Non, l'équipe du Japon ne débarque pas en touriste au Mondial de rugby, la preuve
Quand on vous dit "ballon ovale", vous pensez "All Blacks" et pas "pays du Soleil Levant". Pourtant, vous devriez.
Demandez à un fan de rugby moyen ce qu'il connaît du Japon. Il vous parlera à coup sûr du match contre les All Blacks de 1995, plus gros écart de l'histoire de la compétition, avec un score de 145 à 17 (au Japon, on parle du "désastre de Bloemfontein"). Il vous dira aussi que le pays du Soleil Levant organisera la Coupe du monde en 2019. Et maintenant, il vous parlera de cette victoire incroyable contre l'Afrique du Sud (34-32) samedi 19 septembre. De quoi balayer définitivement les clichés associés au rugby japonais ?
"Jouer contre le Japon au Mondial, c'est la victoire assurée"
C'est vrai, mais ça pourrait changer. Le bilan des Brave Blossoms (les fleurs vaillantes) dans l'épreuve reine fait peine à voir : deux victoires (une en 1991, une en 2015 !), deux nuls et 21 défaites.
Il faut dire que les Japonais ont rarement abordé la Coupe du monde avec un mental de vainqueur. En 2011, le précédent sélectionneur, John Kirwan, avait fixé à ses troupes l'objectif de deux victoires contre les adversaires abordables de la poule, les Tonga et le Canada. Les Japonais s'étaient mis une pression terrible et avaient explosé, terminant derniers. Cette fois, le coach, Eddie Jones, voit loin : "L'objectif, c'est les quarts de finale". C'est-à-dire finir dans les deux premiers d'un groupe comprenant l'Afrique du Sud, l'Ecosse, les Samoa et les Etats-Unis. Beaucoup étaient sceptiques... jusqu'à cette incroyable victoire contre l'Afrique du Sud. Reste maintenant à enchaîner contre l'Écosse, autre gros morceau, quatre jours plus tard.
"Les joueurs japonais sont petits et chétifs"
Alerte cliché ! La force de l'équipe japonaise, c'est sa mêlée, entraînée par l'ancien talonneur tricolore Marc Dal Maso. Dans le défi physique, les Japonais répondent présents. En match de préparation, ils ont ainsi résisté à la terrible mêlée géorgienne pour remporter une victoire méritoire (13-10). Et ils ont aussi des désosseurs, comme le troisième ligne Amanaki Lelei Mafi, rendu célèbre par un caramel (un plaquage particulièrement violent) infligé à un adversaire néo-zélandais.
Tout juste Sébastien Marignol, fondateur du site Japonrugby.net et intarissable sur le rugby nippon, concède-t-il un déficit de gabarit en deuxième ligne –les géants qui doivent attraper le ballon en touche. Aucun joueur ne mesure plus de 2 mètres. Et ne les assimilez pas à une équipe de bûcherons. Le sélectionneur Eddie Jones a même rendu visite à Pep Guardiola, l'entraîneur du club de foot du Bayern Munich, pour s'inspirer de son animation offensive, note la BBC (en anglais).
Deux joueurs sont à surveiller particulièrement : le demi d'ouverture Ayumu Goromaru, redoutable buteur. "C'est un peu le Jonny Wilkinson japonais. Il a le même style quand il tape une pénalité. Son souci, c'est qu'il pèse 100 kilos et a un peu de mal à courir."
Autre joueur de talent : le demi de mêlée Fumiaki Tanaka, qui évolue dans le championnat de l'hémisphère Sud, le Super 15, aux Otago Highlanders (Nouvelle-Zélande). "Un des dix meilleurs au monde, personne ne lui est supérieur en Top 14", veut croire Sébastien Marignol. C'est aussi le plus petit joueur présent au Mondial (à égalité avec le joueur géorgien Vazha Khutsishvili), 1,65 m sous la toise. Comme quoi, les clichés ont la vie dure... Cela dit, en 2011, c'était un joueur russe qui était le plus petit du tournoi. Il mesurait lui aussi 1,65 m.
"Le rugby au Japon, c'est tout récent !"
Erreur ! Le rugby est arrivé au Japon avant qu'il ne débarque en France. Le club de Yokohama a fêté ses 150 ans, soit plus que le doyen des clubs tricolores (Le Havre, si, si, créé en 1872). Mais l'Ovalie à la nippone a du mal à percer, en raison d'un championnat semi-professionnel géré par des entreprises puissantes et d'une absence totale de médiatisation. "En quatre ans, seuls deux matchs de l'équipe nationale ont été diffusés à la télévision publique : le France-Japon du Mondial 2011, et un Japon-Nouvelle Zélande en 2013, et en différé cette fois", déplore Sébastien Marignol. Le public du rugby vieillit, les jeunes préférant le football, derrière l'inamovible base-ball, premier sport collectif, de très loin, au Japon.
"L'équipe du Japon est composée de beaucoup d'étrangers, non ?"
Oui et non. Onze des 31 joueurs de la sélection emmenée par Eddie Jones en Angleterre ne sont pas nés au Japon. Un chiffre dans la moyenne des précédentes Coupe du monde. A comparer avec les 14 joueurs retenus dans l'équipe des Samoa qui sont nés... en Nouvelle-Zélande.
Le sujet revient régulièrement au Japon, entre ceux qui considèrent que les joueurs étrangers se sont intégrés dans le pays et les tenants d'une équipe 100% japonaise. "Lors de la Coupe du monde de 2003, le sélectionneur avait choisi beaucoup de joueurs étrangers, sans résultats, raconte Sébastien Marignol. Son successeur, Mitsutake Hagimoto, a appliqué une politique inverse, et a effectué sa première tournée en Europe uniquement avec des nationaux. Les Japonais ont encaissé deux défaites humiliantes en Ecosse (100-8) et au pays de Galles (98-0), qui ont mis un terme à l'expérience." En cas de débâcle de l'équipe d'Eddie Jones en Angleterre, un nouveau mouvement de balancier n'est pas à exclure.
Soyez-en sûr, vous n'avez pas fini d'entendre parler du rugby japonais. Forcément en 2019, à l'approche de la Coupe du monde, mais peut-être avant, si des internationaux tricolores décident de rejoindre le championnat local. Ainsi, Mathieu Bastareaud n'a pas fait mystère de son envie de finir sa carrière à l'ombre du mont Fuji.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.