: Portrait Coupe du monde de rugby : Damian Willemse, le Springbok écolo
Ses crochets dévastateurs sont à surveiller de près. Ouvreur ou arrière, Damian Willemse est l'une des attractions de l'Afrique du Sud, qui défie le XV de France en quarts de finale de la Coupe du monde, dimanche 15 octobre. Ce trois-quart polyvalent de 25 ans tentera, comme à son habitude, de s'engouffrer dans le moindre espace vacant. Lors de la victoire contre les Ecossais (18-3) en phase de poules, il avait d'ailleurs été celui qui avait le plus avancé (103 m), derrière l'ailier Cheslin Kolbe (117). Des appuis de feu hérités de ses premières années de rugby sur les plages de Strand, une banlieue côtière du Cap.
"Dès son plus jeune âge, il jouait dans notre équipe de touch rugby sur la plage", confie à Super Sport (article en anglais) son frère Ramone Samuels, de quatre ans son aîné. Le gamin apprend l'art de l'esquive sur les reliefs sablonneux, où il flambe au point de participer à des tournois seniors à tout juste 13 ans. Gambader sur les dunes de ce quartier gangréné par la criminalité et le trafic de drogue – héritage direct des "zones réservées" sous l'Apartheid – apparaît alors comme un exutoire. "Notre entraîneur savait quels dangers nous guettaient, donc on se concentrait sur notre entraînement", rejoue Damian Willemse pour le média Game Plan (article en anglais).
Une récolte de fonds pour planter des arbres
Ses talents s'exportent rapidement sur le rectangle vert et lui confèrent un changement de vie radical. Le feu follet obtient en 2011 une bourse pour étudier au Paul Roos Gymnasium, centre de formation pour de nombreux Springboks en devenir. Dans ce lycée très élitiste, point de départ de ses futurs succès professionnels, Willemse est subjugué par la verdure à perte de vue. "Je n'avais jamais vu cela là où j'ai grandi, cela m'a vraiment frappé, confie-t-il. J'ai grandi dans un coin dépourvu d'arbres, j'ai alors réalisé l'impact de la nature sur le bien-être d'une personne."
Faut-il y voir les germes de sa conscience environnementale ? Dix ans plus tard, le gamin de Strand a fait de la végétalisation de son quartier un cheval de bataille. Inspiré par l'initiative du footballeur espagnol Hector Bellerin, il récolte, à l'automne 2021, des fonds pour la plantation de 500 arbres à Strand. "En tant qu'athlètes, nous avons une tribune et je veux l'utiliser pour changer l'environnement", assure-t-il. Sur la plage où il a éclos, Damian Willemse organise également des collectes de déchets.
"L'une des peronnes les plus spéciales"
Cet engagement, loin d'être anodin en Afrique du Sud – plus gros émetteur de gaz à effet de serre du continent – témoigne d'une certaine sensibilité. "C'est l'une des personnes les plus spéciales avec qui j'ai eu la chance de travailler", confirmait l'an passé son entraîneur aux Stormers, John Dobson. Sorte de mentor du Springbok, ce dernier l'a lancé en professionnel en 2017 à la Western Province.
"Avant son premier match, j'ai emmené l'équipe visiter un musée de la mine à Kimberley, poursuit-il. Il fallait payer 40 rands (environ 2 euros) pour en savoir plus sur les mineurs, et le seul joueur à l'avoir fait était Damian". John Dobson se souvient alors d'un jeune érudit, toujours avec "un énorme livre de 700 pages sur la Seconde guerre mondiale" sous le coude.
Six ans plus tard, ces stratégies martiales ont peut-être influé sur sa conduite méticuleuse et sans faille du jeu sud-africain. Champion du monde sans peser sur le destin des siens (un match joué) en 2019, Willemse est arrivé à maturité. Et avec ses coéquipiers teintés de vert, ce joueur écolo va tenter d'économiser le bilan carbone du trophée Webb Ellis en le laissant en Afrique du Sud.
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