Plaqueur de moutons, joueur de cornemuse et gendre idéal : la vie de Richie McCaw, capitaine des All Blacks
Il est considéré comme le meilleur joueur du globe, il mène l'équipe la plus redoutée de la Coupe du monde, mais son image reste celle d'un homme lisse. Pourtant, l'histoire de Richie McCaw vaut le coup qu'on s'y attarde.
"On donne vraiment le maillot des All Blacks à n'importe qui." Voilà comment Josh Kronfeld, troisième ligne des All Blacks, a qualifié la première sélection de Richie McCaw, en 2001, contre l'Irlande. A sa décharge, il ne pouvait pas deviner que le jeunot incorporé dans la plus prestigieuse équipe du monde avec une poignée de matchs en pro allait devenir le seul rugbyman à être élu trois fois meilleur joueur du monde par l'IRB (International rugby board).
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Alors que les Néo-Zélandais défient les Français en quarts de finale de la Coupe du monde de rugby, samedi 17 octobre, retour sur la carrière d'un monument, aujourd'hui âgé de 34 ans.
Des poteaux de rugby dans la ferme familiale
Aucune plaque commémorative ne figure à l'entrée de Kurow, le village où a grandi Richie McCaw, dans l'île du Sud de la Nouvelle-Zélande. Dans la ferme de cette famille d'origine écossaise, on trouve quand même deux poteaux de rugby dans un pré. Mais le jeune Richard Hugh McCaw a rapidement choisi le poste de troisième ligne. Un avant, costaud, qui dispute le ballon dans les rucks, mais qui ne touche jamais le ballon du pied, ou presque. "Les poteaux n'ont pas beaucoup servi", confie le père du rugbyman au site Stuff.co.nz (en anglais).
En revanche, les moutons voisins se souviennent peut-être des séances de plaquages que leur infligeait le jeune Richard, qui ne lésinait pas pour se perfectionner dans l'exercice. Une pratique courante au pays du long nuage blanc : jusqu'à récemment, à la mi-temps des matchs professionnels, des moutons étaient lâchés sur le terrain pour servir de sparring partners aux juniors du club. Intervilles façon ballon ovale, en quelque sorte. On ignore en revanche si Richie McCaw maintient sa condition physique en gravissant des collines avec un mouton sous chaque bras, comme le veut la légende de Colin Meads (en anglais), meilleur joueur des Blacks au XXe siècle.
Sa carrière était planifiée sur une serviette en papier
Richie McCaw n'a pas qu'une tête de premier de la classe, il a failli en devenir un. Il s'en est fallu de très peu pour qu'il embrasse une carrière dans l'agronomie. Pour le plus grand bonheur du rugby néo-zélandais, il a finalement choisi le ballon ovale. En quatorze ans sous le maillot néo-zélandais, il affiche un hallucinant taux de victoire de 89%, record du monde. Son chef-d'œuvre, c'est bien sûr la Coupe du monde 2011, remportée... avec un pied fracturé pendant un match de poules. McCaw a refusé de passer des examens à l'hôpital, de peur qu'on l'empêche de jouer. Il a terminé le Mondial en serrant les dents. "Il pouvait à peine marcher avant la finale", confie au Times sud-africain (en anglais) Graham Henry, le sélectionneur de l'époque. Ce qui lui vaudra cette maxime admirative de l'ancien international anglais Paul Ackford, en quatrième de couverture de l'autobiographie The Real McCaw : "Meilleur sur une jambe pendant la Coupe du monde que la plupart des joueurs sur deux."
Richie McCaw est unanimement considéré comme le meilleur joueur du monde. "Le meilleur joueur de tous les temps", a renchéri le sélectionneur sud-africain Heineke Meyer. Toute sa carrière était planifiée... sur une serviette en papier, griffonnée après une conversation avec son oncle lors d'un repas de famille, alors que le jeune McCaw n'avait que 18 ans. L'objectif final, devenir un "GAB", "Great All Black" est largement atteint.
