XV de France, le temps du danger
Jusque-là, Marc Lièvremont avait surfé sur la vague de la concurrence et de l'ouverture. Le sélectionneur s'était refusé à établir une équipe-type, laissant tout son groupe de 30 sous pression, avec l'espoir d'être titulaire au moment où les matches comptent. Ce temps est venu, avec France-Tonga décisif pour la qualification puis un quart de finale théorique contre l'Angleterre, et l'ancien troisième ligne semble tout prêt d'avoir trouvé son groupe. Ce resserrement fera forcément des déçus. "Dans chaque Coupe du monde, dans chaque compétition, ce sont des problématiques qui se présentent. Ce qui fait la réussite au sein d'un groupe, c'est aussi les joueurs qui ne jouent pas. Ils pourraient être impliqués. Parce qu'il peut y avoir des blessures mais pas seulement", tente de positiver le sélectionneur. "J'ai le sentiment que tous les joueurs peuvent être amenés à postuler à tout moment, et je m'en félicite. Ils sont au niveau et doivent continuer à bosser. Bien sûr, ils sont déçus et c'est légitime mais ce sont des compétiteurs. Ils ont déjà la chance de participer à cette aventure. Rien ne dit que ce groupe sera figé jusqu'à la fin de la compétition".
Des états d'âme
Le discours est logique, sa position également, mais les joueurs l'entendront-ils de la même manière ? Pour affronter les Tonga, Guilhem Guirado, Romain Millo-Chluski, Fulgence Ouedraogo, Jean-Marc Doussain, David Marty, Damien Traille et Louis Picamoles seront en tribune. Durablement ? Personne ne peut le dire pour le moment. Mais les deux derniers, remplacés en cours de match à l'Eden Park contre la Nouvelle-Zélande, se sont épanchés dans la presse. "Je suis frustré et très énervé", lâchait ainsi le Toulousain après le match. "Je peux entendre quelqu'un me dire ce qui n'a pas été, mais là, à chaud, sans explication, j'ai les boules." Autre appréciation du côté du Biarrot: "Marc a parlé à Louis après l'avoir remplacé à la mi-temps. Mais moi, je n'ai pas eu d'explication. Me faire ça avec la carrière que j'ai", déclarait-il dans Le Parisien. Ces phrases, à chaud, font écho déjà à des déclarations d'Imanol Harinordoquy ou de Dimitri Yachvili durant cette Coupe du monde. Et les sorties nerveuses du sélectionneur en conférence de presse ne plaident pas pour une sérénité absolue dans le groupe France. Obligé de restreindre son groupe face aux échéances majeures qui s'approchent afin de lui donner plus de repères, Marc Lièvremont sait qu'il joue sur une corde raide. Comme tous les sélectionneurs. Mais les prestations fournies jusque-là par l'équipe ne peuvent pas servir d'éponge magique sur les états d'âme des uns et des autres. Avec des victoires, avec un jeu abouti, tout s'efface. Là, chacun peut estimer ne pas avoir démérité. Gérer cette situation sera l'une des clés de la poursuite ou de la fin de l'aventure en Nouvelle-Zélande. "Dans un groupe de trente, il y a toujours des déçus. On vit ensemble toute la semaine et ce n'est pas évident pour ceux qui jouent et ceux qui ne jouent pas. C'est compliqué", glisse le troisième ligne Imanol Harinordoquy.
Beaucoup d'attentes
Le match contre les Tonga sera décisif. Dans son résultat comme dans sa manière. La victoire assurera à la France sa place en quarts de finale, objectif de base. Mais produire enfin 80 minutes pleines et satisfaisantes, tant en défense qu'en attaque, sera essentiel pour espérer aller plus loin. Car la confiance n'est toujours pas totale dans les rangs tricolores, et jouer une Angleterre (si elle termine à la 1ère place du groupe B) qui monte en puissance, sera un sacré défi. Si ce n'est pas le cas, les recalés pourront ambitionner de revenir dans le jeu, forçant (ou pas) le sélectionneur à faire une croix sur sa politique de resserrement et surtout sur un maintien des hommes, source de repères et de connivence sur le terrain.
Tous les joueurs sont-ils attendus de la même manière ? Certainement pas. Après Traille et Heymans, c'est au tour de Maxime Médard de jouer sa carte au poste d'arrière, formant un trio explosif avec Clerc et Palisson, revenu de blessure. "Je suis content car je vais toucher plus de ballons et je vais avoir plus de responsabilités", estime le Toulousain aux rouflaquettes. "J'ai un grand plaisir à occuper ce poste. Je suis formé à l'arrière et les repères reviennent assez vite". Face au jeu peu reluisant des lignes arrières, les trois hommes sont presque attendus comme des messis, au même titre que les centres Rougerie et Mermoz, reconduits. A la charnière, si la prestation de Morgan Parra a été intéressante et même concluante, il n'est pas certain que sans le KO de François Trinh-Duc, il aurait gardé le N.10. Officiellement, le Montpellierain n'a pas perdu connaissance sur le terrain, même si lui avouait candidement le contraire après le match. Mais un KO, c'est trois semaines d'arrêt, et donc le seul ouvreur de métier sur le flanc pour ce possible quart de finale si important. En gardant Parra sur le terrain, le staff tricolore ménage un joueur secoué, et maintient de la concurrence. Quant au pack, la 3e ligne ne semble concurrentielle qu'au poste de N.8 (Lakafia, Harinordoquy, Picamoles), la deuxième ligne tourne autour de trois joueurs (Nallet, Papé, Pierre), alors que la blessure de Nicolas Mas réduit les possibilités de changements en première ligne, Poux étant le seul à pouvoir jouer à droite ou à gauche. Et le turn-over au talon entre Servat et Szarzewski se poursuit.
Samedi, contre les Tonga, les Français joueront plus que leur dernier match de poule. Malgré le french flair redouté par tous, toujours capable de renverser les montagnes surtout dans l'adversité, le XV de France doit trouver des certitudes.
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