XV de France: des doutes et des certitudes
Pascal Papé le disait dernièrement: "le match contre l'Ecosse n'était pas une réussite, mais on en retient que c'est un match que l'on a gagné. On a confiance en notre potentiel". Il faut dire que sa prestation et son succès étriqué face à une formation écossaise qui n'a rien d'un épouvantail n'était pas de nature à rassurer les aficionados du XV de France. Mieux même, après une partie un peu plus conséquente contre l'Angleterre, cette équipe de France a semblé de nouveau retomber dans ses travers, et son inconstance ne manque pas d'inquiéter.
Préparée pour le combat
Qu'importe la manière, semble-t-on dire tant du côté du staff que de celui des joueurs. L'important est d'être bien préparé et d'obtenir des victoires. "On a gagné deux matches d’affilée... C’est vrai que contre l’Ecosse on n’a pas mis l'intensité que l'on avait mise auparavant contre l'Angleterre... Les joueurs savaient qu'ils étaient dans la liste des 31, ils n'avaient pas envie de louper l'avion pour la Coupe du monde en se blessant...." justifiait le sélectionneur Philippe Saint-André.
"On s'est bien préparé. Ça fait trois ans et demi que l'on travaille là-dessus. Ce qui est important, c'est l'investissement que les joueurs ont mis. Il y a eu une adhésion totale, un investissement fantastique. Les mecs sont bien, physiquement, psychologiquement. On est dans les résultats attendus. Le match contre l'Ecosse, je le redis, s'est inscrit dans une semaine de préparation où l'on a énormément travaillé physiquement. Maintenant, on est vraiment sur la récupération, il faut que les joueurs fassent du jus. Donc on fait des séances courtes pour être bien le 19 septembre à Twickenham. On a des compétiteurs, des joueurs avec un état d'esprit exceptionnel et il fallait leur donner les moyens de se préparer..." précise PSA pour qui il n'y a pas lieu de tirer la sonnette d'alarme.
Le sélectionneur français peut en effet se satisfaire du comportement d'un "groupe qui vit bien" et de la volonté qu'il affiche de se dépasser. Il peut peut aussi s'enorgueillir d'avoir bien préparé son groupe pour qu'il tienne la cadence et soit performant sur le plan physique. Et cela se traduit par deux secteurs majeurs dans lesquels les Français sont plutôt bons. La mêlée, solide et foncièrement expérimentée, capable de subir les packs les plus redoutables sans prendre la marée, et la touche, élément-clé pour le lancement du jeu, secteur que les Français maîtrisent plutôt bien, grâce à un travail de fond sur le timing et la coordination. Pour beaucoup, cela risque d'être essentiel pour s'en sortir dans une compétition où il faut s'attendre avant tout à du combat.
Entre Bleus clairs et Bleus foncés
Parce que les enjeux sont énormes, parce que l'analyse des équipes est poussée à son paroxysme et parce que les niveaux sont resserrés, cette Coupe du monde de rugby ne devrait en effet guère laisser de place à un rugby spectaculaire dans les matches-clés. Ce qui peut laisser de la place à des équipes surtout performantes sur les fondamentaux.
"Aujourd'hui, tu joues pour gagner, pas pour produire du beau jeu et un spectacle. Donc si tu arrives à gagner sans faire du beau jeu, beaucoup d'équipes partiront là-dessus", résume le demi de mêlée Morgan Parra. Et des parties probablement fermées, car sous haute tension, il y en aura sans doute plus que de raison. Patrice Lagisquet , l'adjoint de PSA, ne dit pas autre chose: "On sait qu'on arrive souvent à très bien construire de grosses défenses. A la Coupe du monde, on ne va pas échapper au triptyque classique: conquête, défense, occupation. Si on a des lacunes sur un de ces trois domaines, on sera en difficulté."
Autrement dit, construire et conquérir. Mais pour faire quoi des munitions obtenues ? On a vu que les Français ont énormément de mal à franchir le rideau adverse. La faute d'abord à un jeu au pied déficient qui ne met pas suffisamment la pression sur l'adversaire ou qui lui rend le ballon. La faute aussi à un talent offensif réduit à la portion congrue. Depuis vingt ans à mettre l'accent sur la défense, on a l'impression que les joueurs français ont désappris en matière d'attaque. Ce qui complique les choses au moment de concrétiser. Ce que Lagisquet reconnaît à demi-mots: "il faudra quelque chose en plus si on veut ambitionner d'être compétitif dans le dernier carré. On ne peut pas tenir un autre discours. Mais ce qui se passe souvent, c'est qu'après un mois et demi de compétition, les équipes sont tellement en place et tu as tellement décrypté le jeu adverse que les finales se jouent à pas grand-chose." Ce "pas grand-chose" résidera sans doute dans l'habileté technique et tactique des demis et trois-quarts à créer à partir de rien ou presque des situations de marque. Il faudra savoir parfois profiter du désordre.... Si le public et les supporteurs des Bleus déplorent la mort lente du "french flair", du côté du staff et des joueurs on se veut plus pragmatiques.
A l'image de Frédéric Michalak, pour qui il n'est pas question de partir à l'abordage. "Il faut avoir de l'ambition de jeu c'est sûr, mais l'ambition de jeu ce n'est pas faire n'importe quoi", appuie l'ouvreur toulonnais au diapason de l'encadrement qui exhorte les joueurs à "faire des choses simples, mais à bien les faire". "Une équipe a forcément des faiblesses quelque part et on va s'y adapter", poursuit Michalak. "Le jeu c’est d’abord une bonne défense". Nous voilà donc prévenus. Nous serons au stade pas au spectacle.
Pourtant, finalement, si le XV de France tient son rang, et va plus loin que beaucoup ne le craignent, on oubliera ces incertitudes et ces nuances entre "Bleu clairs et Bleu foncés". En tout cas, quelle que soit la manière, si les victoires sont là, le public, souvent versatile, se rangera à cette philosophie du résultat. L'important peut-être restera la mobilisation de l'équipe et son engagement. Ce dont ne doute pas Philippe Saint-André: "On représente le rugby français (...) On va aller dans une compétition planétaire qui n'aura jamais été aussi médiatisée. Dans le pays qui a inventé notre sport. On ne peut donc qu'y aller avec de l'envie. Je ne sais pas si on va être champion du monde mais depuis deux mois on se prépare à l'être."
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