont échoué à faire le Grand Chelem en chutant lors du dernier match face à ces mêmes Red Roses, les Bleues n’ont jamais rendu une telle copie. A savoir en érigeant un mur défensif quasi hermétique sur sa ligne (1 seul essai anglais) et en parvenant à les contrer sur leur phase de jeu préférée : les ballons portés.
"On avait besoin de se prouver des choses individuellement et collectivement, et aujourd'hui, on fait le match parfait en défense, on les a fait douter. On peut lever la tête, je suis fière du groupe et de l'état d'esprit."
Gaëlle Hermet, capitaine du XV de Franceau micro de TF1
Pour bien se rendre compte de l’épaisseur de la performance réalisée, il faut jeter un coup d’œil aux chiffres. Au total, les Bleues ont réalisé près de 214 plaquages contre 74. Marjorie Mayans et Charlotte Escudero en ont réalisé 24 chacune. Rendez-vous compte, il est coutume de considérer que 10 plaquages à l'actif d'une joueuse ou d'un joueur est la preuve d’un bon match défensif. Face aux Anglaises, 9 Tricolores dépassent ce chiffre symbolique. On a bel et bien retrouvé "les affamées", surnom qu’elles se sont donné.
Fortes mentalement malgré les blessures
Si les premiers impacts - on se souviendra longtemps de ce plaquage de la trois-quart centre Maëlle Filopon sur la pilier Sarah Bern qu’elle fit reculer malgré une différence de gabarit évidente - ont rapidement prouvé que les Bleues seraient présentes dans l’engagement physique, deux faits de jeu auraient pu leur couper les ailes.
Sur l’une des rares offensives françaises, dès la 13e minute, Laure Sansus s’écroule, touchée au genou. Un peu plus tard (17e), c’est une autre cadre de cette équipe qui ne se relève pas. Romane Ménager est KO après avoir mal positionné sa tête en voulant plaquer. Elle finit par reprendre ses esprits mais est évacuée. En quatre minutes, le XV de France perd son maestro, son facteur X, celle qui a récemment été élue meilleure Française de la saison 2022, et un profil puissant et perforateur rare, essentiel pour faire avancer cette équipe ballon en main.
Loulou et Romane sont de grandes joueuses donc bien sûr que c’est dur de les perdre sur blessure, mais c’est le rugby, ça arrive. A ce moment-là, on essaie de rester dans le match. On se dit ‘elles nous font sortir deux joueuses, il faut qu’on réponde’.
Céline Ferer, deuxième ligne et vice capitaine du XV de Franceau micro de TF1
Après la sortie de ce duo, on s’attend presque à revoir ces Bleues tomber dans leurs travers récents, et à progressivement perdre le fil. Il n’en est rien. "On a fait preuve d’engagement, de solidarité, de personnalité, expose la deuxième ligne. Vu le score, elles [les Anglaises] ont eu chaud, ça reste un match perdu mais on peut rentrer aux vestiaires la tête haute."
Une jeunesse au rendez-vous
Cet état d’esprit est d’autant plus remarquable que ce XV de France a poursuivi la mue engagée lors du dernier Tournoi, laissant peu à peu les clés à une nouvelle génération. La plupart participe à leur premier Mondial. Si à l’arrière Chloé Jacquet (20 ans), impressionnante de sérénité lors du Tournoi, est passée à côté en balbutiant notamment plusieurs ballons hauts dès le début du match, Charlotte Escudero (3 sélections, 21 ans) a terminé co-meilleure plaqueuse, tandis que Joanna Grisez (2 sél, 26 ans) est largement impliquée sur l’unique essai français. Et il faut aussi souligner les performances de Madoussou Fall (19 sel, 24 ans), d’Emilie Boulard (14 sel, 23 ans) ou encore celle de Maëlle Filopon (17 sél, 25 ans).
Observer cette jeunesse passer si près d’infliger à l’Angleterre la première défaite de son histoire en poules d’un Mondial, et ce malgré les circonstances évoquées plus haut, a de quoi redonner le sourire. Le patron des Bleues, Thomas Darracq, n’a d’ailleurs pas pu s’empêcher d’en laisser passer un au moment de dresser le bilan. "On fait une grande performance défensive, mais on doit encore se lâcher. Ce sont des matchs qui se jouent à rien. J’espère qu’on aura l’occasion de revoir cette équipe d’Angleterre en face de nous."
Si les Bleues poursuivent sur cette voie, les retrouvailles promettent d’être aussi rapides qu’enflammées.
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