Ce qui n'empêche pas le troisième ligne de l'équipe des Canterbury Crusaders de Christchurch (une des meilleures de Nouvelle-Zélande) de se balader partout avec un petit carnet sur lequel il griffonne des idées de lancement de jeu. En haut de chaque page, il inscrit systématiquement "start again" ("recommence"), comme cela a été immortalisé dans un spot de pub pour une marque de casques audio. "Pour lui, quand il joue bien, c'est un jour comme un autre au bureau", constate le sélectionneur Steve Hansen dans le New York Times (en anglais).
"Un authentique gentleman" ?
En plus d'être le meilleur, Richie McCaw est aussi adulé dans son pays. Il a été élu homme le plus désirable de Nouvelle-Zélande en 2012 et figure en bonne place au classement des personnalités avec qui les Néo-Zélandais partageraient un déjeuner ou un long voyage en avion. Il devance, dans ces classements, plusieurs top models célèbres. Explication de l'institut de sondage, cité par TVNZ (en anglais) : "Les femmes qui ont répondu 'oui' ont l'espoir de l'épouser, les hommes celui de lui marier leur fille." Si, si.
L'image de Richie McCaw s'est aussi forgée lors d'un match en Afrique du Sud, en 2002. Le troisième ligne a fait rempart de son corps pour protéger l'arbitre irlandais, menacé par un supporter des Springboks mécontent. "Non seulement Richie McCaw est l'un des meilleurs à son poste, mais c'est aussi un authentique gentleman", insiste l'homme en noir David McHugh après la rencontre, cité par le New Zealand Herald (en anglais). Le joueur ne court pas après les honneurs : il a refusé d'être anobli par le Premier ministre John Key – mais ce dernier affirme que la proposition, émise en 2011, tient toujours – et a poliment décliné une invitation au mariage princier de Kate et William pour préparer un match avec les Crusaders.
Et quand les supporters néo-zélandais affichent une bannière "McCaw Premier ministre" lors d'un match face aux Australiens, John Key rebondit aussitôt : "Pourquoi pas ? Ce ne serait pas un mauvais choix !" D'un naturel prudent, le All Black a aussitôt botté en touche sur TV3 : "Cela diviserait mes supporters par deux, donc ce n'est probablement pas une bonne idée."
Si la popularité de Richie McCaw est intacte au pays, le joueur est universellement haï des autres nations du rugby. Les supporters adverses estiment qu'il est systématiquement hors-jeu sur les rucks (c'est souvent le cas, des T-shirts "je ne suis pas alcoolique, je bois à chaque fois que McCaw est hors-jeu" font un carton en Australie), qu'il n'est jamais sanctionné par des pénalités (c'est faux) et qu'il ne prend jamais de carton (c'est plutôt vrai). Copieusement sifflé par le public de Twickenham lors de l'entrée en lice des All Blacks, il a eu cette réponse : "Vous n'êtes pas sifflé si vous n'êtes pas bon. Si vous êtes un joueur moyen, tout le monde s'en moque."
Planeur, maisons de retraite et cornemuse
Après la Coupe du monde, Richie McCaw va probablement quitter l'équipe nationale et se consacrer à son club pendant un ou deux ans. Et après ? Financièrement, son avenir est plus qu'assuré, grâce à de juteux investissements dans des maisons de retraite – presque tous les All Blacks y ont investi. Richie McCaw possède des parts dans 13 structures d'aide aux personnes âgées, et figure au conseil d'administration d'une demi-douzaine de sociétés d'investissement, relève le New Zealand Herald (en anglais).
Pas de quoi l'empêcher d'assouvir sa grande passion : le planeur. Quand il a pris un congé sabbatique de six mois après le Mondial 2011, il a tenu à participer au championnat néo-zélandais de la spécialité, raconte le Daily Telegraph (en anglais). Un lointain héritage de son grand-père Jim, pilote de chasse et héros de la seconde guerre mondiale. Richie McCaw a d'ailleurs été nommé chef d'escadron honoraire par l'armée néo-zélandaise. Et quand le temps sera mauvais, il pourra toujours réviser ses gammes de cornemuse, instrument qu'il maîtrise à la perfection. Si l'arrière-arrière-grand-père de Richie McCaw n'avait pas émigré d'Ecosse à la fin du XIXe siècle, la face du rugby en aurait probablement été changée. Les fans de ballon ovale ne rabâcheraient peut-être pas ce bon mot : "les Ecossais sont des All Blacks qui n'ont pas appris à gagner".
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