: Reportage Coupe du monde de rugby : on a vécu la communion des supporters anglais, argentins et écossais à Marseille
Une farandole de maillots bleu et blanc devant le stade Vélodrome, cela relève, jusque-là, de la banalité. Mais samedi 9 septembre, les indémodables "Aux Armes !" ont été troqués contre des "Ole, Ole, Ola !", à l'accent argentin et à la gloire des Pumas. Et pour cause, en ce premier week-end de Coupe du monde, l'hégémonique Olympique de Marseille s'est exceptionnellement mis en retrait pour laisser aux supporters de l'Argentine, de l'Angleterre, de l'Ecosse et, à un degré moindre, de l'Afrique du Sud le soin de faire vibrer la cité phocéenne. Et qu'importe si celle-ci n'est d'ordinaire pas une franche terre de rugby, elle a pleinement joué le jeu.
Des quatre nations invitées à Marseille, les aficionados Pumas ont eu la palme des décibels sonores. La performance, d'autant plus méritoire si l'on tient compte des 11 000 kilomètres de distance, a été acquise avec la complaisance de quelques locaux, marqués par les souvenirs des icônes argentines de l'OM comme Marcelo Bielsa ou Lucho Gonzalez.
"C'est une ambiance géniale !", clament Vicky et Maria, deux Argentines fondues dans une foule festive. L'entrée dans le stade manque de fluidité ? On tue le temps en entonnant les refrains remis au goût du jour par la victoire des footballeurs lors du dernier Mondial. "Et encore, la rivalité entre Boca et River peut parfois nous diviser, alors que là, c'est l'unité totale", poursuit Vicky.
Mais cette furia n'a pas résisté à l'apathie de Pumas sans crocs sur le terrain. Plus friands de bière que des batailles de chœurs sur le parvis du stade, les Anglais se sont brusquement manifestés au coup d'envoi en entonnant plus de "Swing low, sweet chariot" que leur ouvreur George Ford n'a enquillé de coups de pied gagnants. Surpris par la chaleur marseillaise – au point que l'on a surpris Owen Farrell, suspendu, transportant un grand ventilateur – et suffisamment alcoolisés pour qu'un chauffeur de taxi juge "dangereux" d'embarquer l'un d'eux après la rencontre, les supporters anglais sont rentrés tardivement mais franchement dans leur match.
"On va récupérer les Malouines !"
A leur décharge, ils étaient un certain nombre à se désaltérer dans des bars du Vieux-Port dès l'après-midi – et sans doute bien avant – et à gentiment s'invectiver avec leurs homologues adverses. "On va récupérer les Malouines !", a par exemple lâché un Puma à l'accent hasardeux. Celui-ci recevant, en retour, des rires narquois d'Anglais dont la venue s'est avérée plus réjouissante que lorsque des hordes de hooligans s'étaient opposées dans la même ville lors d'Angleterre-Russie à l'Euro 2016 de football, un triste événement rebaptisé "La bataille de Marseille".
Moins concernés par la rencontre du jour, les supporters écossais ont observé la scène de loin, en attendant leur tour. Alors que les Sud-africains ont paru plus en retrait durant le week-end, les amoureux du Chardon s'étaient montrés nettement moins passifs la veille. Les artères du Vieux-Port étaient déjà noires de monde lorsque, à Saint-Denis, les Bleus inauguraient ce Mondial contre les All Blacks. "Je sais dire 'Allez les Bleus' et 'une pinte', ça suffit non ?", rigolait Ian, un supporter écossais. Lui avait fait dans la mesure, contrairement à nombre de ses compatriotes fidèles au kilt et à la cornemuse.
Mieux valait s'armer de patience pour circuler dans ces allées bondées, et on a longtemps plaint ce pauvre père de famille s'y aventurant avec une poussette. "C'est souvent plein quand c'est l'OM, mais là, on ne s'attendait pas à autant de monde !", jubilait l'étudiante Lucie. "Y a pas autant de télés pour le foot !", complétait l'un de ses collègues tentant de se frayer un chemin. Les bars avaient sorti le grand jeu, au point que l'un d'eux retransmettait la rencontre sur un immense vidéoprojecteur... diffusé sur des murs adjacents.
La grande messe du rugby en attendant le pape
Malheureusement, l'audace du patron a été gâchée par le retard de son décodeur, évalué à une quarantaine de secondes par rapport aux autres établissements. Sans doute s'est-il consolé avec le franc succès des tireuses à bière improvisées en extérieur. "J'ai déjà écoulé une quinzaine de fûts, soit 500 litres !", dénombrait la serveuse d'un bar en face peu avant le coup d'envoi. "Ils sont chauds les Anglais", lui rétorquait un passant.
Au même moment, le quartier entonnait à l'unisson la Marseillaise, dont une bonne partie dans un franglais douteux. Cet enthousiasme général, palpable au coup de sifflet final (27-13 pour la France), devrait perdurer d'ici au 21 septembre, date du match des Bleus à Marseille, contre la Namibie. Et ce d'autant que les Anglais, Ecossais et Argentins seront remplacés par d'autres fidèles : deux jours plus tard, le pape François célébrera une grande messe dans un stade Vélodrome comble.
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