Rugby : des protège-dents connectés pour évaluer les chocs et lutter contre les commotions
L'ASM Clermont fait partie des clubs professionnels qui participent à une étude menée par World Rugby pour mesurer les chocs reçus par les joueurs.
En 2021, une étude menée par la Fondation Drake en Grande-Bretagne montrait que 50 % des joueurs de rugby de haut niveau présentaient une modification inattendue de leur volume cérébral en raison d’impacts reçus à la tête durant leur carrière. Et alors que le président de World Rugby, Sir Bill Beaumont, veut faire de 2022 "une année consacrée à la santé des joueurs de rugby", la Fédération internationale a lancé une étude visant à comprendre la fréquence et la nature des chocs reçus à l’entraînement et en match, grâce à des protège-dents connectés.
Lancée en mars 2021 avec l’université d’Otago (Nouvelle Zélande), cette étude concerne avant tout 700 joueurs et joueuses amateurs, des moins de 13 ans aux seniors, qui portent donc des protège-dents connectés : "C’était une technologie déjà développée depuis plusieurs années, mais elle est devenue plus accessible, ce qui nous permet de l’utiliser à grande échelle, sur un échantillon représentatif. Les joueurs et joueuses amateurs ne pratiquent pas le même rugby et leurs profils varient, leurs blessures également, et les impacts des chocs ne sont pas du tout les mêmes", explique Dorian Grimaud, responsable de la communication pour World Rugby.
World Rugby CEO Alan Gilpin explains how instrumented mouthguards being used by @EnglandRugby and @BlackFerns will help advance player welfare at all levels.
— World Rugby (@WorldRugby) November 2, 2021
Both teams will be wearing them this Sunday live on @BBCSport at 14:45 GMT
: BBC Sport
L’ASM Clermont les expérimente
Plusieurs clubs professionnels ont également été sollicités par la Fédération internationale, dont l’ASM Clermont, qui a reçu ses protèges-dents à la fin de l’année 2021. Les Jaunards utilisent désormais cette technologie lors de leurs entraînements et matchs, pour mesurer les effets induits au cerveau des chocs qu’ils reçoivent. "Il y a un accéléromètre qui mesure les forces mécaniques qui s’appliquent lors des impacts, les forces d’accélération et de rotation au niveau de la tête. Des capteurs mesurent la force des impacts, leurs répétition et leur incidence. Ensuite, on range les protège-dents dans une grande valise où ils sont désinfectés avec des UV et le transfert de données se fait automatiquement", relate Rémi Gaulmin, le médecin clermontois. Cette technologie est également couplée à une analyse vidéo pour comprendre à quelle sorte de contacts sont corrélées les mesures récoltées.
Les protège-dents connectés ont été adoptés par la majorité des joueurs clermontois, conscients des bénéfices qu’ils peuvent apporter au rugby : "Je crois que c’est important d’être acteur de notre sport et d’avoir la possibilité de le faire évoluer vers plus de sécurité et une plus grande prise de conscience. Franchement, aujourd’hui, je suis incapable de dire à quelle intensité et à quelle fréquence nous sommes soumis à des chocs […] Si on peut faire avancer un peu les choses, alors ce ne sera que bénéfique pour tous les joueurs actuels et les générations qui suivront", témoigne Rabah Slimani sur le site officiel de l’ASM.
Vers une adaptation des règles ?
Les données récupérées alimentent ensuite la réflexion des instances pour mieux comprendre l’origine des blessures, et pourraient aboutir à des adaptations des règles pour prévenir les blessures : "Selon les profils des joueurs, si on se rend compte qu’en junior, les impacts sont plus forts au moment de la chute après un plaquage, il faudra peut-être songer à améliorer la formation sur les plaquages. Ou bien, si on se rend compte que les impacts sont très importants en mêlée chez les filles, alors il faudra peut-être aménager les règles pour en disputer moins", envisage Dorian Grimaud.
"Si on remarque à l’entraînement qu’il y a trop de contacts qui amènent de la traumatologie, on peut imaginer adapter les contenus d’entraînement à l’avenir."
Rémi Gaulmin, médecin de l'ASM Clermontà franceinfo:sport
Selon Jean Chazal, neurochirugien à Clermont-Ferrand et auteur du livre "Ce rugby qui tue", un joueur professionnel peut subir entre 3 et 4 commotions entre 20 et 30 ans. En 2020, plus de 70 anciens rugbymen avaient d'ailleurs engagé une action en justice contre World Rugby pour négligence dans la prise en charge des commotions. La Fédération internationale a donc accentué ses efforts dans ce domaine, et a également lancé l'expérimentation de la technologie de suivi occulaire.
Grâce à des lunettes de réalité virtuelle, cette technologie permet de mieux évaluer les éventuelles commotions cérébrales lors des protocoles commotions. "Contrairement à des blessures musculaires fréquentes dans le sport, les commotions sont des blessures qui sont moins acceptées par les pratiquants et leur famille, et pour lesquelles on doit faire plus d’effort pour en réduire les risques. Plus la technologie évolue, plus le sport va l’utiliser pour devenir plus sûr", explique Dorian Grimaud. Les résultats de l’étude menée grâce aux protège-dents sont attendus d’ici la fin de l’année 2022.
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