L'arbitrage en question
La vidéo ne peut pas tout. Et elle n'efface pas toujours les sentiments d'injustice à la sortie du terrain. Si la France avait battu les All Blacks en quarts de finale en 2007 sur un essai terni par un en-avant et lors d'une fin de match où elle n'avait jamais été sanctionnée, le scénario s'est inversé en Nouvelle-Zélande en 2011. De façon presque attendue par les joueurs.
"Ce qui m'énerve, c'est que pour tout le monde, c'était logique que la Nouvelle-Zélande soit vainqueur et qu'on ait pénalisé la France, ce n'était pas trop grave", regrettait Dimitri Sazarzewski, le talonneur. Un avis repris par son coéquipier Maxime Mermoz, avec une bonne dose d'ironie: "Je n'ai pas l'impression que tous nos efforts aient été récompensés. C'était chez eux, c'était écrit, tout a été fait pour que ça soit respecté, malgré nos efforts. C'est une équipe magique! Ils ne font jamais de fautes au sol, en mêlée, même quand ils reculent, ils ne sont jamais à la faute... Ils sont vraiment très forts, quoi". Fabien Barcella était beaucoup plus direct dans ses affirmations: "On savait qu'il n'allait pas siffler sinon il n'allait pas pouvoir sortir du pays. On savait qu'il n'allait pas mettre une pénalité pour nous, qu'il nous faudrait un drop ou un essai".
"Pas arbitré de la même façon"
Vincent Clerc avait une pointe de mesure en plus: "On n'a pas eu les pénalités qu'il fallait dans leur camp, on n'en a pas eu une seule en deuxième mi-temps. On ne les a jamais eues alors qu'il y a eu quelques actions plus que litigieuses". C'était aussi le cas de François Trinh-Duc: "Je ne veux pas réagir à chaud, ni jeter la pierre à l'arbitre, on savait que le contexte était contre nous, qu'il fallait être deux fois meilleurs qu'eux. C'est vrai que ça a été difficile d'accepter certains choix de l'arbitre." Et Pascal Papé de déplorer: "A chaud, je suis fier et énormément déçu. C'est dommage de perdre d'un point sachant que quelques décisions sont complétement... On n'a pas été arbitré de la même façon". Certains y ont même vu un arbitrage "sudiste" pour les All Blacks, et "nordiste" pour les Bleus. Alexis Palisson avait également des regrets mélangés à de la satisfaction: "On nous a promis la finale avec le plus large écart de points mais on a vu qu'on avait du courage, qu'on s'est battu jusqu'au bout et qu'on a fait douter les Blacks. On est un peu déçus par rapport à l'équité, par rapport à cet arbitrage."
Bien sûr, il y a eu de nombreuses actions litigieuses, de nombreux moments qui auraient pu faire pencher la balance dans le camp tricolore. Bien évidemment, Richie McCaw a souvent semblé au-delà de ce qui est permis, comme souvent. C'est son rôle, celui d'un des premiers joueurs à arriver aux points de rencontre, en charge de ralentir le ballon adverse ou au contraire de permettre sa vie en phase offensive. C'est vrai qu'il y a eu quelques plaquages un peu hauts, que certaines fois, Craig Joubert a semblé plus pressé de siffler une faute française que de désigner du doigt un All Black, les rappelant souvent à l'ordre sans forcément les sanctionner. La campagne des médias néo-zélandais a-t-elle pu l'inciter à plus regarder d'un côté que de l'autre ? Mais dans l'hémisphère Sud, le spectacle prend parfois le pas sur la règle, ce qui donne des matches plus alertes, et ce qui peut déboussoler les joueurs de l'hémisphère Nord. Libéral, le Sud-Africain l'a sans doute été. Trop ? Oui, au goût des Français, non à celui des Néo-Zélandais. Forcément. C'était l'inverse voici quatre ans.
Manque de communication ?
Les Bleus n'ont-ils pas simplement pêché dans la compréhension de l'arbitrage ? Comme le confiait Raphaël Ibanez, ancien capitaine et consultant France Télévision sur le plateau de Stade 2, les Français auraient peut-être dû aller voir l'arbitre plus souvent, pour préciser certains points comme pour lui mettre un peu plus de pression. Avant la demi-finale entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande, Pocock et McCaw, les deux meilleurs 3e ligne du monde, avaient d'ailleurs expliqué que leur travail était d'adapter leur défense à ce que l'arbitre demandait et sanctionnait. Connu pour jouer à merveille cette partition, le capitaine des nouveaux champions du monde a virevolté. "J'aurais franchement préféré perdre de quarante points que d'un point", lançait Szarzewski. "McCaw et Kaino, ils ont fait ce qu'ils ont voulu sur le terrain. Ce sont des joueurs que je respecte énormément mais à un moment donné, on ne peut pas les laisser faire ce qu'ils veulent sur le terrain. Sinon, on arrête de jouer."
Après avoir déclaré que Craig Joubert était le meilleur arbitre du monde avant le match, Marc Lièvremont n'a pas fait machine arrière: "J'ai rencontré Craig Joubert il y a deux jours et je lui ai dit, effectivement, que je pensais que c'était le meilleur arbitre du monde. Je lui ai dit que la pression sur ses épaules devait être extrêmement forte. Je lui ai dit aussi qu'un homme pouvait se tromper et je me suis engagé, quoi qu'il arrive, ce (dimanche) soir, à ne pas critiquer son arbitrage". Une phrase qui laisse poindre ce que le sélectionneur a dans la tête.
Mais ce sont bien les Néo-Zélandais qui sont champions du monde, et ce sacre, les Français ne veulent pas non plus le leur retirer avec ces critiques: "Il ne faut rien enlever à la victoire des Blacks. C'est de loin la meilleure équipe du monde. Ce soir, ils ne méritaient peut-être pas de gagner. En tout cas, ils ont eu la chance qu'on a eu la semaine dernière", concluait Pascal Papé. Avec lucidité et fair-play.
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