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ENTRETIEN. Rugby à XIII : "Ce week-end doit changer les choses", entre les Dragons Catalans et Toulouse, un tournant historique à opérer pour la discipline française

Le club catalan dispute sa première finale de Super League, tandis que les Toulousains jouent la montée dans l'élite. L'occasion d'évaluer le développement d'une discipline méconnue en France.

Article rédigé par franceinfo: sport - Elio Bono
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La ferveur populaire au stade Gilbert-Brutus de Perpignan, lors de la demi-finale des Dragons Catalans contre Hull, le 30 septembre. (ARNAUD LE VU / HANS LUCAS)

Une fois n'est pas coutume, Old Trafford va rugir en pleine trêve internationale. L'antre mancunien ne vibrera pas grâce aux performances de Cristiano Ronaldo, mais plutôt aux sons des spectateurs de rugby à XIII, pour la finale de la Super League anglaise. Pour la première fois, les Dragons Catalans, basés à Perpignan et admis dans le championnat britannique depuis 2006, sont invités au grand rendez-vous face à Saint Helens, samedi 9 octobre (19 heures). De son côté, le Toulouse Olympique XIII va tenter de rejoindre l'élite contre Featherstone, le lendemain à la même heure. 

Un moment d'histoire, pour une discipline méconnue en France. 10 des 12 équipes du championnat national sont en Occitanie, et les deux dernières - Villeneuve-sur-Lot et Avignon - n'en sont guère éloignées. Pour comprendre la portée de ce double événement et l'évolution du rugby à XIII dans l'Hexagone, franceinfo: sport a interrogé Mike Rylance, historien britannique auteur des ouvrages Le rugby interdit et Audace et combat consacrés au sujet.

franceinfo: sport : Historiquement, le rugby à XIII a-t-il déjà été plus populaire que le XV ?

Mike Rylance : Pas en nombre de clubs, non. Mais jusqu’en 1939, il était clair que le XIII montait en puissance, pendant que le XV déclinait. La guerre est intervenue, puis tout a changé. Les quinzistes, voyant le nombre de joueurs qui étaient passés à XIII, ont saisi le moment pour se débarrasser de ce 'rival dangereux'. Ils ont utilisé le prétexte du professionnalisme, interdit par Vichy. Officieusement, les joueurs étaient payés à XV, mais on ne le disait pas, cela restait officiellement un sport amateur.

En 1951, lorsque la France a battu les Australiens chez eux, on a dit que c’était le deuxième âge d’or du XIII. Mais après, le XV a toujours été plus répandu, jusqu’à nos jours.

En 1981, la finale du championnat de France a été interrompue au bout de quelques minutes par une bagarre générale. Il s'agit de la dernière retransmission d'une finale sur TF1...

Tout le monde se souvient de cette finale ! C’était un moment où le sport en général était beaucoup plus violent qu’aujourd’hui. Mais rien n’excuse le comportement des joueurs au début du match. 

Les médias se sont saisis de l'événement pour expliquer que le XIII était un sport très violent, qu’on n’avait jamais vu ce genre de brutalité. Ce n’était pas tout à fait vrai, mais ça a fait sensation : c’est la première fois qu’une finale nationale n’est pas allée à son terme.

Cet incident explique-t-il le manque de médiatisation de la discipline aujourd'hui ?

Pas vraiment, non. C’était il y a 40 ans, la plupart des journalistes, s’ils en sont conscients, ne semblent pas prêter beaucoup d’attention à cet événement. Il y a surtout eu un long déclin, qui a commencé avant, avec la croissance du nombre de joueurs à XV. Le XIII a trouvé difficile d’attirer l’attention des médias, car il se jouait dans un territoire relativement limité. On n’avait pas de profil national..

Il y a bien eu une tentative, avec la création du Paris Saint-Germain à XIII (dans les années 1990, le club a intégré la Super League pendant deux ans, NDLR). Mais le club n'était pas très bien préparé. Il n'y avait ni le financement, ni la base populaire que l'on a à Toulouse ou Perpignan aujourd'hui.

Ce week-end historique peut-il donner un nouvel élan à cette pratique ?

Les treizistes l’espèrent ! Cela va être important, mais il faut commencer par les petits clubs. Il faut apprendre à plus de jeunes à jouer à XIII. Mais rien que le fait que vous m’appeliez pour parler de cet événement prouve que, pour une fois, les médias commencent à s’intéresser à la discipline.

Le fait que deux équipes jouent à ce niveau professionnel en France, avec deux rencontres par an, devrait attirer beaucoup de gens en cas de montée de Toulouse. Là-bas, ils comptent attirer jusqu’à 30 000 spectateurs ! C’est une très bonne chose, et j’espère que cela va contribuer à changer les choses.

De même que la possible organisation du Mondial 2025 ?

Oui, d’autant que la Fédération veut que des matches se jouent sur tout le territoire français. Cela serait la première fois depuis longtemps (1972, NDLR) que la France accueillerait seule la Coupe du monde. Au moins, les gens deviendraient plus conscients de cette discipline cachée depuis trop longtemps. 

En Angleterre, comment est vue l'incorporation de deux clubs français dans le championnat national ?

En même temps qu’ils accueillent des clubs français, les dirigeants anglais sont prudents. Si un deuxième club français n’apporte pas de spectateurs, cela pourrait représenter un souci. Surtout que les budgets des clubs britanniques sont impactés par la crise. Mais en général, on reconnaît que c’est nécessaire d’essayer de développer le XIII, en France comme en Angleterre. On souhaite la bienvenue à Toulouse, s’ils sont promus bien sûr !

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