La Ligue nationale de rugby lance son premier Grenelle de la santé des joueurs professionnels
Une douzaine de personnalités du monde du rugby va se réunir, dès mardi, pour proposer un plan pour mieux prévenir les blessures dans ce sport.
C'est une première dans le monde du rugby professionnel : la Ligue nationale de rugby lance, mardi 5 septembre, un Grenelle de la santé des joueurs. Toutes les trois semaines, une douzaine de personnalités se réuniront : joueurs, entraîneurs, dirigeants, médecins et l'ancien sélectionneur du XV de France, Marc Lièvremont.
L'objectif est de proposer un plan pour mieux prévenir les blessures des joueurs de Top 14 et de Pro D2. Les commotions cérébrales sont particulièrement visées. À l'origine de la création de ce Grenelle : le constat, établi par certains acteurs du rugby, qu'il y a une urgence face à la violence des chocs répétés. Bernard Dusfour, le président de la commission médicale de la LNR, admet avoir peur quand il regarde un match. "La plus grosse évolution c'est sur le bruit, assure cet expert en traumatologie. Avant, on entendait un impact de temps en temps. Là, on entend un impact à chaque plaquage. Parfois, on se dit : 'Pourvu que ce joueur se relève'."
La saison dernière a été particulièrement sujette à une progression du nombre de commotions dans le championnat de Top 14 : près d'une centaine ont été recensées, soit une hausse de 35% par rapport à l'année précédente. Cette augmentation de l'importance des chocs entre les joueurs a été particulièrement visible lors des phases finales du Top 14, d'une brutalité rarement atteinte, la saison dernière.
Cinq joueurs avaient été sonnés pendant la finale. Ce qui avait amené Benjamin Kayser, le talonneur du club champion de France, l'ASM Clermont Auvergne, à déclarer : "Le rugby devient complètement débile !" Avec des joueurs surpuissants et plus véloces, il est difficile d'éviter les chocs et donc les blessures reconnaissent certains rugbymen.
Le rugby "spectacle"
Pour Pierre Aguillon, le trois-quarts centre de La Rochelle, cette dérive du rugby peut être en partie attribuée au côté spectaculaire et sensationnel qui y est insufflé depuis quelques années. "Il faut savoir ce que l'on veut ! Le public veut de plus en plus de spectacle, il veut que ça aille de plus en plus vite, donc il ne faut pas se plaindre que ça tape de plus en plus fort."
Quand tu as des mecs de 120 kilos qui courent le 100 mètres en moins de deux, quand tu les prends dans la tronche, ça fait mal
Pierre Aguillon, trois-quarts centre du Stade Rochelaisà franceinfo
Face à cette problématique, il est difficile, selon lui, de trouver une solution. "Il n'y a qu'à faire un championnat par catégorie de poids et on sera moins emmerdé, mais c'est le risque de ce sport."
Le président de la commission médicale de la LNR, lui, veut croire que les joueurs ont pris conscience du danger : "Les joueurs sont arrivés à un stade où ils ne vont peut-être plus accepter ce qu'on leur faisait accepter", explique-t-il. Pour lui, l'image du rugbyman est en train de changer, les joueurs comprenant qu'ils n'ont pas à se montrer infaillibles en permanence. "Ils sont en train d'accepter que, de temps en temps, ils ne peuvent pas aller au bout de tout parce que ce n'est pas la solution. On n'est pas aux jeux du cirque."
Procédure renforcée pour éviter les commotions
Pour éviter aux joueurs et aux clubs de repousser trop loin les limites, la Ligue a d'ailleurs renforcé la procédure en matière de commotion, avec notamment plus de temps de repos et un analyste vidéo sur le bord du terrain. Laurent Travers, l'entraîneur du Racing 92 estime qu'il faut aller plus loin. "Il est important que l'on puisse travailler avec le domaine médical, le domaine sportif, et que tout le monde soit sensible à la situation, dit-il. Il faut qu'on soit capable par moment de protéger les joueurs mais aussi notre sport."
Ce Grenelle sera-t-il suffisant et aura-t-il les moyens d'enrayer une dynamique folle ? La majorité des personnes que franceinfo a interrogées n'en sont pas convaincues.
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